Ce passionnant entretien, riche de réflexions mais aussi d’anecdotes venant d’un témoin direct, complète celui que le cardinal avait accordé à Edward Pentin (Le synode du cardinal Müller). L’impression d’ensemble est une atmosphère aux antipodes de celle évoquée par le jésuite militant LGBT (cf. Le Synode joyeux du père Martin, sj)
Le Synode: un pas vers la protestantisation
https://lanuovabq.it/it/mueller-il-sinodo-un-passo-verso-la-protestantizzazione
Avec l’entrée des laïcs dans le Synode des évêques, la structure hiérarchique de l’Église est attaquée et le sacerdoce ministériel est détruit sous le prétexte du cléricalisme. Et pendant ce temps, l’agenda LGBT progresse… Le cardinal Müller, préfet émérite de la Congrégation pour la doctrine de la foi, parle à la NBQ
« Les critères de l’ecclésiologie catholique ont été perdus, (…) on ne le dit pas ouvertement mais le chemin emprunté est celui de la protestantisation ».
L’évaluation que fait le cardinal Gerard L. Müller du Synode sur la synodalité qui vient de s’achever est décidément préoccupante. Nous rencontrons le Préfet émérite de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi en marge du Rome Life Forum, un événement de deux jours organisé par LifeSiteNews, où il est intervenu. Et depuis la scène, le cardinal Müller a encore averti qu’il est purement illusoire de penser à « moderniser la vérité de l’Évangile à l’aide de philosophies relativistes ou d’anthropologies idéologiquement corrompues ». Il suffit de regarder les entités locales où cette théologie progressiste prévaut : séminaires vides, disparition de la vie monastique, abandon des fidèles. Par exemple, en Allemagne, 13 millions de catholiques ont été perdus en 50 ans, passant de 33 millions en 1968 à 20 millions en 2023″.
Et il répète :
« Avec ce Synode, ils ont voulu changer la structure hiérarchique de l’Église, ils prennent l’Église anglicane ou protestante comme modèle, mais ce que nous voyons, c’est que la synodalité détruit la collégialité ».
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Éminence, qu’entendez-vous par changer la structure de l’Église ?
Simplement que quand le Pape a appelé les laïcs, il a changé la nature du Synode qui, au contraire, est né comme l’expression de la collégialité de tous les évêques avec le Pape. Ce n’est pas seulement le pape qui gouverne l’Église, comme le voudraient aujourd’hui certains adulateurs du pape François, mais aussi les évêques locaux qui ont la responsabilité de toute l’Église. C’est pourquoi Paul VI, en mettant en œuvre le Concile Vatican II, a établi le Synode.
Cela pourrait sembler une simple réforme visant à renforcer le rôle des laïcs….
… En réalité, elle ne tient pas compte du sacrement de l’ordre, qui n’est pas une simple fonction de service, mais une institution directe et spéciale de Jésus-Christ. C’est lui qui a constitué l’Église avec sa hiérarchie. Faire appel au sacerdoce universel, de tous les croyants, dans ce cas, est une manière de nier cette structure voulue par le Christ. Tous les croyants ont reçu l’Esprit Saint, mais les évêques ont reçu la consécration pour gouverner et sanctifier l’Église. Si l’on veut parler aux laïcs, il y a d’autres instruments, par exemple la Commission théologique internationale. Vous pouvez aussi créer d’autres institutions ad hoc, sans problème, mais le synode a une nature différente et le pape ne peut pas changer la structure sacramentelle de l’Église. On ne peut pas donner l’autorité épiscopale à quelqu’un qui n’est pas évêque.
Est-ce la raison pour laquelle vous avez également critiqué la disposition selon laquelle les évêques ne doivent pas porter la soutane filetée pendant les travaux du Synode ?
La question de l’habit peut sembler un détail insignifiant, mais elle renvoie à la position que j’ai évoquée précédemment. Le confort n’est pas un critère : quand je vais à un mariage, je ne m’habille pas comme à la plage, ce serait plus confortable mais pas adapté à la circonstance. Un synode, comme un concile, est une liturgie, un culte rendu à Dieu, et non une assemblée quelconque. Ainsi, même la tenue vestimentaire indique ce que le synode est devenu, un déluge de bavardages.
D’ailleurs, puisque le thème était la synodalité, de quoi a-t-on discuté ?
En fait, après toutes ces discussions, personne ne sait ce qu’est la synodalité. On a parlé de beaucoup de choses, aux tables il y avait les « facilitateurs » qui donnaient les thèmes au jour le jour en posant des questions, mais le débat était aussi très figé, le temps d’intervention limité (trois minutes) et tout était enregistré. Chaque participant avait un moniteur devant lui et chaque intervention était enregistrée, y compris en vidéo. Et puis ce « nous devons nous écouter les uns les autres » permanent, personne ne voulait jouer le rôle du « fauteur de troubles », bref, il y a eu un processus de mise au pas. Et aussi pour la plénière, beaucoup d’évêques ont été déçus, ils se sont plaints du faible niveau des interventions ; et puis on ne peut pas traiter des questions théologiques avec des émotions.
Pouvez-vous donner un exemple ?
