Le président de l’académie pontificale pour la vie (je mets des minuscules, son nom est devenu une véritable farce, il faudrait en changer, j’ai bien une suggestion…) a tenu publiquement des propos en contradiction ouverte avec le Magistère, pieusement reproduits dans Il Riformista, une feuille dont le directeur éditorial n’est autre que le socialiste Matteo Renzi. A travers son homme de « paille » (pardon pour le jeu de mot), François procède selon sa manière habituelle. Lui-même ne se salit pas les mains, et reste dans les limites strictes du Magistère (ici, le slogan est « culture du déchet », à rapprocher du « tueur à gages » utilisé pour l’avortement), mais il laisse d’autres se charger de la vilaine besogne. S’il ne révoque pas Vincenzo Paglia, ce sera un aveu.

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Le suicide assisté, la gifle de Paglia au Magistère

Tommaso Scandroglio
lanuovabq.it/it/suicidio-assistito-il-si-di-paglia-schiaffo-al-magistero

Du président de l’Académie pontificale pour la vie Vincenzo Paglia arrive un oui à la loi sur le suicide assisté dans les colonnes du Riformista de Renzi. Dans un déchaînement d’hérésies et s’appuyant sur les dérives des conditions sociales actuelles et du pluralisme généralisé, l’évêque contredit ouvertement le Magistère et les prises de position de la Conférence épiscopale italienne, allant même jusqu’à dire que l’Église ne détient pas la vérité sur ces questions.

« Mgr Paglia s’ouvre à la loi sur le suicide assisté ». C’est ce que l’on pouvait lire hier en première page d’Il Riformista. Le quotidien dont Matteo Renzi vient de devenir le directeur éditorial rapporte le texte intégral de l’intervention de Mgr Vincenzo Paglia, président de l’Académie pontificale pour la vie, lors du débat « Le dernier voyage (vers la fin de vie) », organisé dans le cadre du Festival de journalisme de Pérouse.

Après avoir brossé un tableau assez réaliste de la fin de vie – souffrance du patient et de ses proches, abandon thérapeutique, dérives du principe d’autonomie, etc. , l’intervention de l’Académie pontificale pour la vie a été suivie d’un débat sur Le dernier voyage [vers la fin de la vie] -, Mgr Paglia se garde cependant d’indiquer des solutions morales convaincantes, en dehors de l’habituelle invitation générique à accompagner les mourants (mais même les Radicali sont pour l’accompagnement des mourants).

Sur le plan juridique, en revanche, Mgr Paglia a les idées claires :

Dans ce contexte, il n’est pas exclu que, dans notre société, on puisse pratiquer une médiation juridique qui permette l’assistance au suicide dans les conditions précisées par la sentence 242/2019 de la Cour constitutionnelle : la personne doit être « maintenue en vie par des traitements d’assistance vitale, et affectée d’une pathologie irréversible, source de souffrances physiques et psychiques qu’elle juge intolérables, mais pleinement capable de prendre des décisions libres et conscientes ». […]
Personnellement [!!!], je ne pratiquerais pas l’assistance au suicide, mais je comprends que la médiation juridique puisse être le plus grand bien commun concrètement possible dans les conditions où nous vivons.

Il Riformista a donc raison : le président de la PAV [Pontificia Academia per la Vita, Académie pontificale pour la vie] soutient la promulgation d’une loi légitimant le suicide assisté, dans le respect des conditions indiquées par la Consulta [Cour constitutionnelle].

Selon le principe “un colpo al cerchio e un colpo alla botte” [un coup dans le cercle, un coup dans le tonneau / ménager la chèvre et le chou] et pour tenter de sauver la face en tant que catholique, Paglia précise ensuite : personnellement je suis contre le suicide assisté, mais une loi me semble un point d’équilibre dans cette société pluraliste et démocratique qui est la nôtre.

Dommage, toutefois, que le suicide soit un absolu moral, c’est-à-dire une action intrinsèquement mauvaise qui ne peut jamais être choisie, que ce soit pour une bonne raison ou en raison de circonstances particulières (par exemple dans le cas d’une personne qui souffre beaucoup). Il s’ensuit logiquement qu’aider quelqu’un à mettre fin à ses jours est tout aussi mauvais. Il s’ensuit donc qu’une norme qui légitime l’aide au suicide est elle-même une norme intrinsèquement mauvaise et que l’on ne peut jamais apporter son soutien à une telle norme.

Paglia affirme que cette norme serait éthiquement légitimée par le fait que, dans les conditions sociales dans lesquelles nous vivons, elle représenterait le plus grand bien possible. Deux remarques à ce sujet.

1- soutenir une telle norme est une action mauvaise. Et là où il y a du mal, on ne peut pas parler du plus grand bien possible. Si je conseille à Untel de voler plutôt que de tuer, je ne lui conseille pas le plus grand bien possible, mais un moindre mal.

