Si le synode a eu une utilité quelconque, c’est de permettre aux cardinaux participants (en réalité un panel très monochrome, si l’on excepte le cardinal Müller) de se connaître dans la perspective du futur conclave. Ceci donne au Wanderer l’occasion de se livrer au jeu des pronostics, même s’il s’en défend. Plus précisément, il essaie d’identifier ceux qui seraient « les moins pires » pour le monde de la tradition, dont lui-même se réclame.

Apprendre à se connaître. Le synode comme pré-conclave

Cardinaux (1928)
Huile sur toile
Stephen Robert Koekkoek [1887-1934, peintre anglais d’origine néerlandaise très populaire en Argentine]
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C’est l’illustration (très belle) choisie par le Wanderer pour son article

caminante-wanderer.blogspot.com/2023/11

La première partie du synode est terminée. Dans l’inconséquence la plus absolue, comme prévu. Personne n’y a prêté attention, ni dans l’Église ni dans le monde. Ce fut un mois où l’on a parlé sans fin, où l’on a expérimenté les surprises de l’esprit – qui sait lequel – et où l’on a modelé de petits animaux en pâte à modeler. De l’onanisme à l’état pur. Comme l’a dit Aldo Maria Valli, le pontificat de François est en train de mourir et d’entraîner toute l’Église dans sa chute [cf. Place Saint-Pierre à moitié vide, basilique dégradée: telle est « l’Eglise de François »]. C’était prévu, cela devait arriver et nous l’avons annoncé dans ce blog dès le premier jour de ce pontificat.

Le synode a eu un effet positif, bien que secondaire: il a servi de consistoire pré-conclave, les cardinaux participants commençant à se rencontrer.

Jusqu’à présent, le synode n’a servi qu’à gaspiller le temps de centaines de pères et de mères synodaux, ainsi que d’énormes sommes de l’argent versé par les fidèles à l’Église. Il n’a même pas aidé les modernistes : Mgr Overbeck, évêque d’Essen et partisan des réformes les plus radicales, se dit déçu, tout comme le père James Martin. Les naïfs pensent encore que François paiera toutes les factures qu’il a signées lorsqu’on lui a offert l’élection. Les conservateurs, quant à eux, ne sont pas enthousiastes car, même si aucune hérésie ne sort encore de l’assemblée, rien de bon n’en sortira non plus. Ce sera, comme tout ce qui s’est passé au cours des dix dernières années, une excuse de plus pour poursuivre le pontificat stérile et néfaste de Bergoglio avec l’apparence de la vie.

Toutefois, le synode a eu un effet positif, bien que secondaire : il a servi de consistoire pré-conclave, les cardinaux participants commençant à se rencontrer.
Comme des quadrupèdes, ils se sont reniflés pour se reconnaître, savoir qui est qui et imaginer le nom qu’ils devront écrire un jour sur le bulletin de vote, ce qui ne saurait tarder. Et cette méconnaissance pourpre se produit parce que le pape François a internationalisé à l’extrême le Sacré Collège : il est impossible de se connaître. Je dois dire que je ne pense pas que cette internationalisation soit une mauvaise chose. Un Collège des cardinaux eurocentrique avec une écrasante majorité d’Italiens a donné naissance à Jean XXIII et Paul VI, les grands responsables de la catastrophe que nous vivons. D’un autre côté, des phénomènes intéressants peuvent être observés lors d’une visite à Rome. Par exemple, la piété dont font preuve les fidèles africains ou asiatiques – d’Extrême-Orient ou d’Inde – pendant la Sainte Messe ou pendant les visites des basiliques et des églises est tout à fait remarquable, une piété dont très peu d’Occidentaux et de chrétiens, aussi opusdéistes, kikos ou catholiques charismatiques qu’ils soient, sont capables de faire preuve. Par ailleurs, les religieuses africaines ou asiatiques portent généralement un habit ; les religieuses occidentales, en plus d’être âgées, s’habillent en civil, même si elles sont perçues comme des religieuses à distance. Il est vrai qu’il se passe beaucoup de choses partout et que chaque pays a son Tucho, mais je pense qu’il est faux de penser que parce que de nombreux cardinaux vivent au-delà des frontières du Danube, les choses sont pires que s’ils vivaient du côté de la civilisation.

