François est allé se recueillir dans la chapelle ardente dressée au siège du Sénat de la République italienne en l’honneur du défunt Giorgio Napolitano, l’ex-président, communiste et athée (personne n’est parfait…!] mais, comme nous l’avons rappelé, ami de Benoît XVI (cf. Benoît XVI et Giorgio Napolitano: une amitié surprenante, au-delà des appartenances).

Les images montrant le Pape François planté devant le catafalque, les bras ballants, sans faire aucun geste, donc aucun signe de la croix, ont choqué certains catholiques. François ne voulait pas perturber une cérémonie laïque par un geste religieux. Comme s’il avait honte.

Plus que l’hommage formel d’un Pape à une personnalité politique importante, geste de courtoisie somme toute naturel, c’est cette absence de signe religieux qui trouble. A la place de François, Benoît XVI serait sans doute allé se recueillir devant la dépouille de son ami, mais non moins probablement il aurait béni le corps, d’une façon ou d’une autre [*].

L’autre objection, soulevée par la NBQ, c’est la comparaison, sans appel, entre la cordialité du geste de François au Sénat italien, et l’attitude glaciale du même, le 31 décembre dernier devant la dépouille de Benoît XVI, puis ensuite, lors de ses funérailles. Deux postures qui, mises côte à côte, en disent long, surtout venant de l’homme qu’on décrit comme « le pape des gestes » .

. . .

Chapelle (ardente) avec faute (*)

(*) En italien, « Camera (ardente) con svista », jeu de mot autour du titre d’un roman de EM Forster et du film éponyme de James Ivory « Camera con vista » (Chambre avec vue).

Le pape François se rend à la chapelle ardente de Napolitano, « grand homme serviteur de la patrie ». Perplexité sur le jugement politique mais aussi sur le geste, d’autant plus par rapport aux funérailles de Benoît XVI.

lanuovabq.it/it/camera-ardente-con-svista

Malgré la surprise du geste, il était prévisible que le pape honore publiquement le président émérite de la République, Giorgio Napolitano, décédé vendredi dernier à l’âge de 98 ans. Le feeling entre Giorgio & Jorge, entre le premier président communiste et le premier pape latino-américain, remonte à cette fatidique année 2013 où l’un fut réélu (cas inédit) au Quirinal et l’autre sortit du conclave après la démission sans précédent de son prédécesseur. La consécration définitive est intervenue en 2016, quand le pontife a compté Giorgio Napolitano et Emma Bonino « parmi les grands de l’Italie d’aujourd’hui ».

C’est ainsi qu’hier, peu après 13 heures, le Saint-Père s’est rendu à la chapelle ardente de l’ancien chef d’État, installée au Sénat de la République.

« Un souvenir et un geste de reconnaissance à un grand homme serviteur de la patrie. François », tel est le message laissé par le pape qui, le jour même de la mort de l’ancien chef d’État, avait envoyé un télégramme à sa veuve Clio Bittoni Napolitano, exprimant « le souvenir reconnaissant des rencontres personnelles que j’ai eues avec lui, au cours desquelles j’ai apprécié son humanité et sa clairvoyance dans la prise de décisions importantes avec rectitude, en particulier dans les moments délicats pour la vie du pays, avec l’intention constante de promouvoir l’unité et la concorde dans un esprit de solidarité, animée par la recherche du bien commun ».

Comme nous l’avons déjà écrit, nous ne sommes pas d’accord sur le jugement politique, mais deux éléments de cette visite ont retenu notre attention.

Le premier est l’absence de signe de croix dans la chambre funéraire du Palazzo Madama, « pour ne pas perturber une cérémonie laïque », comme l’a écrit Camillo Langone dans un article intéressant du Giornale. Il ne s’agit pas de respect, dit Langone, mais d’un acquiescement au monde, un geste qui « met en évidence l’état agonique du catholicisme romain ».

Le deuxième élément est la comparaison, qui vient naturellement, avec le comportement du pape François lors de la mort de Benoît XVI, le 31 décembre dernier, un souvenir encore frais et très vivant dans l’esprit de ceux qui, en assistant aux funérailles, ont été déconcertés par le détachement et le laisser-aller manifestés à cette occasion. La visite à la dépouille mortelle a également été beaucoup plus réservée. Mgr Gänswein raconte qu’il a immédiatement prévenu le pape François, « qui, en l’espace d’une dizaine de minutes, est arrivé au monastère, s’est assis à côté du corps, a fait un signe de bénédiction et s’est arrêté pour prier » (Nient’altro che la verità). Ensuite, à l’exception des funérailles bien sûr, aucun hommage public, ni à la première chapelle funéraire aménagée dans la chapelle Mater Ecclesiae, ni pour accueillir le fourgon transportant la dépouille mortelle, ni pendant les trois jours d’exposition dans la basilique en présence de milliers de pèlerins.

Et puisqu’il est considéré comme « le pape des gestes », les images de ces deux actes en disent plus que mille discours.

Ndlr

[1] Les circonstances étaient autres, mais les deux faits sont du même ordre.

Le 31 octobre 2008,  Benoît XVI avait reçu les membres de l’Académie pontificale pour les sciences, et rencontré l’un des invités, l’astrophysicien britannique athée Stephen Hawking. A l’issue de la rencontre, Benoît XVI s’était approché du fauteuil roulant du célèbre scientifique, et, lisant sur l’ordinateur avec lequel Hawking écrivait pour communiquer avec les autres, le Saint-Père avait tracé sur son front un signe de la croix. Magnifique image de la rencontre entre foi et raison, entre Eglise et science, dont je me rappelle qu’à l’époque, elle avait fait s’étrangler les chaisières de La Croix (le journal!).

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