Formidable commentaire d’AM Valli qui résume dans une page tout ce que je ne suis pas la seule à penser! et tout ce que j’ai écrit sur le sujet à différents endroits ces jours-ci. Traiter le pauvre Tucho d’hérétique, c’est supposer qu’il a une doctrine. C’est lui faire trop d’honneur. Tucho n’a aucune doctrine, et c’est pour cela que François l’a choisi (on se demande d’ailleurs, dans cet étrange attelage, QUI dirige qui, la photo ci-dessous laisse songeur…). La fable de la continuité est définitivement pulvérisée, même si certains s’accrochent de façon pathétique (heureux les pauvres d’esprit…): « Nous sommes désormais aux prises avec la désarticulation manifeste de l’Église. Prenons-en acte ».

Fernández à la Doctrine de la Foi. L’autogolpe (*). Mais s’agirait-il aussi d’un autogol? (**)

(*) Golpe = coup d’état. Donc ici: coup d’Etat contre son propre pays
(**) But contre son camp

Comme nous l’avons abondamment écrit ces derniers jours, la nomination du nouveau préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, l’archevêque argentin Víctor « Tucho » Fernández, est une infamie à tous points de vue. Mais elle contribue au moins à la clarté : ceux qui ont toujours parlé, contre toute évidence, de continuité entre le pontificat de Benoît XVI et celui de François n’ont vraiment plus d’arguments. La nomination de Fernández sanctionne une rupture totale.

Attention : je parle d’une rupture non seulement et non pas tant entre deux types de théologie, mais entre une théologie et une non-théologie. Car la théologie de Tucho Fernández n’existe pas : il n’y a pas de pensée structurée, il n’y a pas de ligne d’interprétation. Il n’y a qu’un patchwork d’expressions qui cèdent à un vague sentimentalisme d’une part et au relativisme le plus éhonté d’autre part. Quelqu’un a dit que mettre Tucho à la tête de l’ancien Saint-Office, c’est comme nommer le loup à la tête du troupeau. Mais Tucho n’a même pas la grandeur du loup. C’est la liquidité, c’est le néant qui avance.

Donc, rupture totale avec le passé. À la bonne heure! Il était temps que la rupture soit sanctionnée, au-delà des fictions et des phrases de circonstance. Maintenant que le « sage grand-père », alias Ratzinger, n’est plus, François a fait ce qu’il avait prévu depuis longtemps et a installé son protégé dans le bâtiment même où, pendant tant d’années, le cardinal Ratzinger a travaillé comme gardien de l’orthodoxie catholique, comme tant d’autres l’avaient fait avant lui. Mais, je le répète, on ne peut pas parler de changement de cap, car Tucho Fernández n’a pas de cap, à moins que l’on veuille considérer comme un projet la déconstruction complète de la pensée catholique, de la vision catholique même de l’homme et du monde. Il est plus juste de parler de la fin d’un parcours.

Dans mon livre Il pastore e i lupi. Ricordando Benedetto XVI, démontant la légende du séjour serein de Ratzinger dans le calme du monastère Mater Ecclesiae, j’écris que ces dix années en tant que pape émérite ont été une via dolorosa.

Elles ont été marquées par les ambiguïtés d’Amoris laetitia, l’absence de réponse de François aux dubia des quatre cardinaux, la correctio filialis signée par des dizaines de théologiens et d’érudits mais superbement ignorée par Sainte Marthe. Le dur coup de Traditionis custodes l’a balayée.

« Face à chaque pas de François, à chaque nouvelle initiative de son successeur, Benoît XVI a pu mesurer l’abîme dans lequel l’Église s’enfonçait de plus en plus. Et il voyait que le processus d’autodissolution, déclenché par le Concile, avait été porté à ses conséquences extrêmes précisément par sa renonciation. Peut-on imaginer une condamnation plus terrible ?

Telle est la situation. Loin du « sage grand-père », des courbettes, des accolades et des sourires. François a au moins eu le bon goût d’épargner à Benoît la douleur ultime et l’humiliation la plus amère : placer quelqu’un comme Tucho Fernández à la tête de l’ex Suprema. Mais maintenant que Benoît n’est plus là, feu vert : la liquidité peut triompher, le champion de la non-théologie peut accéder au pouvoir. Mission accomplie.

Si Tucho Fernández, le ghost writer d’Amoris laetitia et l’inspirateur du programme du pontificat, Evangelii gaudium, incarne aux yeux de Bergoglio l’homme qu’il faut pour diriger le Dicastère pour la Doctrine de la Foi, c’est précisément parce qu’il n’a pas de doctrine, et que sa foi peut difficilement être qualifiée de catholique.

Le cardinal Müller n’a pas hésité à le qualifier d’hérétique, mais il lui a peut-être fait un compliment. Un hérétique a une idée, il a une vision de la doctrine et de la foi. L’auteur du livre sur l’art du baiser n’a rien de tout cela. Avec cette nomination, François dit donc : assez de théologie, place à la non-théologie, assez d’Église, place à la non-Église. La lettre par laquelle il a accompagné cette nomination est claire : Tucho n’aura pas à poursuivre les erreurs doctrinales (« J’attends quelque chose de très différent de toi ») parce qu’il n’y aura plus de doctrine.

Ceux qui analysent la nomination de Tucho en ces heures continuent à raisonner en termes anciens : un innovateur à la place d’un conservateur, un mou à la place d’un dur. Mais nous avons dépassé ce stade. Ce que veut François, c’est la fin de toute référence.

Selon The Wanderer, qui connaît très bien Bergoglio et Fernández, la lecture que nous faisons attribue à François une grandeur qu’il n’a pas. En réalité, affirme le commentateur argentin, Bergoglio n’a nommé Tucho que par dépit, parce que le Vatican ne voulait pas confier à son protégé la direction de l’Université catholique de Buenos Aires et ensuite parce que Müller a osé le traiter d’hérétique. Pas de plan, donc, mais seulement du ressentiment.

Peut-être. En tout cas, quelle que soit la raison réelle de ce choix, il est indéniable que Bergoglio a ainsi creusé un fossé entre l’ancien et le présent. Nous voici dans l’autoflagellation. L’Église qui se renie elle-même. Une sorte de VIH, comme le remarque très justement The Wanderer. Une maladie auto-immune qui détruit l’organisme.

L’autogolpe sera-t-il aussi un autogol? Nous verrons bien. Il est possible que, face à une telle arrogance, même les cardinaux classés comme progressistes ressentent une répulsion et, ne serait-ce que par instinct de conservation, décident lors du prochain conclave de remédier aux méfaits bergogliens. Quoi qu’il en soit, nous sommes désormais aux prises avec la désarticulation manifeste de l’Église. Prenons-en acte.

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