Iacopo Scaramuzzi a écrit un article dans La Republicca dans lequel il classe les cardinaux en cinq groupes. Prenons quelques exemples :

  1. Les bergogliens de fer : Mario Grech, Francis Prevost, Luis Tagle, Victor Fernandez, Jean-Claude Hollerich, José Tolentino de Mendoça, Robert McEllroy.
  2. Les conservateurs : Peter Erdö, Malcom Ranjith, Robert Sarah, Gerhard Müller, Raymond Burke, Willem Eijk, Anders Arbolerius, Timothy Dolan.
  3. L’axe méditerranéen : Mateo Zuppi, Jean-Marc Aveline, Juan Omella, José Cobo, Antonio dos Santos.
  4. L’axe institutionnel : Pietro Parolin, Marc Ouellet, Claudio Gugerotti, Arthur Roche, Kevin Farrell.
  5. Les outsiders : Fridolin Mobongo, Gerald Lacroix, Cristóbal López Romero, et tant d’autres venus de pays lointains.

Il faut garder à l’esprit que ce n’est pas parce qu’un cardinal a été créé par Bergoglio qu’il est bergoglien. . Et, en tout état de cause, il peut être bergoglien jusqu’au moment où le cadavre pontifical sera laissé à l’abandon, et cessera alors d’être bergoglien.

Personne ne sait qui sera élu pape lors du prochain conclave, mais chacun peut faire ses prédictions ou ses analyses.

À mon avis, les groupes qui ont peu de chances d’être élus sont les conservateurs, pour des raisons assez évidentes, et les bergogliens, pour des raisons évidentes également : l’Église ne supporterait pas un autre pontificat avec ce niveau de confusion énorme et, normalement, au cours des derniers siècles, des pontifes du signe plus ou moins opposé au précédent ont toujours été élus. Par exemple, un libéral – Pie IX – a été élu pour succéder à un conservateur comme Grégoire XVI, bien qu’en fin de compte le lapin soit devenu le lièvre ; Pie IX a été remplacé par Léon XIII, aux sympathies libérales, qui a été suivi par saint Pie X, ultra illibéral, puis par Benoît XV, plutôt à gauche. Paul VI a été suivi par Jean-Paul I et II, tous deux de droite.

Cette théorie semble donc indiquer qu’il faut élire un modéré. Et des modérés, il y en a dans les trois autres groupes : Parolin l’est, Aveline l’est, et des dizaines d’outsiders inconnus le seront.

Qu’avons-nous à y gagner ? Et par nous, j’entends les traditionalistes, ceux d’entre nous qui croient fermement que sans la restauration de la liturgie, il ne pourra jamais y avoir de restauration de la foi, car c’est la liturgie qui exprime la foi.

Il est évident que nous aurions intérêt à ce qu’un cardinal conservateur soit élu. Dans cette situation, il ne me semble pas que Burke ou Sarah, ceux qui sont les plus proches de nous, aient une chance. Je ne pense pas non plus que le cardinal Müller en ait, car il a été trop frontal et aura un bon bataillon d’ennemis prêts à en découdre, principalement ses frères allemands, qui ne permettront pas un nouveau Ratzinger. Toutefois, ce pourrait être l’un des autres conservateurs, mais je me demande quelle sera leur marge de manœuvre et leur capacité de gestion. Ce sont tous des étrangers à la Curie et nous savons qu’il s’y niche un serpent qu’aucun pape n’a pu décapiter.

Il serait catastrophique pour nos intérêts qu’un cardinal issu de l’axe institutionnel soit élu. Bien qu’ils aient tendance à être conservateurs de l’institution – rappelez-vous que c’est le cardinal Re qui a empêché François de nommer un évêque allemand hérétique comme préfet de la doctrine de la foi [je sais, il a fini par nommer l’incompétent Tucho] – ils sont profondément opposés à la liturgie traditionnelle. Nous savons qui est Roche, et nous savons aussi que ce sont Parolin et Ouellet qui ont été les plus ardents défenseurs de Traditiones custodes. Nous serions morts si le nouveau pape était un curial.

