Comme ce n’est pas dans un grand média français qu’on l’entendra, on va se rabattre sur l’Italie. Ici, le politologue franco-italien est interviewé sur La Bussola. Il voit dans le péril islamique et son absence ou sa quasi-absence dans le débat du second tour la clé de la victoire de Macron, et dans les Frères Musulmans les arbitres. Je ne suis pas entièrement convaincue, mais c’est intéressant

Macron président . Les vainqueurs, ce sont la culture woke et l’influence islamique.

Lorenzo Formicola
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Emmanuel Macron gagnant pour un second mandat. Pour le politologue Alexandre Del Valle, le poids du soutien des médias et des grandes entreprises a compté. La campagne électorale ratée de Le Pen, trop « normalisée », et la contribution décisive des électeurs d’extrême gauche qui avaient voté pour Mélenchon au premier tour ont également compté. Et le vote islamique compte. Mais que se serait-il passé si Le Pen avait gagné ? « Il lui aurait été beaucoup plus compliqué de gouverner que cela ne l’a été pour Trump ».

Emmanuel Macron remporte son second mandat, ce qui n’est plus arrivé depuis Jacques Chirac. Marine Le Pen est restée pour le monde des médias internationaux, qui ont désormais une juridiction incontestée sur la conscience mondiale, la fille cadette de Jean-Marie Le Pen, la fille d’un négationniste, l’islamophobe et la populiste qui « mène un front obtus contre l’Europe ». Mais son résultat reste historique : elle a obtenu environ deux millions de voix supplémentaires.

Nous en parlons avec Alexandre Del Valle, politologue, essayiste, journaliste, professeur et spécialiste de géopolitique et du Moyen-Orient. La mondialisation dangereuse est l’un de ses derniers livres.

Était-ce un résultat prévisible?

Macron est l’homme du système. Mélenchon et Le Pen sont les ennemis par antonomase. L’homme de l’Europe, des multinationales, de l’industrie a gagné. L’homme des médias, et les médias d’aujourd’hui ne sont rien d’autre que les employés de grands groupes industriels. Un autre scénario était très difficile.

Le « champion » de l’extrême gauche, Jean-Luc Mélenchon, a apporté (sans le dire explicitement) sa caution au « président des riches », comme il appelle Macron depuis cinq ans. Cela signifie-t-il que les adversaires de Macron n’ont pas été en mesure de le contester, d’appeler les Français à reprendre ce que la haute finance, le « système », leur a pris ?

L’homme de la gauche radicale a simplement travaillé sur la stratégie : l’objectif est de devenir le premier ministre d’un gouvernement de cohabitation.

De quelle manière ?

La Constitution de De Gaulle est la plus présidentialiste du monde démocratique. Elle donne au président encore plus de pouvoir qu’à son homologue américain. Mais quand il arrive que la majorité du gouvernement ne soit pas seulement l’expression du président, alors il y a une cohabitation à la française : le partage du pouvoir donnant beaucoup plus de place au premier ministre.

Et voilà qu’arrive Mélenchon.

Exactement. C’est une bonne stratégie. Il s’est dit : « Je ne vais pas barrer la route à Macron, je préfère freiner les votes pour Le Pen. Il devra me remercier d’une manière ou d’une autre ». Mélenchon sait qu’une partie de ses électeurs n’est pas trotskiste, mais simplement contre le « système » actuel. C’est pourquoi autant de gens, même s’ils sont plutôt de gauche, allaient voter pour Le Pen. Et le programme de la nouvelle Le Pen est un programme très prolétaire, presque anticapitaliste.

Mélenchon a gagné au premier tour dans toutes les villes à majorité musulmane. Y a-t-il eu un accord avec les Frères musulmans ?

Les trotskistes ont passé un accord révolutionnaire avec les Frères musulmans, mais pas Mélenchon. Il s’est simplement placé comme un rempart pour le musulman qui se sent persécuté par le bourreau identifié dans le « chrétien blanc ».

Dans quel sens ?

Les socialistes français sont woke comme Trudeau au Canada. Ils sont imprégnés d’une mentalité hyper-mondialiste, du côté du transsexualisme et de l’homosexualisme : aux antipodes des musulmans. Mais ces derniers se sentent défendus, paradoxalement. Parce qu’avec des types à la Mélenchon, il est plus facile d’ouvrir de nouvelles mosquées et de violer les règles d’immigration. Et cela a créé, sans accords formels, un énorme soutien des Frères musulmans au parti socialiste. Hollande contre Sarkozy, en revanche, eut besoin d’un pacte.

