La nomination du protégé du Pape à la tête du plus important (mais c’était avant!) dicastère du Vatican, avec l’objectif évident de le liquider, soulève de nombreuses problématiques (en plus de l’insignifiance académique de l’élu) qui se recoupent plus ou moins mais sont toutes liées à la personnalité de CE pape: rupture avec le passé, bien sûr, mais surtout nominations de médiocres et de bénis-oui-oui, à l’enseigne du népotisme, ou plutôt du copinage le plus éhonté (mafia argentine en tête) , avec une accélération du mouvement qui sent la fin de règne (selon le principe « motus in fine velocior »), volonté implacable de liquider l’héritage de Benoît XVI, pas seulement théologique, esprit de vengeance et haine contre l’appareil de l’Eglise, en particulier la Curie, préparation et anticipation du Synode de l’automne prochain, et ainsi de suite.

Cette liste n’est pas exhaustive, elle ne doit pas grand-chose aux a priori négatifs « anti-bergogliens », elle sauterait aux yeux des aveugles, et de nombreux faits viennent l’étayer.

Dans cette remarquable analyse, l’auteur du blog « dantesque » Leonardo Lugaresi décortique la « terrible » lettre que François, dans une démarche très inhabituelle, qui à elle seule interroge, a adressée à son protégé, pour dénoncer (fait inouï) les « méthodes immorales » de ses prédécesseurs.



Ici, tous les articles sur le site du Vatican: en particulier le CV, la bibliographie-bidon, et surtout, la lettre du Pape.
https://press.vatican.va/content/salastampa/it/bollettino/pubblico/2023/07/01/0487/01090.html

Le Pape François et les « méthodes immorales » de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi

Hier, le pape a nommé le nouveau préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi en la personne de Mgr Victor Manuel Fernandez, jusqu’à présent archevêque de La Plata (Argentine), et il a souhaité accompagner la publication de cette nomination d’une lettre de sa part, rendue publique en même temps que l’annonce de la nomination.

Ce n’est pas une pratique habituelle : cette lettre, adressée au nouvel élu et pour information à nous tous, est donc un document important qui mérite une attention particulière. Il s’agit en effet d’un acte officiel, que le pape a expressément voulu poser pour expliquer le sens qu’il entendait donner au choix de Mgr Fernandez et pour expliciter la mission qu’il confiait au nouveau préfet. Rien de ce qu’il contient ne peut donc être considéré comme un obiter dictum [soit dit en passant] et encore moins comme une expression  » à chaud  » au cours d’une conversation, comme on pourrait le soutenir, par exemple, pour les nombreuses interviews que le pape a accordées ces derniers temps.

C’est pourquoi je pense qu’il est juste, pour un simple croyant comme moi, de réfléchir à l’affirmation qui se trouve presque au début de la lettre, au deuxième paragraphe :

« El Dicasterio que presidirás en otras épocas llegó a utilizar métodos inmorales ».

Si je traduis correctement :

« Le dicastère que tu présideras est allé jusqu’à utiliser à certaines époques des méthodes immorales ».

Cette phrase me semble grave et déconcertante. L’accusation d’immoralité, lancée par un pape à l’encontre d’un organe suprême du Saint-Siège, est sans précédent à ma connaissance.

Il est donc absolument nécessaire de préciser tout d’abord à qui et à quoi le pape François fait référence. Ce qui est peut-être, au moins en partie, expliqué dans la phrase qui suit immédiatement :

« Fueron tiempos donde más que promover el saber teológico se perseguían posibles errores doctrinales ».

C’est-à-dire, si je comprends bien :

« Il y a eu des moments où, au lieu de promouvoir la connaissance théologique, on a poursuivi d’éventuelles erreurs doctrinales ».

Cette affirmation me semble très problématique : pas facile de comprendre pourquoi la tâche de défendre l’orthodoxie de la doctrine de l’Église, qui a toujours été confiée à la Congrégation pour la doctrine de la foi, devrait donner lieu à des accusations d’immoralité(…). Mais passons: en tant que simple laïc, je ne me considère certainement pas en mesure de traiter de sujets aussi délicats et complexes.

