La semaine dernière, le blogueur argentin reproduisait une vidéo montrant le néo-évêque de La Plata (donc successeur de Tucho) en maillot de bain sur une plage très fréquentée (cf. Le nouvel évêque s’exhibe en maillot de bains). L’article a suscité un nombre particulièrement élevé de commentaires sur son blog (ce qui donne une idée pas forcément flatteuse des centres d’intérêt des gens, mais passons), la plupart en défense de l’évêque, alors que son lectorat habituel est plutôt conservateur… et d’un bon niveau. Le responsable du site leur répond (balayant sans peine certains arguments affligeants), et leur explique le sens chrétien de la pudeur. Je trouve sa réflexion intéressante et tonifiante, même si lui-même admet en conclusion que « cette opinion ne sera pas du goût de beaucoup. Ils y verront une naïveté ridicule et une exagération intolérable. Et peut-être auront-ils raison ».

Pudeur, modestie et sports cléricaux

La très belle image choisie par le blogueur argentin pour illustrer son article

The Wanderer
3 août 2023

La publication, vendredi dernier, d’un très bref article sur Mgr Gabriel Mestre, archevêque élu de La Plata, a suscité un nombre inattendu de commentaires, dont j’ai publié soixante-neuf. Un bon nombre d’entre eux, contrairement à l’habitude, suggèrent une grande confusion et un manque de formation catholique de la part des auteurs. J’ai donc jugé opportun de donner mon avis sur le sujet.

Je ne peux pas dire grand-chose sur Mgr Gabriel Mestre pour le moment. Ce qui m’intéresse, ce sont les arguments qui sont apparus sur le blog pour défendre l’apparition de l’évêque en petite tenue dans une émission de télévision.

1) Certains ont fait valoir que l’apôtre Pierre et son frère André, qui étaient pêcheurs, passaient une bonne partie de la journée sur les plages de la mer de Tibériade en sous-vêtements, alors pourquoi l’un de leurs successeurs ne pourrait-il pas en faire autant ? Ce sophisme est si vieux et si usé qu’il ne vaut guère la peine d’y répondre. De même, nous ne devrions pas être scandalisés si l’évêque Mestre se promenait avec une tunique qui lui arrive aux genoux parce que c’est ce que faisaient les autres apôtres ; s’il s’asseyait sur la place de Mar del Plata pour percevoir la dîme parce que c’est ce que faisait Matthieu, ou s’il récitait une neuvaine pour la guérison de sa belle-mère, comme l’a fait Pierre.

2) Plusieurs autres ont estimé qu’un évêque pouvait très bien faire du sport, car mens sana in corpore sano. C’est vrai, mais il faut ajouter que ces sports doivent être adaptés au statut clérical élevé qu’il possède. Personne ne l’a forcé à devenir prêtre ou évêque, et cette consécration implique certains renoncements, y compris certaines activités qui pourraient éventuellement être autorisées à un laïc. Je pense que personne n’accepterait qu’un évêque pratique la gymnastique artistique ou la danse classique ou folklorique. La dignité de sa fonction l’empêche de pratiquer ces arts ou ces sports. Dans le cas particulier de Mgr Mestre, il nage au large de la côte atlantique et le fait, semble-t-il d’après l’interview, dans le cadre de compétitions et d’autres événements publics. Et cela l’oblige à se présenter devant des milliers de personnes en sous-vêtements, car un maillot de bain est un slip fait d’un autre type de tissu et portant un autre nom. Je ne pense pas que quiconque soit d’accord pour dire qu’il est juste qu’un évêque se promène dans sa ville en slip. En tout cas, s’il veut nager, qu’il trouve un endroit et un moment discrets, mais il est très déplacé qu’il soit heureux d’apparaître dans un programme télévisé en montrant sa chair.

Un bon exemple est celui de Jean-Paul II, qui aimait lui aussi nager et avait fait construire une piscine à Castelgandolfo à cet effet. Cependant, lorsqu’il découvrit que les paparazzis étaient là pour le photographier, il renonça définitivement à cette pratique.

