C’est le dernier en date dans la « guerre éditoriale » qui a vu le jour à la mort de Benoît XVI, avec les mémoires des deux secrétaires, le mémo du cardinal Pell (« Demos ») et les livres du cardinal Müller (entretiens avec Franca Giansoldati  « In buona fede », et avec Nico Spuntoni  « Il Papa. Ministero e missione ») . Et si j’en juge par la présentation (*), c’est peut-être le plus beau (je n’en sais rien, je vais le lire). C’est celui du cardinal Sarah, en français, titré, en toute clarté « Il nous a tant donné » (et qui vient de sortir aux éditions Fayard). Et c’est tellement vrai! Selon Giuseppe Nardi, chaque phrase est une critique du pontificat actuel (avec l’artifice de viser l’entourage du Pape), sans que François soit jamais cité… et auquel, fort habilement, le cardinal dédie le livre.

Les loups rôdent autour du trône pontifical

LE CARDINAL ROBERT SARAH : « SOUS PRÉTEXTE D’UNE ‘ÉGLISE SYNODALE’, ON VEUT FAIRE TAIRE LA VÉRITÉ »

Giuseppe Nardi
katholisches.info/2023/04/14/die-woelfe-schleichen-um-den-papstthron/

Kardinal Robert Sarah veröffentlichte am 12. April eine Hommage an den vor kurzem verstorbenen Benedikt XVI.

Le cardinal Robert Sarah a publié le 12 avril un hommage à Benoît XVI, récemment disparu.


(Rome) Dans le livre qu’il vient de publier sur Benoît XVI, le cardinal Robert Sarah, préfet émérite de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, dénonce le fait que, sous prétexte d’une « Eglise synodale », la vérité doit être « réduite au silence » et les gens exclus.

« Sous le prétexte d’une ‘église synodale’, la vérité doit être réduite au silence ».

Dans son livre « Il nous a tant donné », paru mercredi 12 avril aux éditions françaises Fayard, le cardinal Sarah invite à réfléchir sur l’exemple du pape allemand à une époque où, « sous prétexte d’une ‘église inclusive’ et ‘synodale’, on veut faire taire la vérité » et exclure des personnes « de l’église au nom du consensus ».

C’est en des termes sans équivoque que le haut prélat caractérise une situation actuelle dans l’Eglise :

« Tout rejet et toute exclusion d’un frère stigmatisé comme traditionaliste est l’œuvre du diable ».

Le cardinal Sarah rappelle dans ce livre à quel point Benoît XVI, disparu le 31 décembre 2022, a été victime d’un « déchaînement médiatique » et de la « raillerie d’une partie du monde catholique ».
Que ce soit voulu ou non, chaque phrase est une accusation contre
le pontificat actuel.

Le cardinal n’oppose pas à cet acharnement médiatique et à cette raillerie le comportement totalement opposé de ces mêmes médias et de ces mêmes milieux catholiques envers le pape François. Il n’en a même pas besoin. Il suffit de rappeler les attaques dont le pontificat de Benoît XVI a fait l’objet pour que le contraste devienne évident.

Le nouveau livre rassemble plusieurs textes du cardinal guinéen sur Benoît XVI, qu’il considère à bien des égards comme son « maître spirituel », ainsi que dix textes écrits par le 265e pape.

Le cardinal Sarah dresse un portrait de Benoît XVI, qu’il tient en haute estime, et qu’il décrit comme un homme « heureux dans le Seigneur, avec une joie céleste » et des « yeux lumineux ». Il souligne surtout l’héritage du pape allemand dans le domaine de la liturgie et dénonce les manœuvres internes à l’Eglise visant à effacer cet héritage.

Sans entrer dans les détails biographiques, le cardinal rappelle la « douce voix » de Benoît, qui « vibrait » face aux grands mystères du salut. En même temps, le cardinal souligne la « paternité » dont Benoît XVI a fait preuve envers ses collaborateurs, les cardinaux, les évêques, les prêtres, les religieuses et les personnes simples. Il rappelle « l’autorité affectueuse » de Benoît, que celui-ci vivait dans la plus grande « discrétion » en raison de sa quasi – « extrême modestie ».

Benoît XVI n’a pas multiplié les nominations de cardinaux pour influencer le prochain conclave.

Dans ce sens, le cardinal souligne que le pape allemand n’a jamais agi « comme un homme politique », car il n’a jamais voulu agir comme tel. Sarah répond ainsi aux critiques qui accusent le pontife allemand de « faiblesse politique ». Benoît XVI n’a pas non plus « multiplié les nominations de cardinaux pour influencer un futur conclave », alors qu’il savait que celui-ci était imminent. Benoît XVI n’a pas non plus « écarté ses adversaires ».

Volontairement ou non, chaque phrase du portrait de Benoît XVI prononcée par le cardinal Sarah sonne comme une accusation contre Sainte Marthe, bien que l’actuel titulaire de la charge pétrinienne ne soit pas mentionné.

Selon le cardinal Sarah, l’attitude de Benoît XVI était l’expression de sa « volonté mystique d’entrer dans l’exercice paternel du pouvoir », par lequel il voulait donner l’exemple « à une époque où tant de gens dans l’Eglise semblent obsédés par ses structures, son avenir et son souci de s’adapter au monde occidental ».

