C’est la déclaration du Patriarcat Latin de Jérusalem après les attentats du Hamas dans la bande de Gaza, jugées trop lénifiantes par l’Ambassade d’Israël auprès du Saint-Siège (cf. L’ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège attaque Pie XII), qui a mis le feu aux poudres.
Et une fois de plus, c’est Pie XII qui en fait les frais, devenant l’instrument d’un chantage exercé sur l’Eglise, et compromettant définitivement son éventuelle béatification.
Nico Spuntoni fait le point sur les derniers développements.

Que Pie XII soit dans le collimateur d’Israël et des communautés juives, et serve de prétexte à des polémiques sans fin – qui ont littéralement empoisonné le pontificat Benoît XVI -, voire à du chantage, n’est certes pas une nouveauté.
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On se souvient peut-être que c’est Benoît XVI qui, en décembre 2009, avait tenté de débloquer le processus de béatification, puis de canonisation, en le déclarant Vénérable en même temps que Jean-Paul II, déclenchant une polémique féroce venant à la fois des milieux juifs et des médias. Les choses en étaient restées là pour Pie XII. Pour le pape polonais, par contre, le processus avait été « validé » par les mêmes, et s’était poursuivi à peu près tranquillement jusqu’à la canonisation en 2013 (qui en passant arrangeait bien François)

Dossiers:

De Pie XII au Hamas : le conflit entre Israël et le Vatican

Nico Spuntoni
www.ilgiornale.it
15 octobre 2023

L’ambassade d’Israël attaque la note du patriarche de Jérusalem le 7 octobre, rappelant les papiers de Pacelli. Parolin obligé de réparer les dégâts

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Dans la semaine qui a suivi les attentats terroristes du Hamas, les relations israélo-vaticanes ont atteint des niveaux de tension inégalés depuis longtemps, au point d’inciter le cardinal secrétaire d’État à monter personnellement au créneau avec une interview dans L’Osservatore Romano et une visite au siège de l’ambassade d’Israël auprès du Saint-Siège. Une décision prise après avoir lu le communiqué très dur que l’ambassade a publié pour réprimander la note des patriarches et des chefs des Eglises de Jérusalem sur le sabbat sanglant, jugée trop « décevante et frustrante » pour son « ambiguïté linguistique ».

La réaction israélienne

Suite aux attaques des terroristes du Hamas contre des civils israéliens, le Patriarcat latin de Jérusalem a lui aussi publié un texte intitulé « Déclaration du HoC [Head of Churches] sur la paix et la justice face à la violence actuelle » dans lequel il est écrit que « notre foi, qui est fondée sur les enseignements de Jésus-Christ, nous oblige à soutenir la cessation de toutes les activités violentes et militaires qui causent du tort aux civils palestiniens et israéliens ».

Trop peu pour l’ambassade d’Israël auprès du Saint-Siège, qui a alors réagi par le communiqué mentionné plus haut, dans lequel, parlant de la déclaration des patriarches, on soulignait qu’ « en lelisant, on ne peut pas comprendre ce qui s’est passé, qui sont les agresseurs et qui sont les victimes. Il est particulièrement incroyable qu’un document aussi sec ait été signé par des hommes de foi ».

Une condamnation donc de la position du patriarche Pierbattista Pizzaballa qui, quelques jours auparavant, avait rencontré l’ambassadeur Raphael Schutz à Rome à l’occasion de sa première messe à Sainte-Marie-Majeure en tant que cardinal.

Dans les jours qui ont suivi, le cardinal Pizzaballa a précisé que sa condamnation des atrocités commises par les terroristes du Hamas était « sans réserve ». Tout en éteignant la polémique, le patriarche ne s’est pas privé de commenter la note de l’ambassade d’Israël, la jugeant « excessive dans son ton et son contenu ».

