Ou comment, malgré toutes les protestations de synodalité, de transparence, de démocratie et de consultation du peuple, ce synode s’annonce déjà truqué et les conclusions déjà écrites par une minorité (comme l’avait compris il y a 70 ans le théologien Louis Bouyer!) , à travers des nominations pilotées. Avec un argument imparable: c’est l’Esprit qui souffle!
La lecture, même avec deux mois de retard, de cet article de Stefano Fontana, écrit en juillet au moment où la liste des participants venait d’être publiée, est une utile piqûre de rappel: elle aide à comprendre la stratégie qui sera mise en œuvre le mois prochain, pour faire « avancer » l’Eglise dans le sens souhaité par les sponsors de François

Synode, nominations pilotées. Et ensuite, ils disent que c’est l’Esprit Saint

Stefano Fontana
10 juillet 2023
lanuovabq.it/it/sinodo-nomine-pilotate-poi-dicono-che-e-lo-spirito-santo

L’orientation des nominations pour le nouveau synode manifeste une volonté de pilotage préétablie. Comment est-il possible de nommer ses partisans avec des critères politiques et de pouvoir et de prétendre ensuite que leurs paroles doivent être prises pour la voix de l’Esprit Saint ?

La lecture des noms des participants au synode sur la synodalité a provoqué un certain émoi chez de nombreux observateurs. Les nominations ont été « à sens unique » – a-t-on dit – afin de garantir dès à présent le résultat souhaité. Le secrétaire général et le rapporteur général, le secrétariat, les chefs de dicastères de la Curie romaine qui ont été entre-temps complètement renouvelés, les caractéristiques des personnes directement nommées par le pape, la composition des représentants des épiscopats clés, comme les États-Unis et l’Italie, la présence de « loyalistes »… tout contribue à consolider le soupçon d’une conduite pilotée, comme ce fut le cas pour le synode sur la famille.

N’oublions pas que dans un synode, les jeux sont toujours faits par une minorité, qui dirige le « marais ». Mais contrairement au synode sur la famille, cette fois-ci, l’impact des résultats sera bien plus important. C’est un synode sur la synodalité qui entend faire de la convocation des synodes une pratique permanente d’orientation et de transformation de l’Église universelle. Les « marionnettistes » étaient également présents lors du synode sur la famille, mais maintenant leur rôle devient véritablement stratégique, et tirer les ficelles des marionnettes d’un côté ou de l’autre, c’est tracer la vie de l’Église tout entière pour longtemps.

Chacun peut constater que l’existence de marionnettes au sein du synode heurte la rhétorique de la synodalité, qui devrait au contraire – comme on le répète désormais jusqu’à la nausée – être celle de l’écoute, de la participation et de l’implication de toutes les composantes de l’Église.
Impossible d’oublier les propos que François a tenus à Mgr Bruno Forte, selon le témoignage de ce dernier, lors du synode sur la famille :

« Si nous parlons explicitement de la communion aux divorcés et remariés, tu n’imagines pas le casino [« bazar »… traduction soft, l’autre mot commence aussi par B] qu’ils en feront. Alors n’en parlons pas directement, faisons en sorte que les prémisses soient là, ensuite, moi, je tirerai les conclusions ». 

On a exagérément mis en avant la phase dite de consultation qui, en réalité, n’a concerné qu’un petit nombre de fidèles, et qui plus est, sur des pistes déjà tracées, et voilà que la tendance des nominations pour le nouveau synode manifeste la même volonté de pilotage préétabli.

Ce qui est bien plus inquiétant, c’est que les « marionnettistes » prétendent que la voix des personnes qu’ils ont choisies pour participer au synode est la voix de l’Esprit Saint. Voilà ce que dit le cardinal Mario Grech, secrétaire général du synode, dans l’éditorial du numéro actuel de « Theologia », la revue de la faculté de théologie de Milan:

« … il s’agit donc très sérieusement d’un synode auquel toute l’Église est convoquée à différents niveaux, dans le but d’impliquer le plus possible toutes les baptisées et tous les baptisés [!!!], afin d’écouter leur voix et de reconnaître en elle et à travers elle la voix de l’Esprit Saint » (p. 4).

Si les mots ont un sens, Grech dit ici que la voix des membres du synode doit être considérée comme la voix de l’Esprit Saint. Je me demande si nous ne devrions pas réagir à cette vision des choses qui sous-tend toute la structure du synode. Dans un article précédent, j’avais souligné le caractère hégélien de cette approche [cf. lanuovabq.it/it/lo-spirito-di-hegel-domina-in-vaticano].

Ici, cependant, je voudrais m’en tenir à des considérations d’un niveau beaucoup plus bas, voire : terre-à-terre.

Comment est-il possible non seulement de nommer ses propres partisans selon des critères politiques et de pouvoir, mais aussi de prétendre que leurs paroles doivent être considérées comme la voix de l’Esprit Saint ? L’Esprit Saint peut-il souffler sans donner aussi ses propres dons de sagesse, de connaissance et de crainte de Dieu ? Et la pratique des nominations pilotées exprime-t-elle la sagesse, la science et la crainte de Dieu ?

L’approche exprimée par le cardinal Grech se retrouve dans tous les documents relatifs au synode, qu’il s’agisse des documents constitutifs ou de ceux rédigés in itinere. Le Document pour la Phase Continentale, par exemple, souligne « la profondeur de la foi, la vitalité de l’espérance et l’énergie de la charité qui débordent des contributions reçues (n° 6) ». La nouvelle conception du synode veut faire de chaque baptisé un synodal, et une conception problématique du sensus fidei du peuple de Dieu voudrait que chaque parole prononcée par un baptisé au synode soit automatiquement porteuse de vertus surnaturelles. Mais après, on intervient avec la balance du manuel Cencelli [en Italie, expression journalistique faisant référence à l’attribution de rôles politiques et gouvernementaux aux membres de divers partis ou courants politiques] en version ecclésiale, et on tire les ficelles pour manœuvrer les marionnettes.

Dans son discours du 17 octobre 2015 sur le synode et la synodalité, François a affirmé:

« Le sensus fidei empêche une séparation rigide entre Ecclesia docens et Ecclesia discens, car le troupeau possède aussi son propre « nez » pour discerner les nouveaux chemins que le Seigneur ouvre à l’Église ».

Admettons, mais alors pourquoi manipuler tactiquement en vue des résultats souhaités et établir à l’avance qui peut exprimer ce « flair » mieux qu’un autre ?

Je disais que les arguments de cet article se veulent « terre à terre ». Mais cet instrumentalisation de l’Esprit Saint ne peut manquer de nous faire réfléchir.

Le Grand Présent risque d’être le Grand Absent.

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