Le pape Benoît XVI, selon le cardinal Sarah, « vivait chaque division comme une blessure infligée à son cœur de père ».

Les loups rôdent autour du Trône de Pierre

Un autre point fort du livre se réfère à la « place décisive » que Benoît XVI a accordée à la liturgie, rappelant combien il a été « traîné dans la boue » pour avoir cherché à se rapprocher des forces attachées à la tradition, car il était devenu de plus en plus conscient que rien ne pouvait se faire sans un lien vivant avec la tradition de l’Église depuis les temps apostoliques.

Enfin, le cardinal Sarah s’adresse tout de même à l’actuel titulaire du siège de Pierre et fait référence au Motu proprio « Traditionis custodes » de 2021, par lequel François tente de restreindre le rite traditionnel.

Comme il est d’usage depuis longtemps dans l’Église, il n’attaque pas François, auquel il dédie plutôt le livre, sans doute dans l’espoir que le pape, qui lit beaucoup et cite souvent des livres, lise – et écoute – aussi ce livre-là.

Le cardinal Sarah fait plutôt référence à « certains membres de la Curie romaine » qu’il compare à des « loups » qui « rôdent » autour du siège de Pierre. Il accuse l’entourage du pape, si ce n’est le pape François, mais Sainte Marthe : de fomenter des intrigues et des stratégies pour empêcher « les évêques » de mettre en œuvre une réconciliation authentique, juste et nécessaire avec les communautés de la tradition.

Dans sa préface, le cardinal Sarah souligne que son livre n’a pas pour but de « régler des comptes », ni de se livrer au « jeu des révélations ». Son but est de rendre hommage à Benoît XVI et de montrer son exemple à la postérité pour l’orienter.

Le célibat sacerdotal sera toujours une gêne pour le monde

Début 2020, le cardinal avait publié avec Benoît XVI le livre « Des prondeurs de nos coeurs. Sacerdoce, célibat et crise de l’Eglise catholique » et, par son plaidoyer en faveur du sacrement de l’ordre et du célibat sacerdotal, a empêché des intentions opposées après le Synode sur l’Amazonie. La polémique qui s’ensuivit fut énorme et la colère de Sainte Marthe si grande qu’en représailles, l’archevêque Gänswein, secrétaire personnel de Benoît XVI, perdit de fait son poste de préfet de la Maison pontificale.

Dans le cadre du « processus synodal » et du synode de synodalité qui aura lieu en octobre prochain, des signes clairs se manifestent à nouveau pour rattraper maintenant ce qui a encore pu être évité début 2020 avec l’aide de Benoît XVI : l’abolition du célibat et d’autres attaques contre le sacrement de l’ordre et globalement contre l’ordre sacramentel de l’Eglise.

Le cardinal Sarah cite donc dans son nouveau livre Benoît XVI, qui a déclaré que le célibat sacerdotal serait « toujours un scandale » pour le monde, car il renvoie au monde surnaturel. Benoît XVI a en outre montré, selon le cardinal, en faisant allusion aux critiques répétées du cléricalisme, que l’Eucharistie est le « véritable remède contre le cléricalisme » et non les formes d’une « fausse tolérance ».


(*) Présentation de l’éditeur

Dans ce livre, après le temps du deuil, le Cardinal Robert Sarah rend hommage à son ami Benoît XVI et à ses écrits.

« Dieu est ! Quelle libération ! À l’heure où l’Église semble obsédée par elle-même, par ses structures, par son avenir, Benoît XVI nous dit : au fondement de tout, il y a ces mots émerveillés et amoureux, Dieu est. À l’heure où l’on perd tant de temps en réunions dont l’unique sujet est nous-mêmes et encore nous-mêmes, il nous invite à nous détourner de nous pour nous tourner vers Dieu, ce Dieu dont l’être est l’unique lumière. »

« Je suis personnellement frappé par l’expérience que Benoît XVI a faite de la paternité divine. Il me semble que Joseph Ratzinger est mystiquement entré dans l’expérience de la filiation divine par son union avec le Fils incarné, Jésus. Peut-être cette affirmation surprendra-t-elle. »

« La joie du pape n’était pas une gaîté passagère ou une euphorie psychologique. La cause de la joie de Benoît XVI était la contemplation de Dieu lui-même. Ces paroles étaient comme un avant-goût du Ciel dont son âme goûtait les prémisses. »

« Pourquoi un livre de plus au sujet de Benoît XVI ? Il est pour moi hors de question d’y régler des comptes ou de m’y abaisser au petit jeu des révélations à propos de l’histoire d’un homme dont la parole et l’action auront été à ce point décisives pour l’histoire de l’Église. »

« Devant l’immensité de l’œuvre de Benoît XVI, on est saisi de vertige. Pendant trente ans, auprès de saint Jean-Paul II, puis en lui succédant sur le trône de Pierre, il a jeté les fondements spirituels et théologiques de l’Église du troisième millénaire. Quelle est donc la clef de cette cathédrale de la pensée de Joseph Ratzinger ? Plutôt qu’une qualité, plutôt qu’un trait psychologique, le principe architectonique de l’œuvre du pape Benoît est en Dieu – plus exactement, c’est Dieu lui-même, contemplé et aimé. »

(www.fayard.fr/documents-temoignages/il-nous-tant-donne)

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