En France, l’affaire du navire affrété par l’ONG SOS Méditerranée qui a achevé son périple à Toulon, s’est transformée en fin de compte en dégât collatéral pour le gouvernement: l’occasion de mettre en évidence la fausse fermeté de Darmanin et les contradictions d’un Macron prisonnier des diktats de Bruxelles qui lui imposent, pour la galerie, ce slogan « en même temps » (ici fermeté/humanité) prétendant concilier tout et son contraire et se heurtant logiquement à la réalité. Mais il ne faut pas perdre de vue le timing, le contexte de l’avènement d’un gouvernement « populiste » en Italie, où l’affaire apparaît plutôt comme une manière de décrédibiliser le nouveau Premier et surtout de semer la zizanie et la discorde au sein de son équipe. Technique classique, éprouvée, qui voit la gauche – ici italienne -, secondée par les médias tous acquis, jouer son rôle habituel de diviseur, préférant s’allier à l’étranger (et à l’UE) plutôt que de défendre les intérêts de ses compatriotes. Comme en France, en fait…

Contre Meloni, l’habituel axe UE-PD

Ruben Razzante
lanuovabq.it/it/contro-la-meloni-il-solito-asse-ue-pd

Il n’y a pas que la France qui attaque le gouvernement italien pour sa gestion des flux migratoires. Il y a aussi la gauche italienne qui, divisée et à bout de souffle après sa défaite, joue le jeu de la France et de l’UE en général pour tenter de diviser le gouvernement Meloni. Et Berlusconi semble déjà se prêter au jeu. Un film que nous avons vu de nombreuses fois auparavant.

L’affrontement entre l’Italie et la France se joue officiellement sur la gestion des flux migratoires, ce qui n’est pas un hasard. C’est en effet le sujet idéal pour engager une bataille diplomatique et tenter de déstabiliser le cadre politique italien. L’avènement du gouvernement Meloni, au-delà des félicitations formelles des chancelleries européennes, a été vécu avec agacement par ceux qui pariaient sur une égalité entre la droite et la gauche et sur un autre gouvernement de large entente sur le modèle Draghi. La victoire écrasante du centre-droit a bouleversé les plans de ceux qui, à Bruxelles, espéraient une poursuite du schéma hybride de l’ « ammucchiata » [assemblage hétéroclite], qui anesthésie l’opposition parlementaire et facilite les intrigues de palais et les manœuvres spéculatives internationales à grande échelle.

Au lendemain de la constitution et de l’installation du nouvel exécutif italien, les manœuvres européennes habituelles et bien connues ont commencé, visant la stabilité politique de notre pays. Diviser le centre-droit et fomenter des divisions sur les migrants, c’est rendre la structure du gouvernement Meloni plus vulnérable et précaire.

La tension entre la France et l’Italie a officiellement éclaté parce que notre pays a refusé d’accueillir le navire Ocean Viking transportant 230 migrants. Pour le gouvernement italien, ces personnes étaient des migrants économiques et non des naufragés, c’est pourquoi il leur a refusé l’accueil. Ainsi, la France, après avoir été contactée par l’ONG SOS Méditerranée qui gère le navire, a accepté de recevoir l’embarcation dans le port de Toulon. Macron est en difficulté sur le plan interne et tente donc de ne pas être acculé par l’opposition, mais le motif de sa rancœur contre l’Italie est, comme on l’a dit, également politique.

La gauche italienne est en lambeaux, divisée en trois troncs (PD, Terzo Polo et Mouvement 5 étoiles) et donc incapable de s’opposer au gouvernement Meloni. D’autant que sur de nombreux sujets, de la guerre à l’économie, en passant par l’énergie et les migrants, ces trois troncs sont toujours très divisés. Et ils se disputent aussi les places, en l’occurrence les miettes qui reviennent aux oppositions, par exemple les commissions de garantie telles que Copasir [Comitato parlamentare per la sicurezza della Repubblica] et Vigilanza Rai.

Par suite, pour tenter de diviser Meloni de Salvini et Berlusconi, d’autres leviers doivent être utilisés, en premier lieu celui de l’accueil des immigrés. En Europe, l’objectif est de forcer le Premier ministre italien à prendre position entre la ligne la plus dialoguante, celle du ministre des Affaires européennes, Raffaele Fitto, et la ligne la plus barricadière, celle du ministre des Infrastructures (qui est en charge des ports), Matteo Salvini. En vérité, il n’y a pas de clivage à ce sujet. Le gouvernement est uni et compact. Eventuellement, c’est le ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani, du reste pleinement aligné sur les positions fermes de Meloni et de l’exécutif, qui a des difficultés avec son propre parti, Forza Italia, lequel, pour des querelles purement internes, tente de s’imposer dans la majorité en faisant monter les enchères sur certaines questions, comme l’immigration.

Il est probable que les frictions entre l’Italie et la France, surtout après l’appel téléphonique entre [le président de la république] Mattarella et Macron, s’apaiseront, car les deux pays sont convaincus de la nécessité de faire prévaloir dans l’avenir immédiat un esprit de collaboration. Cependant, le feu couve sous la cendre et de nouveaux tacles français et allemands contre la vie politique nationale italienne, pour tenter de remuer les eaux de la majorité de centre-droit, ne sont pas à exclure du tout, on pourrait même dire qu’ils sont très probables. D’ailleurs, il était déjà clair dans les dernières semaines de la campagne électorale que cela pourrait être la tendance, quand le leader du PD, Enrico Letta, après avoir vu les derniers sondages désastreux, qui se sont ensuite avérés vrais, a décidé de faire campagne plus à l’étranger qu’en Italie, plus à Paris et Berlin qu’à Rome. Mieux valait se mettre dans les bonnes grâces de ses alliés européens et d’essayer de discréditer les vainqueurs probables du 25 septembre que d’admettre ses propres contradictions flagrantes, comme celle qui consiste à revendiquer les mérites de l’agenda Draghi tout en s’alliant aux Verts et aux communistes italiens qui l’avaient combattu dès le début.

La tentative de Letta s’est avérée infructueuse (…) mais en attendant, il faut frapper un coup de temps en temps pour ne pas être phagocyté par Conte; et voilà que l’action des chancelleries européennes, toujours proches de la gauche, peut donner une bouffée d’oxygène à la gauche moribonde et donner l’impression que le gouvernement Meloni est en difficulté. C’est un film que nous avons déjà vu, que nous pourrions intituler « Attaque contre la souveraineté italienne ». Seuls les acteurs ont changé, mais il s’agit de la énième reprise.

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