Il est plus urgent pour moi de comprendre de QUI parle le pape lorsqu’il parle de « méthodes immorales ». Si l’on se laisse distraire par l’expression temporelle « en otras épocas », qui est si vague qu’elle peut signifier tout et n’importe quoi, on peut penser qu’il est impossible de répondre à cette question. L’accusation resterait donc sérieuse et déroutante, mais finirait par avoir la portée d’une « plainte contre X ».

On peut craindre, malheureusement, que cette fausse précision temporelle ait été inséré à dessein, pour dire et ne pas dire. Qu’il s’agisse d’une ruse, en d’autres termes. Le message serait à peu près le suivant :

« A la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, on a utilisé des méthodes immorales ».

Mais quand ? Et qui était-ce ?

« Autrefois. Et personne ne sait qui. »

Mais la troisième phrase de ce terrible paragraphe me semble éclairer suffisamment la pensée du pape. En effet, il écrit au nouveau préfet :

« Lo que espero de vos es sin duda algo muy diferente ».

Ce qui, en italien, se traduit par :

« Ce que j’attends de toi est certainement quelque chose de très différent ».

Or, il n’est pas interdit de penser qu’une telle phrase n’a de sens que par rapport à un passé récent. Par conséquent, les « autres époques » où, selon le pape, la CDF a fait des choses immorales ne sont pas celles d’un passé lointain, d’une phase historique de l’Église depuis longtemps révolue, et tellement éloignée de notre monde et de notre mentalité que les termes des questions se posaient alors de manière totalement différente de ce qu’ils sont aujourd’hui, etc. etc. etc. (à supposer que même dans ce cas, l’accusation d’immoralité soit justifiée).

Non, le pape parle évidemment de « l’église d’hier », et non de l’église d’il y a cinq siècles. En clair, il ne s’agit pas de la « Sacrée Congrégation de l’Inquisition romaine et universelle » de Paul III, ni de la « Sacrée Congrégation du Saint-Office » de saint Pie X, mais de la « Congrégation pour la doctrine de la foi » de saint Paul VI, de saint Jean-Paul II et de Benoît XVI.

Plus brutal encore : il ne parle pas de l’époque du cardinal Carafa (XVIe siècle), mais de celle du cardinal Ratzinger.

Si tel est le cas, ce qui rend l’accusation d’immoralité portée contre la CDF encore plus « problématique » pour un catholique, c’est le fait qu’elle a toujours agi dans l’obéissance et en tout cas avec l’assentiment des papes régnants : saint Paul VI, saint Jean-Paul II et Benoît XVI. Dès lors, il deviendrait impossible d’éviter à ces saints pontifes le reproche d’avoir été pour le moins de connivence avec les « méthodes immorales » de la CDF. Suis-je le seul à rester sans voix devant une telle perspective ?

Tout cela est pour moi, simple catholique fidèle, une source d’énorme embarras, pour ne pas dire de scandale, mais franchement je ne pense pas que la déclaration du pape puisse être comprise d’une autre manière.

La communication a ses règles et même un pape ne peut les ignorer. Je vais essayer de m’expliquer davantage avec un exemple. Supposons que le directeur d’une école, en présentant aux enseignants et aux élèves un nouveau professeur qu’il vient de nommer, dise : « Il fut un temps où l’on utilisait des méthodes violentes dans cette école. J’attends certainement de vous quelque chose de très différent ». Qui penserait que ce directeur fait référence, par exemple, à l’époque des anciens Romains et de Plagosus Orbilius d’horacienne mémoire? Tout le monde comprendrait qu’il fait allusion au prédécesseur ou aux prédécesseurs immédiats du nouveau professeur. Sinon, sa phrase serait aussi dénuée de sens que le serait aujourd’hui la déclaration selon laquelle on attend du nouveau préfet du département du Vatican qu’il n’écrive pas avec une plume d’oie, qu’il ne fasse pas le voyage d’Argentine à Rome sur un voilier et qu’il ne se rende pas à son travail en calèche.

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