Messa in Latino qui a suivi l’affaire Rupnik de très près, avec les compétences canoniques et les entrées vaticanes ad hoc ne mâche pas ses mots.

L’interview avec Nicole Winfield, la vaticaniste de l’AP (dont nous avons parlé hier, mais l’article cité n’était que l’accroche de l’entretien logorrhéique) a été transcrite in extenso sur leur site. Nous nous intéressons ici à ce qui concerne ce qu’il faut bien appeler le scandale Rupnik. Un scandale qui ne concerne pas seulement les faits répugnants dont le jésuite s’est rendu coupable (et pour lesquels il avait été condamné par la CDF) mais aussi et surtout l’attitude du Pape. La journaliste américaine l’a (un peu) poussé dans ses retranchements, mais n’en a obtenu que des réponses dilatoires, et des protestations de bonne foi, soi-disant par IGNORANCE des faits! Avec la conclusion qui laisse sans voix, à savoir: « qu’il souhaitait une plus grande transparence dans le traitement des affaires, mais qu’il s’agissait d’une bataille difficile dans une institution qui, pendant des siècles, a traité les prêtres prédateurs à huis clos » . Autrement dit: Ce n’est pas moi, ce sont les autres… Moi, je m’en lave les mains.

INCROYABLE : Le Pape nie être intervenu pour « absoudre » le Père Rupnik de l’excommunication.

Qui l’a fait alors ? Le Père Noël ? Nous restons sans voix.

/blog.messainlatino.it/2023/01/incredibile-il-papa-nega-di-essere

Dans une interview avec Nicole Winfield (par APnews – Associated Press) le Pape affirme quelque chose d’incroyable : qu’il ne savait rien des abus que le Père Rupnik aurait commis, ni du procès canonique (qui l’a vu condamné par la Justice du Saint-Siège avec une sentence désormais revêtue de l’autorité de la chose jugée) ni encore moins de l’excommunication latae sententiae confirmée au Père Rupnik.

Sur cette dernière circonstance, François nie être intervenu pour obtenir la remise, et a démenti toute intervention ou implication de sa part en faveur du Père Rupnik.

Il y a quelques heures à peine, nous avons donné la preuve du décret de condamnation (mai 2020) qui, suite à une plainte enregistrée sous le numéro 685/2019, avait confirmé l’excommunication latae sententiae (par absolution du complice de sexto [c’est-à-dire à l’encontre du sixième commandement Tu ne commettras point d’adultère, ndt]) signée par le cardinal Ladaria et le secrétaire adjoint Mgr Di Noia.

Les déclarations du Pape nous ont fait bondir sur nos chaises car elles ne conduisent qu’à deux hypothèses : soit le Pape ment diplomatiquement parce que c’est ce qu’on lui a suggéré pour sortir d’une affaire scandaleuse qui entache lourdement la fin de son Pontificat (mais un Pape qui ment est déplorable : il aurait mieux fait alors de se taire), soit il ne savait vraiment rien (et ce serait de toute façon très grave car cela signifierait que la CDF ne fonctionne pas et a pris de mauvaises initiatives).

Si (sans être vraiment convaincant) nous prenons ces affirmations pour vraies, le raisonnement suivant s’ensuit.

  1. considérant que la remise de l’excommunication latae sententiae du confesseur qui absout le complice de sexto est renvoyée au Siège apostolique (can. 1378 § 1 CIC) ;
  2. considérant que l’autorité suprême du Siège Apostolique est le Pape ;
  3. considérant que le Pape déclare et affirme qu’il n’est pas intervenu pour remettre la sentence (et donc qu’il ne l’a pas remise directement) et qu’il n’en savait rien ;
  4. il en résulte nécessairement que la remise a été le fait de la seule autorité déléguée à le faire par mandat explicite du Souverain Pontife: la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (comme sanctionné par l’art. 4, § 1, n° 1 des Normes sur les crimes réservées à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, concernant – entre autres – les crimes qui violent la sainteté du sacrement de Pénitence).

Donc : la remise de l’excommunication à Rupnik (si elle n’était pas par le Pape, comme il le dit), n’a pu être faite que par cette même autorité (la CDF) qui, pourtant, venait juste de le condamner.

En d’autres termes, la CDF (au sein de laquelle une Commission ad hoc a même été créée pour les crimes d’abus sexuels commis par des clercs) aurait jugé Rupnik à l’insu du Pape, l’aurait condamné en confirmant l’excommunication (à l’insu du Pape) et peu après (toujours à l’insu du Pape) l’aurait « pardonné » en remettant l’excommunication confirmée quelques jours auparavant…

Si c’était le cas, alors le pauvre cardinal Ladaria devrait démissionner pour schizophrénie.

Mais nous ne croyons pas que les choses se sont passées ainsi. Au contraire, nous savons de sources fiables que le Pape était le metteur en scène de toute cette affaire scandaleuse et sordide.

Ci-dessous le texte de l’article de l’AP. (ICI la transcription intégrale de l’interview).

François a fait cette révélation mardi lors d’un ample entretien avec l’Associated Press, dans lequel il a également nié avoir joué un rôle dans la décision concernant le cas d’un célèbre artiste jésuite dont le traitement apparemment préférentiel a jeté le doute sur l’engagement du Vatican à réprimer les abus.
[…]
François a nié avoir joué un quelconque rôle dans le traitement de l’affaire Rupnik, si ce n’est d’intervenir sur le plan procédural pour que la deuxième série d’accusations des neuf femmes ne soit pas soumise au même tribunal que celui qui avait entendu la première.

.

François a déclaré que sa seule décision était de « laisser l’affaire se poursuivre devant le tribunal normal, car, sinon, les voies procédurales se divisent et tout devient confus ».

Il a ajouté : « Je n’ai donc rien à voir avec cela ».

.

L’affaire a soulevé des questions, notamment celle de savoir pourquoi le délai de prescription n’a pas été révoqué, puisque le Vatican fait régulièrement de telles exceptions pour les cas d’abus impliquant des mineurs.

François a reconnu qu’il renonce « toujours » à la prescription pour les affaires impliquant des mineurs et des « adultes vulnérables », mais qu’il a tendance à insister sur le maintien des garanties juridiques traditionnelles pour les affaires impliquant d’autres personnes.

Utilisant un terme espagnol qui implique une approche sans retenue, François a déclaré que son approche était la suivante : « Avec les mineurs, on ne lâche pas les rênes, on tient les rênes bien serrés » [ndt: autrement dit, comme les victimes n’étaient pas mineures – mais l’une l’était au moment des faits! – ce n’est pas grave, il s’agit seulement, selon le vocabulaire de la loi civile de « relation entre adultes consentants »].

.

Il a ajouté qu’il avait été choqué par les accusations portées contre Rupnik, dont il était réputé proche.

« Pour moi, c’était une surprise, vraiment. Lui, une personne, un artiste de ce niveau, pour moi c’était une grande surprise et une blessure. »

François a déclaré qu’il souhaitait une plus grande transparence dans le traitement des affaires, mais a laissé entendre qu’il s’agissait d’une bataille difficile dans une institution qui, pendant des siècles, a traité les prêtres prédateurs à huis clos.

« C’est ce que je veux », a-t-il dit. « Et avec la transparence vient une très bonne chose, qui est la honte. La honte est une grâce. »

Mots Clés :
Share This