Le reportage de Nico Spuntoni (*). Comme d’habitude, la partie la plus médiatisée du voyage, à défaut d’être la plus intéressante, est la fameuse conférence de presse aéroportée dans le vol du retour. François a voulu « s’ôter une épine du pied », bref, se justifier de sa relation avec Benoît XVI. Mais cette fois encore « la pièce est pire que le trou ». Les explications sont confuses, approximatives, pour ne pas dire du charabia (le négligé de la syntaxe fait écho au négligé vestimentaire, voir photo), François a recours à des anecdotes invérifiables et à des dénonciations anonymes indignes de sa charge. Et surtout, il instrumentalise Benoît XVI de manière inacceptable, allant jusqu’à affirmer que celui-ci se serait rangé à son avis concernant l’ « union » entre personnes de même sexe, APRÈS AVOIR ÉCOUTÉ LES EXPLICATIONS DE 4 (QUATRE!) CARDINAUX THÉOLOGIENS « DE PREMIER PLAN », ÇA C’EST LE POMPON!!! et accusant même ceux qui auraient « instrumentalisé » (cela s’appelle inverser l’accusation!!) sa mort d’être « des gens qui veulent seulement apporter de l’eau à leur moulin »

(*) A noter quand même: il se peut que le voyage porte de bons fruits, après tout, l’Afrique est loin de Rome, les échos des dérives du pontificat ne sont pas parvenues à Kinshasa, le Pape est simplement le représentant de l’Eglise et il est normal que les catholiques africains soient venus en nombre pour l’accueillir.
Le père Spadaro SJ, porte-parole (à peine) officieux du Pape s’est plaint de l’absence de couverture de la part des médias. Il a voulu incriminer leur désintérêt pour l’Afrique, c’est peut-être vrai, mais peut-être aussi aurait-il dû s’interroger sur d’autres raisons…

A noter aussi: la transcription publiée en français sur le site Vatican News a subi un « home staging » approfondi. C’est-à-dire qu’elle été soigneusement « nettoyée » pour la rendre présentable.

Des gays à Ratzinger, encore des surprises du Pape en vol

Nico Spuntoni
6 février 2023
lanuovabq.it/it/dai-gay-a-ratzinger-ancora-sorprese-dal-papa-in-volo

Le voyage apostolique de François entre le Congo et le Sud-Soudan s’est achevé hier, devant des foules nombreuses, confirmant la floraison du catholicisme en Afrique. Lors de la conférence de presse dans l’avion, Bergoglio à de nouveau parlé d’homosexualité, de criminalisation et de droit civil. Il dément également Gänswein et ceux qui « instrumentalisent » la mort de Benoît XVI.

Une carte, pour les nuls en géographie comme moi (clic!)

« J’aimerais tellement que les médias accordent plus de place à l’Afrique dans son ensemble ». Une exclamation que le pape avait faite sur un ton presque résigné au deuxième jour de son 40e voyage international. Un voyage qui n’a pas reçu l’attention qu’il espérait, si un fidèle comme le père Antonio Spadaro a ressenti le besoin d’exprimer sur Twitter son mécontentement face à la faible couverture médiatique, écrivant que « le silence qui entoure le voyage du pape François en Afrique semble proportionnel à l’intérêt de taire les conflits qui ont lieu ici et au désintérêt pour le continent africain ». Face à la levée de boucliers des initiés, le directeur de la Civiltà Cattolica a partiellement corrigé le tir dans un message ultérieur, mais a néanmoins réitéré sa conviction qu’il existe « un problème plus général d’information sur cette région du monde ». Et qui a conduit une grande partie des médias à ignorer les six jours passés par François en République démocratique du Congo et au Sud-Soudan.

Pourtant, les chiffres enregistrés sont impressionnants [ndt: ce n’est pas ce dont témoignent les photos publiées par Specola…]: des bains de foules ont salué l’arrivée du pape à Kinshasa et à Juba, comme pour démontrer que l’avenir du catholicisme se trouve en Afrique. Un continent qui, toutefois, semble avoir été sous-estimé non seulement par les médias, mais aussi, par exemple, lors des derniers consistoires : dans celui d’août 2022, il n’y avait que deux nouveaux cardinaux africains (dont l’un a depuis disparu) contre huit Européens, cinq Asiatiques et cinq Américains. Lors du précédent, en novembre 2020, seul un Africain a été créé cardinal malgré sept Européens, trois Américains et deux Asiatiques. Et ce malgré le fait que l’Afrique est aujourd’hui, à tous points de vue, un grand réservoir de vocations, comme le Pontife a dû le toucher de ses propres mains lors de ce dernier voyage.

Au clergé africain, lors de la rencontre dans la cathédrale de Kinshasa, François avait adressé un avertissement citant son prédécesseur récemment retourné à la maison du Père : « Votre témoignage de vie pacifique, au-delà des frontières tribales et raciales, peut toucher les cœurs », écrivait Benoît XVI dans l’exhortation apostolique Africae munus.

L’un des plus beaux témoignages de ces cinq jours est celui de Mgr Christian Carlassare, qui a été atteint d’une balle dans la jambe en 2021 pour l’empêcher de prendre possession du diocèse de Rumbek, probablement sur ordre d’un prêtre local qui aspirait à ce rôle. C’est du moins ce qu’ont déclaré les auteurs matériels de cette attaque. Ces derniers jours, Carlassare, en tant qu’évêque de Rumbek, a parcouru deux cents kilomètres à pied, à la tête d’une centaine de fidèles pour assister à la rencontre avec le Pape samedi matin à Juba.

