Il y a les lamentables, comme le service public de la télévision française (mais on ne peut guère en attendre plus), qui parle de préservatifs, avortements, scandales sexuels dans l’Eglise, Williamson, aucun charisme, traditionaliste austère, etc. … je n’aurais même pas eu besoin d’en parler tellement c’est minable. Puis les hypocrites, qui ont passé leur temps à le vilipender quand il était en vie et qui font aujourd’hui semblant de le découvrir, tout en soulignant la continuité avec François. Ceux qui saluent le caractère « révolutionnaire » de la renonciation (pour s’en réjouir) et, à l’opposé, ceux qui lui reprochent d’avoir abandonné la croix, de ne pas avoir su « sécuriser » la réhabilitation de la messe en latin, d’avoir participé à Vatican II comme moderniste, que sais-je encore (ces tradis qui détestent Benoît XVI… hélas). Les « politiques » et autres élites, qui ont assuré un service minimum, et fait publier par leur staff sur les réseaux sociaux des messages standard tout droit sortis du célèbre pipotron (voir Macron, Borne, Darmanin… circulez! il y a heureusement des exceptions, voir annexe). Et je ne parle pas des piliers de talk shows, qui n’y connaissent strictement rien, mais qui accourent sur les plateaux télé dès qu’il est question de se montrer, quel que soit le sujet, pour enfiler des lieux communs, uniquement parce qu’ils ont « quelque chose à vendre », ne serait-ce que leur modeste personne. L’Exemple par antonomase: Caroline Pigozzi (ceux qui me suivent depuis le début comprendront).
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Et puis il y a Valli, qui connaît Benoît XVI à titre personnel (un peu), et à titre professionnel (beaucoup). Il a le bon goût de renvoyer les bilans à plus tard (ce n’est pas encore l’heure), et de se limiter, en plus de l’hommage à un géant intellectuel, à une anecdote craquante, qui décrit l’homme-Ratzinger mieux que les longs discours. Je l’avais lue en son temps, et je ne réussissais pas à la retrouver dans la masse imposante de mes archives .
Le hasard a voulu que j’achète cette semaine l’un des ses livres consacrés au Saint-Père « Uno sguardo nella notte ». Nous en reparlerons.

Un gâteau pour Benoît XVI / Souvenirs d’un pape-rempart

Quand je pense à Benoît XVI, la première chose qui me vient à l’esprit n’est pas tant les grandes célébrations ou les voyages, mais les rencontres que j’ai eues avec lui et ma famille.

La première, à Castel Gandolfo, un dimanche, après l’Angélus. Nous ne savions pas quoi apporter comme cadeau pour le pape et ma femme a opté pour un gâteau qu’elle avait fait, une tarte aux myrtilles. Au moment de rencontrer le pontife, Serena a mis dans ses mains la boîte avec le gâteau. Il a demandé ce que c’était et quand il a entendu que c’était une tarte aux myrtilles, il l’a remerciée comme s’il avait reçu le cadeau le plus précieux du monde. Puis, lorsque je l’ai présenté aux six enfants, il a eu un sourire et un mot pour chacun. Le temps était compté, mais il a fait de son mieux pour se montrer attentif.

Une autre fois, nous l’avons rencontré dans les jardins du Vatican, où il se promenait et priait avec Mgr Gänswein. À l’époque, il était déjà pape émérite et, à cette occasion aussi, nous étions nombreux, y compris la femme de mon fils et leur bébé dans une poussette. Une fois encore, Benoît XVI s’est montré extrêmement gentil et accueillant. Il voulait connaître le parcours scolaire de tous les enfants, il s’est intéressé au lycée et à l’université, il a posé des questions sur leurs thèses. Nous y avons vu le professeur, en même temps que le pape, et nous avons senti sa passion pour le monde des études.

Je lui ai apporté les salutations de mon père, né en 1923, et il a eu des mots très gentils : « 1923. Moi, 1927. Nous avons presque le même âge. Il a lui aussi vécu la guerre. C’était difficile. Transmettez-lui mon souvenir »

Là aussi, dans les jardins du Vatican, Benoît XVI a été, une fois de plus, d’une courtoisie exquise. Parce que c’est ainsi qu’il était, malgré la façon dont il était dépeint. Et je me souviens qu’en ces deux occasions, connaissant le milieu de la Curie romaine, j’ai été saisi par une pensée : « D’un tel homme, je le crains, on peut facilement profiter ».

On pourra et on devra revenir à la figure de Benoît XVI, à son travail de théologien, de penseur, de pape. Je ne pense pas exagérer si je dis qu’il a été le dernier rempart contre l’avancée de la modernité, c’est-à-dire le subjectivisme absolu, le relativisme moral et l’identification de la vérité à la simple expérience individuelle. Pour cette défense acharnée, nous devons tous lui être reconnaissants, non pas tant comme catholiques que comme personnes.

Comme nous le savons, Benoît XVI a aussi été attaqué d’une manière que je ne sais comment qualifier, sinon d’ignoble. C’est à lui et au drame de son pontificat que j’ai consacré plusieurs livres, Il pontificato interrotto (Mondadori), La verità del papa (Lindau) et Uno sguardo nella notte (Chorabooks). J’ai beaucoup écrit sur lui parce que sa pensée représente un héritage que nous devons garder avec le plus grand engagement. C’est précisément en le relisant et en l’étudiant que j’ai pris conscience que dans son enseignement, à côté de la défense de la pensée catholique et de la doctrine correcte, il y avait une composante, l’héritage de Vatican II, qui est pour le moins problématique, et cela aussi sera un sujet à approfondir.

Sincèrement, bien que je l’aime, je me suis souvent permis, en priant pour lui, de lui demander : « Cher Benoît XVI, pourquoi as-tu renoncé au pontificat ? Ce faisant, n’as-tu pas succombé à une vision ‘efficace‘ de la fonction reçue sous l’impulsion de l’Esprit Saint ? Ce faisant, n’as-tu pas contribué à la sécularisation de la papauté ? Toi, entre tous ! »

J’ai raconté en direct son élection et son dernier voyage, en hélicoptère, vers Castel Gandolfo. 2005 – 2013. Au milieu, pour moi, une expérience passionnante en tant que vaticaniste, surtout d’un point de vue intellectuel. Une expérience marquée par de grands discours comme celui de Ratisbonne, une leçon de valeur historique exploitée ignoblement par les fanatiques, les ignorants et les violents, et comme celle qu’il aurait dû donner à l’université La Sapienza si, dans ce cas aussi, l’idéologie d’une poignée d’intolérants ne l’avait pas empêché d’entrer dans l’université fondée par un pape.

Mais, je le répète, en ces heures, le souvenir du contact personnel, de son sourire, prévaut. Parce qu’en compagnie du professeur Ratzinger, on était bien.

Annexe

  • Nicolas Sarkozy (quoi qu’on pense de lui, et je ne suis pas fan), a publié un tweet que j’ai la faiblesse de croire sincère (sinon, qu’aurait-il à gagner?) car il a rencontré personnellement Benoît XVI à plusieurs reprises, et comment aurait-il pu ne pas être touché? (même si je n’ai pas oublié qu’il n’a pas daigné honorer de sa présence la messe sur l’Esplanade des Invalides, lors de la visite du Saint-Père en France, en septembre 2008).
  • Et Philippe de Villiers (mais il n’appartient plus vraiment à la politique)
  • Et puis, bien sûr, le duc d’Anjou. Mais lui non plus n’est pas un politique)
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