C’est une nomination dans un pays lointain, qui a priori ne nous intéresse pas vraiment. Mais elle concerne la patrie de l’homme qui occupe aujourd’hui le trône de Pierre, et plus encore, un siège épiscopal dont il a été titulaire avant d’être élu pape. Ce fait devrait déjà faire dresser l’oreille, au moins des catholiques. Et susciter leur inquiétude. Il y a dix ans, quand nous est venu un pape « du bout du monde », certains analystes estimables (en particulier Vittorio Messori) avaient salué l’élection du cardinal Bergoglio en y voyant, de manière un peu forcée quand même, le souffle de l’Esprit: il s’agissait de revivifier la foi catholique dans un continent où l’influence des évangéliques de toutes dénominations grandissait de façon inversement proportionnelle au déclin du catholicisme. Avec le recul, on peut dire que les prophètes se sont trompés. En Amérique latine, la foi n’a pas été revivifiée, mais démolie, et la nomination du nouveau primat d’Argentine risque de lui porter l’estocade finale

Je ne pense pas être catastrophiste en prévoyant ce qui va se passer dans l’archidiocèse primatial et, par ricochet, dans le reste du pays : la destruction systématique de tous les vestiges de la foi catholique qui subsistaient encore et la transformation de l’Église catholique en une puissante organisation vouée à « transformer la réalité », mais non par la grâce divine, dont elle est l’administratrice, mais par l’action sociale et les manœuvres politiques.

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The Wanderer

Mgr Jorge García Cuerva, Primat d’Argentine

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Aujourd’hui, nous nous réveillons avec une nouvelle certitude : l’Église argentine est irrécupérable. La nomination de Mgr Jorge García Cuerva comme nouvel archevêque de Buenos Aires et primat d’Argentine, un homme de 55 ans, marque le début d’une ère de vingt ans – si Dieu n’en dispose pas autrement – au cours de laquelle une grande partie de l’Église catholique argentine cessera d’être telle. Si c’est le berger qui façonne le troupeau, nous pouvons imaginer ce qui arrivera aux fidèles pendant le nouveau mandat.

Dans ce blog, nous nous sommes déjà consacrés à d’autres occasions à l’évêque de Río Gallegos. Il est le fils d’une dentiste et d’un militaire de l’armée de l’air appartenant à des familles de San Isidro : de droite et anti-péroniste par le sang, il a toujours fréquenté les écoles publiques (San Román de Belgrano) et côtoyé les fils de la bourgeoisie locale. Au séminaire, il a découvert le militantisme péroniste et populaire, et il a dû, et doit encore, faire un effort pour gommer ses manières de bon jeune home et se présenter comme un représentant du peuple. Il nous a appris qu’il y a dans l’Eucharistie une « présence christique » semblable à celle des pauvres ; il a baptisé à grand renfort médiatique les enfants du célèbre travesti Florencia de la V et de son « mari » et s’est fait photographier embrassant Malena Galmarini, épouse de l’actuel ministre des finances du pays, en faisant le geste péroniste par excellence.

Je ne pense pas être catastrophiste en prévoyant ce qui va se passer dans l’archidiocèse primatial et, par ricochet, dans le reste du pays : la destruction systématique de tous les vestiges de la foi catholique qui subsistaient encore et la transformation de l’Église catholique en une puissante organisation vouée à « transformer la réalité », mais non par la grâce divine, dont elle est l’administratrice, mais par l’action sociale et les manœuvres politiques.

Quelques premières réflexions sur cette nomination :

1) La malfaisance du pape François est incommensurable. J’étais sûr qu’il ne nommerait pas Mgr Victor Fernandez, dont il a lâché la main depuis un bon moment: il l’a utilisé longtemps et s’en est débarrassé quand il a cessé de lui servir, comme il en a l’habitude. Mais je pensais qu’il choisirait un personnage plus civilisé et non un ultra. Car Mgr García Cuerva n’est pas le joueur de guitare à l’allure juvénile. Il est le représentant avoué d’une nouvelle église qui peut difficilement être identifiée à la véritable église romaine et à la foi qu’elle professe.

(…)

2) Un des dommages collatéraux de la nomination, ce sont les bons prêtres – qui sont beaucoup plus nombreux qu’on ne le pense – et pas seulement dans l’archidiocèse mais dans tout le pays. Pensons à un prêtre d’une quarantaine d’années, qui a généreusement donné sa vie au service de Dieu dans l’Église pour aider au salut des âmes, et qui, maltraité par son évêque qui préfère s’entourer de lèche-bottes, a été affecté à un village reculé du diocèse. Pensons à sa solitude, à ses déceptions, à ses tentations et à l’ombre redoutable du diable qui commence à lui montrer la futilité de sa vie, donnée à l’illusion et insérée dans une église qui, depuis ses sommets, nie chaque jour les idéaux qui l’ont conduit à son choix vocationnel. Qu’est-ce qui le retiendra dans le ministère sinon une foi héroïque qu’il n’est pas toujours possible de maintenir ? Comment ce bon prêtre peut-il se sentir en ayant comme primat un personnage comme Mgr García Cuerva, pontife d’une nouvelle foi ? Je crois que nous ne nous rendons pas toujours compte de l’énorme danger dans lequel se trouvent tant de bons prêtres.

3) Un fin connaisseur du milieu ecclésiastique souligne que les plus touchés par cette nomination sont Mgr Víctor Fernández et Mgr Jorge Scheinig, plus connu sous le nom de Carapa (parce qu’il est originaire de la ville de Carapachay), et évêque de Luján, qui se percevait comme une étoile brillante du cercle rouge pontifical. Et, poursuit l’analyste, comme le pire vice du clergé est l’envie, il faudra voir quels stratagèmes ils commenceront à préparer pour faire tomber le nouvel archevêque qui a pris leur poste.

4) Qui, dans les rangs conservateurs, osera encore défendre Bergoglio ? Il est courant d’entendre des prêtres nous dire à quel point Paul VI était bon, bien qu’un peu faible parce qu’il s’est laissé manipuler par les méchants cardinaux progressistes. Parce que les papes, bien sûr, sont toujours bons et saints, et qu’ils ont été placés sur leur siège par l’Esprit Saint. Cette comédie peut-elle encore durer?

5) Je pense que les portes de l’archevêché de La Plata [dont le titulaire est l’archevêque Fernandez aujourd’hui en disgrâce, ndt] seront fermées hermétiquement pendant plusieurs jours. Mgr Victor « Tucho » Fernandez prendra le temps de se remettre de la gastrite et de la dépression subséquente causées par la nouvelle qu’il avait déjà prévue : non seulement il ne portera plus la pourpre cardinalice, mais il passera le reste de sa vie dans un siège épiscopal ennuyeux, sans plus de visibilité qu’une tribune de la rubrique opinion trois fois par an dans La Nación.

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