Marcello Veneziani, interviewé dans le quotidien romain Il Dubbio: « Meloni est prête à gouverner. Les problèmes viendront, mais de l’UE, pas de Salvini ». Autrement dit, attention à la vulgate répandue par les médias, qui ont tout intérêt à miser sur la zizanie au sein de la coalition gagnante (et en France, LE journaliste italien de référence, celui qu’on consulte pour avoir son expertise, est Alberto Toscano, qui vit à Paris, et vient du communisme… la messe est dite)

Je pense que les risques pour le gouvernement viendront de tempêtes externes et non internes à la majorité. Objectivement, le danger d’une implosion est certainement moindre que celui d’un encerclement. »

La guerre imaginaire Meloni-Salvini

Le centre-droit se prépare à gouverner le pays sous la pression internationale et les premières oppositions internes. Giorgia Meloni est au travail sur la liste des ministres et devrait passer ses premiers tests dans une phase qui sera très difficile à gérer entre la situation internationale et les chocs de la crise économique. Marcello Veneziani se dit optimiste quant à la capacité du nouvel exécutif à trouver la bonne voie.

Vous attendiez-vous à ce résultat dans les urnes ?

Dans l’ensemble, je m’y attendais depuis quelques mois. Le climat allait dans une certaine direction, et il restait seulement à découvrir les chiffres de la victoire ».

Une majorité plutôt solide, celle que les Italiens ont attribuée au centre-droit…

« Relativement solide. Comme toutes les majorités, elle connaît une certaine incertitude et une certaine anxiété, si l’on compare la situation actuelle à celles du passé, il s’agit peut-être d’une majorité plus solide que beaucoup d’autres.

Quel premier ministre sera Giorgia Meloni ?

Je pense qu’elle sera un premier ministre très prudent. Elle privilégiera la continuité et je pense que les changements seront peu nombreux, peut-être même simplement symboliques. Je ne pense pas à des changements radicaux, car elle devra résister à la force de choc de l’establishment national et international qui a une aversion et de nombreux préjugés envers la droite ».

Faites-vous référence aux relations de Meloni et Salvini avec Orban par exemple ?

« Il faut espérer que ces relations resteront positives, bien que marginales. Il n’est pas possible d’imaginer qu’une grande démocratie comme l’Italie puisse être influencée par deux ou trois nations orientales ayant un poids spécifique très relatif. Il est inévitable que les principaux interlocuteurs restent des nations comme la France et l’Allemagne. Les préoccupations mises en avant dans ce sens me semblent avoir des objectifs de propagande« .

En ces premiers jours après le vote, Meloni ne semble pas faire confiance à Salvini à qui elle n’aimerait pas confier des ministères clés. Les tensions entre FDI et La Lega peuvent-elles influencer l’action du gouvernement ?

Il me semble que c’est un récit journalistique en vogue en ce moment. On essaie d’opposer les alliés. C’est un jeu qui ne date pas d’hier. En réalité, j’ai entendu un Matteo Salvini détendu et ouvert à la coalition. Je ne crois donc pas que Giorgia Meloni soit suicidaire au point d’essayer de creuser un fossé entre elle et Salvini. Il y aura des tensions et des requêtes qui seront en partie acceptées et en partie refusées. Mais croire que la cohabitation avec Salvini pourrait se transformer en une grande épreuve de force me semble une lecture captieuse et irréaliste ».

Mais certaines différences de vues entre les partis majoritaires sont évidentes, tant sur la ligne de la politique internationale que sur des questions majeures telles que le présidentialisme et l’autonomie…

« Je vois les plus grandes différences avec Forza Italia et Silvio Berlusconi, qui jouera un rôle important, étant donné que ses voix sont décisives pour gouverner. Il y aura des tensions avec les alliés, mais si nous comparons ces tensions à celles des gouvernements précédents, il me semble qu’ils poussent des cris d’alarme inutiles. Ce ne sont pas des contrastes si profonds qu’ils modifient l’intérêt commun de préserver la majorité et le gouvernement ».

Prévoyez-vous donc un gouvernement appelé à durer ?

Je pense que les risques pour le gouvernement viendront de tempêtes externes et non internes à la majorité. Objectivement, le danger d’une implosion est certainement moindre que celui d’un encerclement. »

C’est-à-dire? Quelles tempêtes extérieures ?

« Il peut s’agir principalement de pressions internationales. La stratégie du pouvoir en place actuellement me semble être d’encercler le gouvernement naissant afin d’obtenir des preuves de loyauté envers l’establishment, c’est-à-dire de soumission aux directives. Cet encerclement pourrait frapper et couler Meloni si elle se montre faible, sinon cela finira en une acceptation, voire une cour, y compris avec des flatteries, si le nouveau gouvernement trouve la bonne façon de traiter avec la Commission européenne, mais aussi avec le Quirinal [présidence de la République] et avec tous les pouvoirs internationaux et nationaux ».

Un encerclement visant à obtenir un nouveau gouvernement de salut public? [ndt: comme l’était le gouvernement Draghi]

« Bien sûr, c’est l’objectif. On voudrait continuer indéfiniment avec des gouvernements comme celui dirigé par Draghi, indépendamment du retour à la politique et à la souveraineté populaire. Des gouvernements fragiles qui, précisément en raison de leur faiblesse, sont plus susceptibles d’être pilotés et donc mis sous tutelle par des technocrates ».

Quelle suggestion avez-vous envie de faire pour les premières mesures que le nouveau gouvernement devra prendre à un moment aussi délicat ?

« S’agissant d’une phase décisive mais encore balbutiante, le nouveau gouvernement devra savoir jongler entre audace et prudence. Là où la prudence est attendue, il devra faire preuve d’audace et, inversement, de prudence là où l’audace est attendue. Il devra savoir comment bien équilibrer ces deux forces. Tout le reste est prématuré.

Mots Clés :
Share This