L’ex-archevêque de La Plata, dégagé sans ménagement de son siège en 2018 (à 75 ans pile!) pour faire place à Tucho Fernandez avant l’ascension fulgurante de ces derniers jours, dit dans une lettre tout ce qu’il pense de son successeur et de l’inspirateur de celui-ci (à moins que ce ne soit l’inverse)

La lettre de Mgr Aguer (extrait)

L’archevêque Hector Aguer :

.

La position de François et de Fernandez est « absolument contraire à la profondeur historique de la protection ecclésiale de la foi ».

rorate-caeli.blogspot.com/2023/07/archbp-hector-aguer-position-of-francis.html

Quel paradoxe ! Un pays comme l’Argentine, sans monnaie, avec un langage inclusif imposé par l’ignorance grammaticale des politiciens, et avec des forces désarmées – c’est-à-dire presque un non-pays, selon la caractérisation d’un pays proposée par le général De Gaulle – a colonisé la Rome papale. Le Souverain Pontife est argentin, et maintenant le Préfet du Dicastère le plus important, celui de la Doctrine de la Foi, le sera aussi.

La lettre du successeur de Pierre à son élu entend implicitement refaire l’histoire de l’ancien Saint-Office. Fernández, le destinataire, a affirmé dans des déclarations que « ce nom, ou celui d’Inquisition – comme on l’appelait aussi – fait un peu peur, parce que c’était un lieu de persécution des hérétiques ; le pape François dit que parfois des méthodes immorales ont été utilisées, comme une sorte de renseignement et de contrôle et même, à un certain moment, la torture ».

La première chose qui vient à l’esprit est que cette allusion très lointaine oublie des siècles d’histoire ecclésiale, et s’arrête avant la Congrégation pour la doctrine de la foi dirigée par le cardinal Joseph Ratzinger — plus tard Benoît XVI — pendant deux décennies du pontificat de Jean-Paul II.

Ratzinger est l’auteur d’une œuvre théologique monumentale, en cours de publication intégrale, et de nombreux ouvrages de spiritualité. Cette œuvre allie connaissance théologique, pénétration philosophique, ascèse et mysticisme et une culture très large. Cette référence à l’œuvre personnelle de Ratzinger est opportune, car elle contient les véritables critères de sa performance en tant que Préfet. La fonction comprend l’examen des idées diffusées et la nécessité de peser ce qui est diffusé dans l’Église à la lumière de sa Tradition qui fait autorité.

L’Archevêque Fernandez, qui était jusqu’à présent archevêque de La Plata, continue de transmettre ce que François lui a dit, qui est « très clair ».

« Il faut veiller à l’enseignement de l’Église, non pas en le contrôlant ou en le persécutant, mais en le faisant grandir, en approfondissant les réflexions, en essayant d’aller au fond des choses. Cela nous fait tous grandir. S’il y a un problème ou si quelqu’un est accusé d’avoir dit quelque chose de déplacé, nous en parlons et nous en parlons encore ».

Le nouveau préfet souligne également que l’insistance du pape pour qu’il accepte le poste « montre son énorme délicatesse et le respect qu’il a pour la conscience des gens ».

Selon ces références, ils réfléchissent à la « très grande nouveauté », qui se refléterait également dans le prochain synode, dans lequel

« une multitude de thèmes émergeront parce qu’il est planifié avec une ouverture jamais vue auparavant ; c’est un espace unique où le pape s’assoit, non pas pour abaisser la ligne, mais pour écouter la diversité des opinions et essayer de parvenir à un certain consensus ».

Il poursuit :

« Il y a une mission, et c’est que je dois m’assurer que les choses qui sont dites sont cohérentes avec ce que François nous a enseigné. Il nous a donné un regard, une compréhension plus large, et nous ne pouvons pas répondre aujourd’hui de la même manière qu’il y a 40 ans. »


Passons en revue l’enseignement apostolique consigné dans le Nouveau Testament. Je me limiterai à une seule citation :

« Je vous adjure devant Dieu et devant le Christ Jésus, qui doit juger les vivants et les morts, et au nom de sa manifestation et de son Royaume : proclamez la Parole de Dieu, insistez avec ou sans occasion, discutez, reprenez, exhortez, avec une patience inlassable et avec l’ardeur d’enseigner. Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; au contraire, emportés par leurs penchants, ils se chercheront une foule de maîtres pour flatter leurs oreilles, et ils se détourneront de la vérité pour écouter des chimères [le texte grec dit des mythes]. Vous, au contraire, veillez attentivement….. »

Voilà ce que l’apôtre Paul écrivait à son disciple Timothée (2 Tm 4, 1-5).

Les Pères de l’Église ont eux aussi lutté contre les erreurs ; au cours des six premiers siècles, les catalogues d’hérésies se sont multipliés, ils les ont réprouvées. Rappelons, par exemple, l’Adversus haereses de saint Irénée de Lyon, le De haeresibus de saint Augustin et d’autres ouvrages du même nom écrits par divers auteurs. Les conciles ont inclus dans leurs décisions la condamnation des personnes qui propagent des erreurs. Il s’agit d’une attitude constante. Le devoir n’est pas seulement d’approfondir, d’éclairer et de diffuser la Vérité ; la Vérité doit être défendue lorsqu’elle est ébranlée. Cela a toujours été fait. Et cela demande de la vigilance. Dans la citation de 2 Tm 4, 5, il est dit, en grec : sy de nēphe en pasin ; c’est une occupation laborieuse et complète.

