Le premier est la terminologie habituellement utilisée par le mainstrean pour qualifier l’Occident. Mais les deux années de covid et aujourd’hui la guerre en Ukraine font voler en éclat cette image d’Epinal. Nous sommes décidément plus proches du second, preuves à l’appui: comptes bancaires de citoyens russes bloqués, navires russes arraisonnés (sans parler de la « cancel culture » qui s’attaque aux artistes russes, et même à Dostoïevski) en vertu de lois… tout simplement inexistantes: décidément « Bienvenue au Far West de l’Occident de 2022 ».

De l’État de droit au Far West. Bienvenue dans le « monde libre ».

Le « monde libre », c’est ainsi que le mainstream appelle pompeusement le bloc occidental qui s’oppose à « Poutine le dictateur » (ou « l’Empire du Mal », pour citer Reagan). Slogans habituels pour simplets, qui prétendent enfermer des réalités complexes dans des catégories de jardin d’enfants.

Mais cette qualification de « monde libre » est vraiment ridicule, non seulement pour ce que nous avons vu pendant la pandémie, mais aussi et surtout pour ce qui se passe à l’occasion de cette guerre impromptue. La loi existe-t-elle encore, ou sommes-nous en train de nous enfoncer dans le Far West ?

Par exemple, la saisie de biens russes. En Italie comme en Allemagne, les biens des citoyens russes sont saisis avec la plus grande désinvolture, au mépris des lois internationales et du droit normal sur lequel nos sociétés sont fondées. Même dans un Etat bananier, ils ne procèdent pas à la spoliation d’étrangers innocents de leurs biens au gré d’un caprice. Et puis quoi encore, les mettre dans des camps de concentration comme les États-Unis l’ont fait avec les citoyens japonais dans les années 40, dans le Far West, justement?

Les journaux décrivent la richesse (italienne) des oligarques russes pour attiser l’envie sociale du citoyen moyen, et l’empêcher de remarquer que l’injustice est désormais devenue la norme. En revanche, le citoyen italien qui a eu la malencontreuse idée d’épouser une femme russe, et qui voit son compte bancaire bloqué, le remarque. Pourquoi ? En vertu de quelle loi ? Aucune. Par contre, nous voyons tous, sur les chaînes et les réseaux sociaux, la censure de RT et Sputnik exprimée par le message « Cette chaîne a été annulée car elle contrevient aux lois locales » [je dois à la vérité de dire que sur mon système, j’ai simplement le message standard de Windows « Ce site est inaccessible »] . Quelles lois ? Elles n’existent pas, mais c’est sans importance, on le fait quand même parce que personne n’y prête attention et surtout personne ne nous poursuit.

Le navire russe Baltic Leader arraisonné par la police maritime à Boulogne-sur-Mer dans la nuit du 5 mars  (Photo Reuters)

Le prix Far West 2022 revient cependant à la France qui, avec la plus grande désinvolture, a fait en sorte que la piraterie sur les mers redevienne chose normale. Dans la Manche, les Français attaquent des cargos russes (des navires commerciaux, donc) et en prennent possession [confirmation sur un site insoupçonnable: www.challenges.fr/top-news/un-cargo-russe-intercepte-dans-la-manche-pour-ses-liens-eventuels-avec-les-sanctions-contre-moscou]. On revient à la « guerre des corsaires » comme au XVIe siècle, et personne ne sourcille.

Mais le blocage du circuit des cartes de crédit en Russie n’est pas non plus une plaisanterie, et surtout, il n’augure rien de bon. Une « sanction » normale? Pas vraiment: c’est la démonstration qu’il suffit à une multinationale d’appuyer sur un bouton, sur un coup de tête, pour bloquer les transactions d’États entiers, voire de groupes de citoyens, simplement parce qu’elle n’aime pas ce qu’ils pensent. Et tandis que les journaux prônent l’abolition de l’argent liquide, un frisson parcourt l’échine de chacun.

Moyen-âge ou Far West, telle est la situation dans le « monde libre » : la loi n’existe plus, et l’arbitraire règne.

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