Le « jeûne » de l’opinion va largement au-delà des attentes du Pape (le streaming sur Vatican News a attiré hier… 70 visiteurs!!!),. mais lui, c’était le jeûne de la parole, qu’il réclamait. Nico Spuntoni revient sur la prestation de Luca Casarini, le militant altermondialiste, anticapitaliste… et antisioniste, clone italien de notre Mélenchon national: sous plusieurs aspects, c’est une faute de communication imputable aux spin doctors (amateurs) du Pape, qui pourrait s’avérer contre-productive.

Synode, Casarini fait son show. Mais le Vatican s’en sort mal

Hier, en conférence de presse au Synode, l’intervention de l’ancien leader no-global. Un choix absurde de la communication vaticane. D’autant plus que Casarini n’a montré aucun repentir pour sa conduite passée, actions anti-israéliennes incluses.

(photo, de Vatican News)

« Des choses folles peuvent arriver, comme ma présence au Synode : c’est fou ».

Luca Casarini, l’ex-leader historique de la gauche antagoniste voulu par le Pape comme invité spécial au Synode sur la synodalité, n’a pas tort. L’homme que l’Italie a connu dans les jours dramatiques du G8 de Gênes en 2001 a prononcé ces mots pleins d’un étonnement sincère au siège (provisoire) du Bureau de presse du Saint-Siège, lors de la réunion d’information sur les travaux du synode qui s’est tenue hier.

Quelqu’un a dû considérer qu’il n’était pas suffisant de faire participer à ce que saint Paul VI a institué comme le Synode des évêques (même si ce n’est pas en tant que votant) quelqu’un qui, il y a peu, a dit d’un ministre du gouvernement italien que « s’il doit y avoir un Nuremberg pour l’Holocauste méditerranéen, il signor Piantedosi [ministre de l’intérieur du gouvernement Meloni] sera certainement à la barre ».

De fait parmi les 464 participants, on a jugé opportun de donner à Casarini la vitrine du briefing au cours duquel la Commission de l’information transmet à la presse – au compte-gouttes au nom du « jeûne de la parole publique » – les rapports sur les travaux de la journée.

Dans son intervention en salle de presse, Casarini a revendiqué son rôle de chef de mission de Mediterranea Saving Humans, se félicitant que « dans un monde où il y a une compétition pour savoir qui tue le plus, dominé par la haine, sauver un frère est un cadeau infini qui change des vies et a changé la mienne ».

Cette nouvelle activité a valu à l’ex-leader no-global une enquête pour immigration illégale, qu’il a déclaré hier ne pas comprendre car pour lui « aucun être humain n’est illégal », allant même jusqu’à faire cette remarque ironique: « Ai-je commis un délit ? Arrêtez-moi, je suis content de l’avoir fait ».

Nous ne voulons pas aborder ici la question du phénomène migratoire, d’autant plus que 28 ans avant l’autocongratulation de Casarini, c’est saint Jean-Paul II qui nous rappelait que « l’Église est le lieu où même les immigrés clandestins sont reconnus et accueillis comme des frères ». Toutefois, la perplexité de donner une tribune officielle comme celle d’hier pour revendiquer une violation de la loi d’un État souverain comme l’Italie reste évidente. Des circonstances qui, en d’autres temps, auraient pu conduire à l’ouverture d’un incident diplomatique.

On ne peut pas en blâmer Casarini, même en étant cohérent. De même qu’il semble stérile de lui reprocher son casier judiciaire. L’ancien leader de l’extrême gauche a raconté sa rencontre avec le Christ grâce à son expérience en mer sur le bateau de l’ONG, affirmant avoir appris à « transformer la rancœur et le ressentiment en compassion » [pietà].

Il ne s’agit pas de juger un parcours de foi privé, mais ce qu’il a fait en public hier n’est pas le témoignage d’un « véritable renouveau qui a changé tous ses paramètres » (Benoît XVI, La « conversion » de saint Paul, audience générale du 3 septembre 2008) car il n’y a pas de trace de repentir ni de renversement de perspective sur les comportements passés, pour lesquels, au contraire, il revendique l’absolution pénale (Gênes et les manifestations des mouvements populaires) et la légitimité morale (délit d’immigration clandestine).

Mais c’est Casarini qui, paradoxalement, se sort le mieux du briefing d’hier.

Le choix discutable est celui de la communication du Vatican qui a choisi le participant probablement le plus polarisé pour une conférence prétendant que le Synode est dépourvu de toute polarisation. Casarini, en outre, est connu du public pour son long militantisme à l’extrême gauche et le fait de le choisir pour parler du synode à la presse ne peut que transmettre un certain message sur l’événement.

Il y a ensuite un facteur d’opportunité lié à l’actualité : quelques heures après les attentats du Hamas et la prise de position sévère de l’ambassade d’Israël auprès du Saint-Siège [cf. L’ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège attaque Pie XII], était-ce vraiment le moment de mettre en avant l’ex-extrémiste de gauche? Lui qui, en 2002, au lendemain du déclenchement de l’opération « Bouclier défensif » lancée par Israël en réaction à un attentat suicide du Hamas à Netanya, s’est précipité à Ramallah, violant avec une délégation de militants antagonistes l’interdiction qui leur était faite par les autorités israéliennes de servir de bouclier humain à Yasser Arafat?

Il s’avère en fait que Casarini a ensuite été expulsé de l’État du Moyen-Orient et qu’il a maintenu sa polémique anti-israélienne au fil des ans, par exemple en se joignant au boycott (mais pas aux manifestations) de la Foire du livre de Turin en 2008 pour la participation d’Israël en tant qu’invité d’honneur.

Si Casarini était une carte pour susciter un certain intérêt pour un Synode qui continue d’être négligé par l’opinion publique, cela n’a pas fonctionné car la diffusion en direct sur Vatican News n’a pas dépassé les 70 téléspectateurs. Le « jeûne de la parole publique » – auquel même le désobéissant par excellence Casarini a candidement admis avoir « obéi » – ne contribue pas à améliorer l’attractivité du Synode et la diffusion quotidienne d’informations sur les procédures complexes n’est rien d’autre qu’un substitut, qui risque plutôt de communiquer l’image d’une bureaucratisation des processus vivants de l’Église.

Le résultat est ce que nous pourrions appeler un jeûne de l’opinion publique qui, indépendamment de l’opinion positive ou négative sur ce synode, est évident pour tous lorsque la diffusion en direct des quelques moments publics attire un maximum de 70 téléspectateurs par rapport à plus d’un milliard de catholiques. Une tendance que l’invitation de Casarini à la conférence de presse ne semble pas avoir contribué à inverser.

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