3) D’autres ont défendu Mgr Mestre bec et ongles parce qu’il était très viril. Il est compréhensible qu’après les spécimens épiscopaux qui ont défilé sur les podiums au cours des dernières décennies, on regrette non seulement la foi, mais aussi la virilité. Mais de là à faire de la virilité manifeste une condition suffisante pour une élection épiscopale, il y a loin. Ces commentateurs pourraient suggérer au Pape de choisir les prochains évêques parmi les membres des Pumas [l’équipe argentine de rugby, ndt] ou parmi les joueurs de quelque autre club de rugby.

4) Mais ce qui m’a le plus frappé, c’est l’incompréhension totale de certains lecteurs à l’égard de la modestie et de la pudeur, qui sont deux vertus auxquelles l’Église a toujours prêté attention.

Saint Thomas les place toutes deux comme des vertus dérivées de la tempérance. Dans le cas de la pudeur (S. Th, II-II, 164), il s’agit de l’habitude de préserver son intimité des étrangers ; la vertu qui met en garde contre les dangers pour la pureté, les incitations des sens qui peuvent aboutir à l’affection ou à l’émotion sexuelle, et les menaces pour le bon gouvernement de l’instinct sexuel, aussi bien lorsque ces dangers viennent de l’extérieur que lorsqu’ils viennent de la vie personnelle intime.

Il ne s’agit pas d’être prudent ou pudibond ; il s’agit d’être réaliste et de comprendre la nature humaine blessée par le péché. Jusqu’à une date relativement récente – au milieu du XXe siècle – l’Église décourageait la fréquentation des stations balnéaires mixtes et exigeait que les maillots de bain couvrent l’ensemble du corps des hommes et des femmes. En outre, dans certains diocèses comme les îles Canaries, il était interdit aux prêtres d’absoudre ceux qui fréquentaient habituellement les plages publiques, car cela indiquait un manque d’intention de s’amender, avec pour conséquence l’invalidité de l’absolution.

Toutes ces prescriptions pourraient être considérées comme exagérées, mais ce qui se passe aujourd’hui ne l’est-il pas aussi ? Une famille catholique peut-elle vraiment partir en vacances avec ses enfants adolescents sur des plages bondées où elle sait qu’elle sera entourée d’une foule presque nue pendant des jours ? Tout homme normal rougirait et s’excuserait abondamment s’il voyait par inadvertance la femme de son ami en sous-vêtements, alors comment comprendre que les deux familles puissent partir ensemble en vacances à la plage où elles verront tous les jours la même femme se promener en sous-vêtements, même si elles l’appellent « maillot de bain » ?

Et voilà que dans la station balnéaire la plus importante d’Argentine, Mar del Plata, c’est l’évêque lui-même qui se promène parmi les baigneurs pour pratiquer des sports nautiques. N’est-ce pas aberrant ? Et n’est-ce pas encore plus aberrant à notre époque, avec les très graves scandales épiscopaux que nous avons connus ?

Quand on dit que quelqu’un est modeste, on pense immédiatement à quelqu’un qui sait être à sa place, à quelqu’un d’équilibré et d’agréable, qui, même dans sa tenue et ses manières, est poli et sans affectation. C’est une vertu humainement attrayante, vécue par le Christ, le modèle de l’homme parfait.

Saint Thomas (S.Th, II-II, 167-169) explique qu’un vice contraire à la modestie peut être causé par un manque de soin dans la tenue extérieure, par un manque d’importance (par exemple, en portant des vêtements sales ou abîmés, ou en ne portant pas de vêtements du tout, comme dans le cas de l’évêque Mestre), par la paresse ou pour toute autre raison. Ce vice est aggravé si ce manque de pudeur provoque un scandale parce qu’il concerne une personne en autorité ou considérée d’une certaine manière comme un modèle, et qui, par conséquent, devrait jouir de la bonne estime des autres.

Je sais que cette opinion ne sera pas du goût de beaucoup. Ils y verront une naïveté ridicule et une exagération intolérable. Et peut-être auront-ils raison. Pour ma part, je considère que ce n’est rien d’autre que du réalisme.

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