Sarkozy a lui aussi conclu un véritable accord avec les Frères musulmans.

Il a créé le Conseil français de l’Islam et a placé la Fraternité à sa tête. Il a fait un marché d’état. Pourtant, ils ont voté contre lui.

Et pourquoi ?

Ils ont compris que l’immigration serait entravée. Les islamistes radicaux votent de manière pragmatique. Mieux vaut un gauchiste qui défend les trans qu’un catholique réactionnaire [Sarkozy n’était ni l’un ni l’autre, très loin de là!!]. Le calcul ne se fait pas sur l’idéologie, mais sur qui ne fait pas obstacle à leur stratégie d’expansion : leur objectif est la conquête de l’Occident.

La grande mosquée de Paris avec son recteur algérien a apporté son soutien à Macron. Les Algériens avaient-ils la force de changer le résultat ?

L’Algérie a tout intérêt à utiliser sa communauté comme un cheval de Troie dans la politique française. L’immigration algérienne a été massive et elle constitue aujourd’hui une minorité qui peut facilement constituer une cinquième colonne, avec une grande capacité d’ingérence.

Même lors du dernier débat, Macron n’a pas fait d’effort pour paraître moins arrogant et agressif. Le manque total d’empathie avec le peuple français était évident. A-t-il le sentiment d’être couvert par les élites mondialistes ?

Il n’a pas un charisme énorme comme Sarkozy [?] – seuls ceux qui l’ont entendu peuvent comprendre de quoi je parle – mais il est capable de catalyser l’affection des jeunes en étant woke, un Trudeau français. Pour Macron, la mini-jupe, la femme voilée et le travesti sont égaux: il incarne l’idéologie officielle de l’Occident, il n’est pas à contre-courant.

Tout au long de la campagne électorale, le terrorisme islamique a semblé ne plus être un problème, mais c’était pourtant le cheval de bataille de Le Pen. En France, donc, danger écarté ?

Marine est devenue une professionnelle de la politique. Elle a compris que pour le Français moyen, aujourd’hui, l’ennemi que les médias laissent percevoir est le Russe blond, tsariste, fasciste, soviétique, pas l’islamiste qui pose des bombes.

Ah, donc pour aller au cœur des gens, il ne faut pas parler d’islam. Mais elle n’a pas vraiment réussi, malgré tout. Qu’aurait-elle dû dire alors ?

Imputer la responsabilité à Macron. Lui expliquer calmement qu’il n’a pas su lutter contre l’islamisme et l’insécurité, conséquence directe d’une immigration incontrôlée.

D’autre part, il y a des faits et des chiffres qu’elle aurait pu présenter.

Il y en a beaucoup. Entre autres choses, Macron est entouré des Frères musulmans, il les aime et les a courtisés tout en prétendant les combattre. Il aurait pu les attaquer. Il y a aussi l’histoire de M’jid El Guerrab, un député maghrébin d’En Marche qui a plongé Boris Faure, secrétaire de la fédération socialiste, dans le coma en le frappant avec son casque.

El Guerrab s’est défendu en disant qu’il avait été provoqué.

Il ne s’est jamais excusé. Le parti ne l’a pas condamné, mais l’a même autorisé à se représenter. Le Pen aurait pu lui demander comment fait En Marche pour parler de sécurité?

Le Français moyen ne ressent-il plus le danger de l’islamisme ?

Il est terrorisé par les banlieues et l’Islam en général. Il a peur de la guerre civile qui pourrait vraiment se produire entre les musulmans et les non-musulmans, et il espère donc qu’avec un peu de multiculturalisme comme en Belgique, il n’y aura plus de problèmes de terrorisme.

Est-ce la raison pour laquelle Le Pen n’a pas trop abordé le sujet ?

Marine a parfaitement compris qu’il existe une peur plus urgente, plus tangible : la faim. Le blé et l’essence, ainsi que le pouvoir d’achat, sont les nouvelles priorités qui relèguent le problème de l’islam à une distance sidérale, surtout si vous ne vivez pas dans un quartier islamisé. Même si Macron est totalement d’accord avec les sanctions.

Que se serait-il passé si Le Pen avait gagné ?

Il lui aurait été beaucoup plus compliqué de gouverner que cela ne l’a été pour Trump. Elle aurait eu tout le système contre elle, des médias à la Commission européenne. Il suffit de regarder Orbán. La même semaine où il s’est opposé aux sanctions contre la Russie et a accepté de payer le gaz en roubles, un mécanisme a pris le relais pour bloquer les fonds européens hongrois. Comme par hasard. Structurellement, Marine aurait été persécutée.

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