Hier, j’ai traduit un article du blog Silere non possum, qui examinait sous l’angle juridique et plus précisément canonique l’irruption inadmissible de la police allemande dans les locaux de l’archevêché de Cologne. Aujourd’hui, Nico Spuntoni revoit l’épisode sous un angle différent, mais pas moins scandaleux: tout s’est déroulé sous l’œil des caméras, un œil complaisant, forcément (il suffit de regarder le reportage de la télé allemande, que j’ai trouvé sur internet). De quoi rappeler une prophétie de l’ex-président de l’USCBC, feu le cardinal Francis George, de Chicago.

Contre Woelki, les médias, les évêques et maintenant aussi la police

Nico Spuntoni
lanuovabq.it/it/contro-woelki-i-media-i-vescovi-e-ora-anche-la-polizia
28 juin 2023

Le cardinal de Cologne ne subit pas seulement le feu ‘ami’ de ses frères pour son non-alignement sur le Synodaler Weg. A présent, il subit aussi les enquêteurs, qui le soupçonnent de parjure. Le tout sous l’œil des caméras.

« Ce pourrait être le premier jour de la fin de Woelki ». Ces mots, prononcés par l’envoyé de la télévision publique de Rhénanie-du-Nord-Westphalie [WDR], en disent long sur le climat qui s’est développé autour du cardinal que François a voulu [???] pour succéder à Joachim Meisner.

Le cardinal Woelki est attaqué depuis près de trois ans, depuis qu’il a décidé de bloquer la publication d’une enquête sur les cas d’abus dans l’archidiocèse de Cologne, initialement commandée à un cabinet d’avocats munichois, en raison de lacunes méthodologiques, pour ensuite publier les résultats d’un nouveau rapport commandé à une autre équipe d’avocats.

Après l’assaut des médias et celui de ses frères évêques qui lui sont hostiles pour des raisons idéologiques, la justice allemande est venue hier compliquer la situation du prélat : dans la matinée, en effet, la police s’est présentée aux portes de l’archevêché pour une perquisition ordonnée par le parquet de Cologne dans le cadre d’une enquête pour faux témoignage à l’encontre de Woelki.

Une caméra a filmé l’entrée des enquêteurs dans le bâtiment. C’est l’archevêque lui-même, en bras de chemise, qui a ouvert les portes. Il a ensuite été filmé dans la cour en train de consulter quelqu’un au téléphone.


Les images de WDR

Une conférence de presse a également été donnée par le procureur Ulf Willuhn, qui a confirmé que les perquisitions étaient liées à l’enquête pénale ouverte à l’encontre du cardinal en raison de déclarations faites sous serment devant le tribunal de grande instance de Cologne. L’archevêque est soupçonné d’avoir menti à l’autorité compétente sur le moment où il aurait eu connaissance de rapports faisant état d’abus présumés de personnes vulnérables par un prêtre de l’archidiocèse.

Hier matin, outre l’archevêché, les enquêteurs allemands ont investi cinq autres locaux diocésains entre Cologne, Kassel et Lohfelden à la recherche d’une lettre que le cardinal aurait envoyée en 2018 au cardinal préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi de l’époque et qui montrerait comment les accusations contre le prêtre lui étaient déjà connues avant juin 2022, date à laquelle le haut prélat avait placé la découverte du dossier dans les témoignages du tribunal.

Le tintement des menottes sur la pourpre de Woelki semble avoir galvanisé ses nombreux ennemis, qui sont revenus à la charge pour réclamer sa démission. Ils espèrent que le Pape, face au tapage médiatique provoqué par les perquisitions d’hier, se décidera à accepter la démission de l’archevêque, déjà signée en mars dernier et jusqu’à présent non acceptée. Mais pas même refusée. S’il était reconnu coupable, Woelki risquerait jusqu’à un an de prison pour violation de l’article 156 du code pénal allemand.

Après l’arrestation du cardinal George Pell, qui a dû passer 444 jours en tant qu’innocent dans un pénitencier de haute sécurité en Australie, voir un autre prince de l’Église jeté derrière les barreaux dans des circonstances douteuses et avec la présence pressante des caméras de télévision ne serait guère surprenant. Peut-être même que les applaudissements ne manqueraient pas, de la part des autres évêques allemands qui, ces dernières années, ont manifesté leur hostilité à Woelki pour sa résistance au processus du Synode.

Une perspective qui rappelle la prophétie dramatique du cardinal Francis Eugene George, ancien archevêque de Chicago [(*)]:

« Je m’attends à mourir dans un lit, mais mon successeur mourra en prison et son successeur mourra en martyr sur une place publique ».

Huit années se sont écoulées depuis la mort de George dans son lit, dans sa résidence archidiocésaine.


[*] La prophétie du Cardinal George

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La campagne politique actuelle a amené à la surface de notre vie publique le sentiment anti-religieux, en grande partie explicitement anti-catholique, qui grandit dans ce pays depuis plusieurs décennies. La laïcisation de notre culture est un enjeu beaucoup plus important que les causes politiques ou les résultats de la campagne électorale actuelle, aussi importants soient-ils.

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M’exprimant il y a quelques années devant un groupe de prêtres, entièrement en dehors du débat politique actuel, je tentais d’exprimer de manière dramatique ce que la laïcisation complète de notre société pourrait apporter. Je répondais à une question et je n’ai jamais mis par écrit ce que j’ai dit, mais les mots ont été capturés sur un smartphone et se sont désormais répandus comme un virus sur Wikipedia et ailleurs dans le monde des communications électroniques.

On me cite (à juste titre) comme disant que je m’attendais à mourir dans mon lit, que mon successeur mourrait en prison et que son successeur allait mourir en martyr sur la place publique. Ce qui est en général omis dans les rapports, c’est la phrase finale que j’ai ajouté au sujet de l’évêque qui suivrait peut-être un évêque martyr: «Son successeur ramassera les débris d’une société en ruine et lentement aidera à reconstruire une civilisation, ce que l’Église a fait si souvent dans l’histoire humaine».

Ce que j’ai dit n’est pas «prophétique» mais un moyen de forcer les gens à penser en dehors des catégories habituelles qui limitent et parfois empoisonnent les discours public et privé.

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Cardinal Francis George
Site du diocèse de Chicago, 21 Octobre – 3 Novembre 2012
Le mauvais côté de l’histoire
https://benoit-et-moi.fr/2012(III)/articles/le-mauvais-cote-de-lhistoire.php
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