Des tensions préexistantes

Le passage le plus sévère de la note de l’ambassade israélienne est cependant le dernier, et il semble s’adresser davantage au Saint-Siège qu’au Patriarcat latin de Jérusalem. Lors d’une conférence sur les nouveaux documents du pontificat de Pie XII, organisée à l’université grégorienne, l’ambassade a déclaré :

« Apparemment, quelques décennies plus tard, certains n’ont pas encore appris la leçon du passé récent et sombre ».

Récemment, l’archiviste Giovanni Coco, travaillant sur ces documents, a découvert une lettre datée du 14 décembre 1942 dans laquelle le jésuite allemand anti-nazi Lothar Konig aurait informé le secrétaire de Pacelli de l’existence d’un crématorium nazi à Belzec et aurait également mentionné le camp d’Auschwitz. Cette découverte a été présentée comme une confirmation du silence de Pie XII sur la plus grande tragédie du XXe siècle.

Le précédent

La note de l’ambassade d’Israël au Saint-Siège après les attentats du Hamas a ramené les relations israélo-vaticanes à un niveau de tension inégalé depuis longtemps.

Il existe un précédent notable et il s’agit toujours de la figure de Pie XII. À plusieurs reprises, le cardinal José Saraiva Martins a évoqué l’opposition de l’ambassade israélienne au Saint-Siège à la cause de béatification de Pie XII, dont il aurait été le témoin en tant que préfet de la Congrégation pour les causes des saints. Une opposition rendue explicite par l’ambassadeur de l’époque lorsque l’indiscrétion d’une béatification imminente du dernier pape romain a circulé dans un magazine d’information ecclésial. L’ouverture ultérieure des archives du Vatican sur le pontificat pacellien et la découverte de Coco semblent avoir ajouté des éléments pour renforcer cette opposition.

La démarche de Parolin

La protestation formelle de l’ambassade sur la note du Patriarcat latin de Jérusalem a convaincu la Secrétairerie d’État d’adopter une position plus claire sur ce qui se passe en Terre Sainte.

Dans son interview à l’Osservatore Romano, le cardinal Parolin a mentionné le groupe terroriste responsable des atrocités du 7 octobre : « L’attentat terroriste perpétré par le Hamas (…) est inhumain », a déclaré le cardinal vénitien. Le cardinal Parolin a ensuite exprimé « l’inquiétude » du Saint-Siège pour les Israéliens enlevés et retenus en otage à Gaza.

La position officielle sur la question israélo-palestinienne reste celle des « deux États », mais Parolin a reconnu la « légitime défense » d’Israël, précisant toutefois que dans son exercice, il serait « juste » qu’elle « ne mette pas en danger les civils palestiniens à Gaza ».

Outre l’entretien, une visite à l’ambassadeur Raphael Schutz a également eu lieu.

La ligne directe entre la Secrétairerie d’Etat et Israël était déjà chaude avant les attentats du 7 octobre : la nécessité de clarifier certains épisodes d’intolérance contre des croyants chrétiens en Terre Sainte de la part de quelques extrémistes religieux avait conduit à un appel téléphonique entre le ministre israélien des Affaires étrangères Eli Cohen et Mgr Paul Richard Gallagher, Secrétaire pour les Relations avec les Etats et les Organisations Internationales.

Lors de cet appel téléphonique, qui a eu lieu la veille même des attentats, le ministre Cohen a condamné les incidents contre les chrétiens et a réitéré la volonté d’Israël de défendre la liberté de religion et la liberté de culte.

Mgr Gallagher est d’ailleurs attendu en Israël le mois prochain pour une visite officielle qui devrait être centrée sur la crise actuelle.

Entre-temps, de son propre chef et avant le Saint-Siège, le cardinal Sean Patrick O’Malley, archevêque de Boston, a publié une déclaration très claire condamnant les actions criminelles du Hamas, blâmant toute ambiguïté ou incertitude:

« Cet acte d’agression exige une condamnation claire en termes humains, moraux et juridiques. Tant l’objectif de l’attaque que ses méthodes barbares n’ont aucune justification morale ou juridique. Il n’y a pas de place pour l’ambiguïté morale sur cette question ».

Une position saluée par l’ambassade d’Israël auprès du Saint-Siège.

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