François a fait ses adieux au Sud-Soudan lors d’une messe célébrée au mausolée de John Garang, dans la capitale, au cours de laquelle il a loué le rôle des chrétiens qui, « bien que fragiles et petits, même lorsque notre force semble faible face à l’ampleur des problèmes et à la fureur aveugle de la violence, nous pouvons offrir une contribution décisive pour changer l’histoire ». L’histoire que le pape a invité à changer est celle d’un pays où le processus de paix, malgré la fin officielle de la guerre civile en février 2020, est encore trop lent, comme l’a dénoncé hier au mausolée l’archevêque de Juba, Mgr Stephen Ameyu Martin Mulla. Les incursions violentes de bandes de maraudeurs islamiques contre des villages chrétiens pèsent également sur la déstabilisation.

Lors de ces journées en Afrique, le Pape a surtout parlé de lutte contre la corruption, de l’arrêt de l’exploitation des ressources et du développement démocratique. Il a décrit sa visite au Sud-Soudan comme un pèlerinage œcuménique de paix dans lequel il a voulu avoir à ses côtés les plus hauts représentants de la communauté anglicane et de la communauté presbytérienne d’Écosse, Justin Welby et Iain Greenshields.


Une image ambigüe, très emblématique de « l’esprit-François ».
Deux d’entre eux n’avaient rien à faire dans une manifestation catholique (La Cigona)

Les deux chefs religieux l’ont également accompagné dans le vol de retour vers Rome, participant à la conférence de presse aérienne habituelle qui, comme le veut la tradition, n’a pas ménagé ses surprises.

François a en effet profité de l’occasion pour répondre aux attaques qu’il avait reçues au lendemain de la mort de Benoît XVI et a voulu présenter sa relation avec son prédécesseur d’une manière différente de celle racontée par l’homme le plus proche de Ratzinger, son secrétaire Mgr Georg Gänswein. En déclarant aux journalistes que « le pape Benoît n’était pas un homme amer », Bergoglio a vraisemblablement voulu répondre au préfet de la Maison pontificale qui, dans une interview accordée à Die Tagespost, avait raconté comment Traditionis Custodes avait brisé le cœur de Benoît XVI.

Dans sa réponse dans l’avion au journaliste autrichien Alexander Hecht, François a voulu au contraire présenter sa relation avec son prédécesseur comme une relation d’harmonie et de confrontation, soulignant qu’il avait « pu parler de tout » avec lui, même pour lui faire changer d’avis sur certaines décisions prises. François a également admis avoir consulté Ratzinger sur certaines décisions à prendre et a dit que le pape émérite était d’accord avec lui. Dans le livre de Gänswein, Nient’altro che la verità, en revanche, il est fait état de plus d’une occasion où Benoît XVI aurait exprimé certaines objections à l’égard de son successeur.

Bergoglio a également raconté une anecdote dans le but de montrer qu’il n’y avait pas de problèmes entre eux deux. À l’occasion de la polémique qui a suivi les propos de François dans le vol de retour de Slovaquie, quand il avait cité le Pacs français comme un bon exemple de loi sur les unions civiles, « une personne qui se prend pour un grand théologien », a dit le pape, s’est rendue au monastère Mater Ecclesiae et a porté « plainte contre » lui. Bergoglio a expliqué :

Benoît XVI n’a pas eu peur, il a appelé quatre cardinaux théologiens de premier plan et leur a dit : « Expliquez-moi ça et ils l’ont expliqué ». Et c’est ainsi que l’histoire s’est terminée. C’est une anecdote pour voir comment Benoît a réagi quand il y avait une plainte.

Il faut toutefois rappeler que le document de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur les projets de reconnaissance légale des unions entre personnes homosexuelles, daté du 3 juin 2003 et qui stipulait que dans le cas d’ « un projet de loi en faveur de la reconnaissance légale des unions homosexuelles, le parlementaire catholique a le devoir moral d’exprimer clairement et publiquement son désaccord et de voter contre  » portait la signature du Cardinal Joseph Ratzinger.

Il ressort de la réponse donnée à Hecht que les critiques qu’il a reçues pour la gestion de l’exposition du corps et des funérailles de Benoît XVI n’ont pas dû plaire au pape, selon lequel cette mort a été « instrumentalisée par des gens qui veulent apporter de l’eau à leur propre moulin » et qu’il a décrit comme « des gens de parti, pas des gens d’Église ».

Lors de la conférence, en plus d’exprimer à nouveau sa volonté de rencontrer le président russe Vladimir Poutine et le président ukrainien Volodymyr Zelensky, François est revenu sur le sujet de l’homosexualité, quelques jours après ses propos dans une interview avec Associated Press et la lettre envoyée à ce sujet au jésuite arc-en-ciel James Martin. Bergoglio a dit que « la criminalisation de l’homosexualité est un problème qu’il ne faut pas laisser passer » et qu' »il n’est pas juste » de voir des pays où elle est encore punie par la peine de mort. « Les personnes ayant des tendances homosexuelles », a ajouté François, « sont des enfants de Dieu, Dieu les aime, Dieu les accompagne », ajoutant que « condamner une telle personne est un péché ». Il a toutefois tenu à faire une distinction entre les groupes et les personnes : « Certains disent : ils font du bruit, je parle de personnes, les lobbies sont autre chose, je parle de personnes ».

Pendant le vol, il a également annoncé ce qui devrait être ses prochains voyages apostoliques encore inconnus : l’Inde et la Mongolie.

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