Soit dit en passant, je me réfère à un cas non catholique. Le philosophe de l’existence Soeren Kierkegaard, luthérien à la recherche continuelle du christianisme authentique, dans son Journal, qui occupe 19 volumes de son œuvre, reprend cette vigilance contre le monde moderne et ses erreurs, qui impliquent l’abolition du christianisme.

Argentins à Rome.

Dans un récent commentaire sur la situation de notre pays, François a déclaré que « c’est nous, les Argentins, qui sommes le problème ». Oui, mais aujourd’hui, nous avons colonisé la Rome papale !

Dernière nouvelle : le Souverain Pontife a demandé à un jeune prêtre argentin de l’aider en tant que secrétaire personnel.


« Relativisme doctrinal » : Tucho vu par quelqu’un qui le connaît bien

Nico Spuntoni
lanuovabq.it

L’archevêque Gabriel Antonio Mestre, jusqu’à présent évêque de Mar del Plata, remplacera Victor Manuel Fernández à la tête de l’archidiocèse de La Plata [cf. Le nouvel évêque s’exhibe en maillot de bains]. Cette nomination était dans l’air car le profil de Mestre appartient à cette génération d’évêques de moins de 60 ans qui sont fortement engagés dans les questions sociales avec lesquelles François a l’intention de redessiner le visage actuel et futur de l’Église argentine.

Cette tendance s’est dessinée avec la récente nomination de Jorge García Cuerva, 55 ans, à Buenos Aires, dans l’archidiocèse qui fut celui de Jorge Mario Bergoglio. Le passage de témoin entre Mestre et Fernández sera sans doute très différent du dernier précédent à La Plata, qui remonte à 2018. La messe d’installation dans le nouvel archidiocèse aura lieu le 16 septembre en présence du nonce apostolique en Argentine, Mgr Miroslaw Adamczyk.

Parallèlement, le néo-cardinal Víctor Manuel Fernández prendra possession du bureau de Joseph Ratzinger au dicastère pour la doctrine de la foi et, le 30 septembre, il recevra la pourpre des mains du pape dans la basilique Saint-Pierre.

Tucho a qualifié l’arrivée de Mestre à son poste de « don de Dieu ».

Comme nous le disions, le climat de cette succession semble déjà très différent de celui qui avait accompagné l’arrivée de Fernández il y a cinq ans.

À l’époque, en effet, le nouveau préfet du dicastère pour la doctrine de la foi avait pris la place de Mgr Hector Aguer, opposant historique de la ligne bergoglienne dans l’épiscopat argentin. Ce n’est pas un hasard si François a accepté sa démission en tant qu’archevêque titulaire une semaine après avoir atteint l’âge canonique de 75 ans. Un traitement qui n’est pas surprenant et que le pape a réservé à de nombreux prélats qui ne lui convenaient pas (ou plus).

Cependant, le changement d’Aguer a été particulièrement brutal car l’envoyé de la nonciature l’a informé qu’il devrait quitter La Plata immédiatement après la messe d’adieu et que l’auxiliaire Alberto Germán Bochatey, nommé administrateur apostolique pour l’occasion, s’occuperait de la phase de transition. De plus, Aguer a reçu l’ordre de ne pas résider dans l’archidiocèse après sa retraite, comme il l’avait initialement prévu.

Sans toit, l’archevêque émérite accepta au terme de sa dernière homélie dans la cathédrale l’hospitalité de l’évêque greco-melkite , manifestement impressionné par la manière dont Rome avait décidé de liquider l’un de ses serviteurs.

Bien que retraité, Mgr Aguer n’a pas cessé de s’exprimer sur la situation de l’Église et a envoyé ces derniers jours une note à plusieurs destinataires, dont la NBQ, dans laquelle il formule un jugement sévère sur les premières sorties publiques de Fernández en tant que préfet en charge. Au sujet du Synode sur la synodalité, par exemple, Tucho a déclaré que sa mission consisterait à veiller à ce que « les choses qui sont dites soient cohérentes avec ce que François nous a enseigné ».

Des paroles que son prédécesseur à La Plata traduisait ainsi :

Il y a une liberté absolue pour toutes les inventions et les ruses; il faut seulement se méfier des « indietristes » qui s’obstinent à suivre la Tradition ecclésiale.

Pour ceux qui s’y connaissent cela explique le sens de l’idéologie papale, selon laquelle la monarchie papale persécute et liquide ceux qui ne s’alignent pas sur le relativisme doctrinal professé par l’officialisme latino-américain.

Aguer analyse ensuite la lettre au nouveau préfet dans laquelle le Pape met par écrit comment il comprend la tâche du dicastère pour la doctrine de la foi. La position exprimée dans les instructions du pape, selon l’archevêque émérite de La Plata, serait « absolument contraire à la profondeur historique du soin ecclésial de la foi, depuis le temps des apôtres » car

« même à l’époque où le pouvoir papal était exercé par des hommes inadéquats, coureurs de jupons, mondains ou victimes d’interférences impériales, il a toujours veillé à ce que la Vérité que le Christ a confiée à l’Église ne soit pas obscurcie ».

Enfin, Aguer souligne un paradoxe en citant un récent commentaire du Pape sur la situation en Argentine. François a déclaré que « le problème, ce sont les Argentins » : « Oui, mais nous avons colonisé la Rome papale », observe le prélat, sarcastique.

Share This