À mon avis, le prochain pape devrait provenir de l’axe méditerranéen. Il pourrait s’agir, par exemple, du cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, extrémiste du centre et étoile montante de l’épiscopat français

Je ne pense pas non plus qu’il soit probable qu’un outsider soit élu. Tout d’abord, parce qu’il en est un [outsider]. Ils ne sont pas connus et, en général, ce sont des personnalités comme celles que préfère Bergoglio : opaques et médiocres. Et surtout, je crois que les membres du Sacré Collège se méfieront beaucoup de l’élection d’un outsider, parce que « celui qui a été brûlé avec du lait voit une vache et pleure ». Après la surprise qu’a été l’humble cardinal venu du bout du monde, tout le monde cherchera à éviter les surprises, quel que soit le coin du globe d’où elles viennent.

À mon avis, le prochain pape devrait donc provenir de l’axe méditerranéen. Il pourrait s’agir, par exemple, du cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, extrémiste du centre et étoile montante de l’épiscopat français, ou de n’importe quel autre cardinal issu de pays européens à majorité traditionnellement catholique… Qui sait ? Il ne sert à rien de faire des pronostics. En revanche, nous pouvons décider qui nous conviendrait sur la base de l’analyse précédente. C’est-à-dire, en excluant tous ceux qui, à mon avis, doivent nécessairement être exclus, qui serait le meilleur pour le monde traditionnel ?

Je n’ai aucun doute : le cardinal Matteo Zuppi. Et ce pour une raison très simple : c’est un libéral cohérent. La plupart des autres cardinaux sont libéraux de gauche, mais jamais de droite. Il en va de même pour les défenseurs des droits de l’homme : seuls les progressistes et les gauchistes peuvent l’être. Ceux de droite ne peuvent être que des persécuteurs. Ce n’est pas le cas du cardinal Zuppi, qui s’est montré libéral des deux côtés. Bien sûr, il n’est pas idéal et ne serait pas le meilleur pape. Qui sait quelles surprises il nous réserverait, mais il nous laisserait tranquilles. Toute autre personne éligible apporterait également des surprises et, en même temps, nous persécuterait.

Zuppi, alors qu’il était évêque auxiliaire de Rome, a célébré publiquement la messe traditionnelle pendant plusieurs mois et a pris soin de défendre publiquement et en privé les prêtres et les fidèles traditionalistes à plusieurs reprises – et je le sais de source sûre – au plus haut niveau. L’année dernière, il a célébré les vêpres solennelles au Panthéon de Rome, lançant le pèlerinage annuel Ad Petri Sedem, et a poursuivi sa politique de défense et de protection de la tradition liturgique. Je ne serais pas du tout surpris que, s’il était souverain pontife, il célèbre lui-même une messe papale traditionnelle. Par ailleurs, il ne serait pas surprenant qu’une semaine plus tard, il donne sa bénédiction à un couple d’amoureux du même sexe.

J’insiste sur le fait que je ne dis pas qu’il ferait un bon pape, ni qu’il finirait probablement par transformer l’Église en un centre commercial ouvert de Miami où chacun peut trouver ce qu’il cherche. Mais toute autre option serait assez similaire. Il s’agit donc d’adopter une solution pragmatique : si ce qui vient est forcément mauvais, que ce soit au moins le moins mauvais pour nous afin que nous puissions mener à bien la tâche qui nous est confiée : préserver le trésor de la liturgie et, par conséquent, de la foi expectantes beatam spem et adventum Salvatoris nostri Iesu Christi [« en attendant la bienheureuse espérance, et la manifestation de la gloire de notre Sauveur Jésus-Christ »]

Le cardinal Zuppi a, en outre, un atout qu’un jeune ami enthousiaste m’a fait remarquer : il est né et a grandi à Rome. C’est un Romain, et saint Malachie aurait quelque chose à dire à ce sujet.

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