Un témoignage arrive, une femme parle d’un proche qui s’est suicidé parce qu’il était bisexuel, et elle dit que le curé l’a condamnée à cause de sa bisexualité. Et tout de suite après vient l’autre intervention : ici, c’est la preuve que l’Église doit changer de doctrine. Bref, c’est finalement la faute de la doctrine de l’Église, c’est-à-dire de Dieu qui a créé l’homme et la femme. Comment faire face à de telles questions ? Or les LGBT se posent en véritables interprètes de la Parole de Dieu, mais ils véhiculent une anthropologie perverse et fausse : ils ne s’intéressent pas à l’individu, à son salut, mais instrumentalisent des personnes à problèmes pour affirmer leur idéologie. Ils veulent détruire la famille et le mariage
À cet égard, vous avez déjà déclaré qu’en fin de compte, ce synode ne voulait que promouvoir l’agenda LGBT et le diaconat féminin. Qu’est-ce qui vous a donné cette impression ?
Parce qu’on a beaucoup parlé de cela et très peu des thèmes essentiels de la foi, c’est-à-dire l’incarnation, le salut, la rédemption, la justification, le péché, la grâce, la nature humaine, le but ultime de l’homme, la dimension trinitaire et eucharistique de l’Église, les vocations, l’éducation. Tels sont les vrais défis, tout comme la propagation de la grande violence, de ceux qui la justifient au nom de Dieu, comme les fondamentalistes musulmans. De tout cela, rien, à la place, plein de discours sur l’homosexualité, et tous à sens unique.
D’ailleurs, il suffit de regarder les invités…
Exactement. Pourquoi n’a-t-on pas invité des personnes qui étaient homosexuelles pratiquantes et qui ont redécouvert leur hétérosexualité, et qui ont écrit des livres sur leur expérience, comme Daniel Mattson, par exemple (auteur de Why I Don’t Call Myself Gay) ? Il y avait le père James Martin, il n’était là que pour faire de la propagande. Il n’a jamais parlé de grâce et de salut pour ces personnes, seulement que « l’Église doit accepter, l’Église doit…, doit…., doit…. ». Mais comment l’Épouse du Christ peut-elle être l’objet de nos invectives ? Ce n’est pas l’Église qui doit changer, c’est nous qui devons nous convertir.
Le fait qu’au cours du synode, le pape François ait reçu et encensé Sœur Jeannine Gramick, fondatrice d’un mouvement LGBT « catholique » aux États-Unis, condamnée à l’époque par Jean-Paul II et Benoît XVI, a aussi fait grand bruit.
Le cardinal Hollerich (rapporteur général du synode) a dit que l’homosexualité n’était pas le thème du synode, mais on en a parlé et on a même fait des gestes évidents, comme celui-ci. Et le Pape se montre toujours avec ces gens-là. La justification est pastorale, mais est-ce que cela promeut le soin pastoral pour ces personnes ou est-ce que cela accepte cette condition comme une expression légitime de la nature humaine et de la foi chrétienne ? La question reste ouverte, mais il est clair qu’une certaine interprétation est privilégiée.
En ce qui concerne la sexualité, le Synode a-t-il abordé la question des abus ? Y a-t-il eu des échos du scandale Rupnik ?
Personne n’a eu le courage d’aborder réellement cette question, elle a juste servi de prétexte pour attaquer le clergé. Tout est de la faute du cléricalisme, mais en fin de compte, c’est la faute de Jésus-Christ qui a institué l’apostolat. Le clergé est l’ensemble des évêques, des prêtres et des diacres. Ce n’est pas leur existence qui est la cause des abus, mais le fait que des personnes individuelles ne respectent pas le sixième commandement. Mais cela n’est pas dit, le péché contre le sixième commandement n’est jamais mentionné, d’autres excuses sont trouvées. Comme pour la bénédiction des couples homosexuels : on dit qu’il faut éviter la confusion avec le sacrement du mariage. Mais ce n’est pas le sujet. Le thème est que les actes homosexuels et extraconjugaux sont un péché mortel et ne peuvent donc pas être bénis. Cela n’a rien à voir avec la confusion, ils essaient toujours de détourner l’attention.
Vous pensez donc que l’accusation de cléricalisme est un prétexte pour viser les prêtres en tant que tels ?
C’est dans les faits, au Synode aussi, on a dit du mal des prêtres et même le Pape l’a fait. S’il y a quelques bonnes paroles dans le document final, c’est le travail des rédacteurs car beaucoup se sont plaints. Mais le ton général du Synode était très négatif. Il y a une caricature du sacerdoce catholique, comme s’il s’agissait d’une caste qui s’oppose aux laïcs.
En réalité, nous sommes une seule communion, mais avec une spécificité car tout le monde n’a pas reçu cette potestas sacra. C’est là la différence avec le protestantisme, eux nient cette différence essentielle avec le sacerdoce universel des fidèles, Luther dit que le sacrement de l’ordre n’existe pas, que c’est un instrument du diable. Il n’est pas possible de transiger sur ce point. Et au contraire, dans l’Église, on tente de minimiser le sacerdoce ministériel, en parlant toujours négativement des prêtres : des abuseurs, qui soumettent les femmes, qui fustigent les pécheurs dans le confessionnal, toujours négativement. Pauvres prêtres d’aujourd’hui, attaqués de toutes parts, on dirait que les vocations dérangent. Où est la pastorale des vocations ? C’est Jésus qui appelle, pas le pape ; les prêtres appartiennent à Jésus, pas au pape. Et cet exemple a aussi des répercussions sur de nombreux évêques qui en tirent des leçons et qui, dans leurs diocèses, prennent des mesures contre les prêtres.
Bref, du déroulement du Synode jusqu’à la façon de parler des prêtres, il semble que l’idéal vers lequel ils veulent se diriger est le protestantisme.
Ils ne s’expriment pas ainsi, mais en fin de compte, on en arrive à cela.
Mots Clés : Synode-synodalité