Il a été suspendu de toute activité sacerdotale pour 5 ans, mais reste pour le moment électeur au conclave (il a 79 ans). Il lui est reproché des « abus » sexuels (un terme fourre-tout bien commode, désormais fortement connoté de façon négative, qui recouvre tout et n’importe quoi) remontant à une quarantaine d’années. Air connu. Curieusement, la « vaticaniste » (!!!) de Libé a diffusé la nouvelle en premier, avant même le Vatican. Pour y voir clair, voici le tableau brossé par Giuseppe Nardi, dont les informations sont généralement fiables et les commentaires pertinents (en tout cas, moins « biaisés » que ceux de Libération).

La chute du cardinal Ricard – Historique et contexte

DE SCANDALES EN SCANDALES

Giuseppe Nardi
katholisches.info
29 septembre 2023

A l’occasion de la récente visite du Pape François à Marseille, on pouvait lire en avant-première, à la fin d’un article de Libération du 22/09/2023, une information qui n’avait pas encore été rendue publique par Rome.

Bernadette Sauvaget, l’auteur de l’article, y écrit que le Vatican a récemment imposé des sanctions au cardinal Jean-Pierre Ricard, originaire de Marseille.

Le cardinal Ricard, archevêque de Bordeaux de 2001 à 2019 et président de la Conférence des évêques de France pendant plusieurs années [2001-2007, ndt], avait reconnu fin 2022 avoir agressé sexuellement une jeune fille de 14 ans dans les années 80, alors qu’il était vicaire épiscopal à l’archevêché de Marseille. Le terme « abus », souvent utilisé dans ce contexte, suggère désormais dans l’imaginaire collectif des faits trop graves pour être vraiment appropriés. L’aumônier de l’archevêché de Marseille de l’époque aurait « serré dans ses bras et embrassé » la jeune fille, dont il n’aurait appris que plus tard qu’elle était mineure. Le cardinal lui-même a qualifié son comportement de « condamnable ».

La nature du débat public sur les abus sexuels dans l’Église, qui est surtout le fait de cercles éloignés de l’Église, entraîne également une distorsion inquiétante de la perception au sein de l’Église catholique : certains, dans leur indignation, semblent convaincus qu’un acte inapproprié est plus condamnable que la négation d’une vérité de foi. Il y a ici une confusion entre la cause et l’effet.

Le parquet français a ouvert un dossier d’enquête contre le cardinal Ricard, qu’il a refermé dès le début de l’année 2023, l’affaire étant prescrite.

La procédure ecclésiastique, qui ne devrait plus être soumise à des délais de prescription, s’est toutefois poursuivie et a abouti à la condamnation du cardinal, qui, selon Libération, a été interdit de célébration publique de la liturgie pendant cinq ans.

Le cardinal avait été mis à la retraite par le pape François en 2019, dès qu’il avait atteint l’âge de 75 ans. Un signe qu’il ne faisait pas partie du cercle restreint des « amis » de Sainte Marthe. Du reste le cardinal Ricard avait célébré sous Benoît XVI selon le rite traditionnel et avait érigé canoniquement la maison mère de l’Institut du Bon Pasteur dans son diocèse. Il a toutefois visité une loge maçonnique à Bordeaux sous le pape François, dans le cadre de sa « politique de détente » et comme « geste amical ».

Sa condamnation n’indique pas non plus de « lien » privilégié avec le Saint-Siège, non pas sur le fond, mais par rapport à des cas graves d’abus qui ne sont pas ou peu sanctionnés parce que Sainte Marthe et son « cercle magique » gardent une main protectrice sur eux. La section disciplinaire du dicastère de la foi (anciennement la Congrégation pour la doctrine de la foi) examine attentivement et rend ses jugements, mais tous ne sont pas exécutés, car c’est une question de contacts avec Sainte Marthe. C’est ce qu’a montré récemment le cas du désormais ex-jésuite Marko Ivan Rupnik, qui avait même été excommunié par la Congrégation pour la doctrine de la foi pour des faits graves, mais qui a ensuite miraculeusement été absous.

L’information a été confirmée hier par La Croix. Le cardinal, aujourd’hui âgé de 79 ans, s’est vu interdire pour une durée de cinq ans l’exercice de toute célébration publique en dehors de son diocèse de résidence. Le jugement a été rendu à la fin du printemps. Cela signifie que Ricard reste cardinal et prêtre, mais qu’il ne peut plus exercer son sacerdoce en public pendant cette période. Le jugement prévoit une exception : Il permet au « porporato » de continuer à exercer son ministère liturgique dans le diocèse de Digne, qu’il a choisi comme lieu de retraite, à condition que l’évêque du diocèse, Mgr Emmanuel Gobilliard, l’y autorise.

Le cardinal Jean-Marc Aveline a expliqué à La Croix ce que cela signifiait. « Le cardinal Ricard vit dans un isolement total et il est assez intelligent pour comprendre qu’il doit faire preuve de retenue ».

Mgr Aveline fait partie du cercle des prélats qui ont davantage la cote à Sainte-Marthe [cf.Le cardinal Aveline: à la bourse des papabili, sa cote est en hausse]. Il a été nommé évêque auxiliaire par le pape François fin 2013, puis archevêque de Marseille en 2019. En 2020, François l’a nommé membre du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux (aujourd’hui Dicastère pour le dialogue interreligieux) et en 2022, membre du Dicastère pour les évêques (anciennement Congrégation pour les évêques). L’année dernière, il l’a finalement créé cardinal.

En interrogeant Mgr Gobilliard, on a pu y voir plus clair. Le jugement est une chose, l’application en est une autre : Mgr Gobilliard a déclaré à La Croix :

« Je ne suis pas d’accord avec le fait que le cardinal Ricard célèbre actuellement dans le diocèse de Digne, et je le lui ai dit. Je souhaite que les sanctions soient appliquées ici aussi« .

En faisant remarquer à Gobilliard que si le cardinal devait se déplacer dans un autre diocèse et y obtenir l’autorisation de célébrer, « je ne pourrais pas l’en empêcher », l’évêque du lieu a fait comprendre que le cardinal Ricard était un hôte indésirable.

Ce dernier a signalé qu’il avait compris le message. Il n’a pas l’intention de faire de commentaires, mais de faire ce qu’on lui a demandé et « de ne pas déclencher ou alimenter la controverse ».

Jusqu’au 26 septembre 2024, date de son 80e anniversaire, le cardinal est autorisé à participer à un conclave.

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