2- le suicide, même sous sa forme collaborative, ne peut jamais être légitimé, il ne peut donc jamais faire l’objet d’une norme qui l’autorise. Ce « jamais » fait également référence aux conditions et a été rappelé récemment par la Conférence épiscopale italienne dans son message pour la 45e Journée nationale pour la vie en février dernier, qui a déclaré à juste titre que « la mort n’est jamais une solution ».

Une action intrinsèquement illicite le reste même dans les conditions les plus extrêmes. Il ne sert donc à rien à Mgr Paglia de faire appel aux conditions sociales actuelles et au pluralisme généralisé. Même dans ce contexte, on ne peut pas être en faveur d’une loi injuste.

Ces réflexions, bien sûr, ne sont pas de nous mais de l’Église catholique. Jean-Paul II, dans Evangelium vitae, écrivait:

[L’autorité publique] ne peut jamais accepter […] de légitimer, comme droit des personnes […] l’offense faite à d’autres personnes par le désaveu d’un droit aussi fondamental que celui à la vie. […] Ainsi, les lois qui, avec l’avortement et l’euthanasie, légitiment la suppression directe d’êtres humains innocents sont en contradiction totale et irrémédiable avec le droit inviolable à la vie propre à tous les hommes. […] Les lois qui autorisent et favorisent l’avortement et l’euthanasie sont donc radicalement opposées non seulement au bien de l’individu, mais aussi au bien commun, et sont donc totalement dépourvues d’une véritable validité juridique. […] L’avortement et l’euthanasie sont donc des crimes qu’aucune loi humaine ne peut prétendre légitimer. Non seulement ces lois ne créent aucune obligation de conscience, mais elles suscitent au contraire une obligation grave et précise de s’y opposer par l’objection de conscience. […] Dans le cas d’une loi intrinsèquement injuste, comme celle qui admet l’avortement ou l’euthanasie, il n’est donc jamais licite de s’y conformer, ni de participer à une campagne d’opinion en faveur d’une telle loi, ni de lui donner le suffrage de son vote.

*

https://www.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/encyclicals/documents/hf_jp-ii_enc_25031995_evangelium-vitae.html (nn 71-73)

Les propos de Paglia sont aux antipodes de ceux du Magistère.

L’archevêque le sait bien et, en effet, dans l’introduction de son discours, il tente de se couvrir en mettant en scène une série d’hérésies.

Tout d’abord, écrit Paglia, je voudrais préciser que l’Église catholique ne dispose pas d’un ensemble de vérités toutes faites, prêtes à l’emploi.

Qu’en est-il du Credo ? Qu’en est-il des dix commandements ? Et les déclarations dogmatiques ? Et donc, en bref, qu’est-il advenu du depositum fidei ?

Le président de la PAV tire alors de plus en plus haut et de plus en plus fort. En effet, il exclut que les catholiques possèdent « une vérité donnée a priori ». Bien sûr que si, l’Église détient au contraire une vérité donnée a priori, c’est-à-dire une vérité qui précède l’Église elle-même et les croyants, parce que la vérité est Dieu qui s’est communiqué à nous. La vérité nous précède, ce n’est pas nous qui la précédons.

Tout cela pour dire que « la pensée théologique évolue dans l’histoire » et donc que si l’euthanasie était interdite hier, demain, qui sait, elle ne le sera peut-être plus. Rappelons que la seule évolution permise à la pensée théologique est l’approfondissement de vérités déjà révélées, et non la négation de vérités déjà reconnues par l’Eglise.

Or, Paglia pense exactement le contraire et sort de son chapeau le sujet de la peine de mort sur lequel le Pape a modifié le Catéchisme et « aujourd’hui nous ne la considérons plus comme admissible, en aucune circonstance ».

Nous avions déjà commenté l’intervention du Souverain Pontife à l’époque, en rappelant que les principes qui rendent la peine de mort licite se réfèrent à la finalité défensive de la communauté, à la perte de la dignité morale du délinquant et à la triple fonction du châtiment. Nous voudrions ajouter ici que le pape François a déclaré – sinon de jure, du moins de facto – que la peine de mort est un acte intrinsèquement mauvais, c’est-à-dire, comme le dit Paglia, « qu’elle n’est plus permise, quelles que soient les circonstances ». Cela n’est pas évident car l’admissibilité de la peine de mort a toujours été confirmée de manière ininterrompue par l’Église depuis ses origines. Comment est-il possible que tant de papes et de saints aient constamment enseigné une erreur, confondant un bien avec un mal ?

Enfin, ajoutons en guise de note de bas de page : il est contradictoire d’invoquer l’interdiction absolue de tuer quelqu’un par la main de l’État pour soutenir une norme qui permet de tuer quelqu’un avec l’aval de l’État.

Pour Paglia, la différence essentielle réside dans le fait que dans le premier cas, la personne n’est pas consentante, alors que dans le second, elle l’est. Un raisonnement typiquement liberal.

Mais pour l’évêque Paglia, toutes ces réflexions apparaissent très probablement comme des subtilités moralistes abstraites. Le message qu’il voulait faire passer est tout autre. Aucun principe moral n’est irréformable. Aucune vérité n’est sûre.

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