Je lis sur le blog italien de Sabino Piaciolla un très intéressant commentaire d’une lectrice manifestement cultivée et attentive. Elle réagit à la traduction publiée sur ce même blog d’un article écrit par Edward Pentin sur la réception de Fiducia Supplicans par les différents épiscopats et ecclésiastiques « autorisés » à travers le monde. Cette lectrice déplore que l’impression qui se dégage de l’article (et pas seulement de celui-là), c’est que « le pape François est mal interprété et que les scandales découlent donc de mauvaises interprétations« , et non pas du contenu intrinsèque et évident du document . Ce qui contribuerait à « générer encore plus de confusion, en voulant défendre à tout prix ce qui est indéfendable et en donnant raison à ceux qui ont tort ».

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A la source (certes pas unique) du problème, le passage d’une langue à une autre, autrement dit, en gros, la traduction (mais ce n’est pas aussi simple). Deux problèmes principaux apparaissent, souvent associés:

  1. Certaines langues possèdent des nuances que d’autres n’ont pas (c’est en substance le cas qui est décrit ici): on n’est donc pas sûrs de ce que l’auteur a voulu dire.
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  2. L’utilisation généralisée des traducteurs automatiques, qui donnent en général de bons résultats du point de vue de la syntaxe, et qui indiquent le sens général, mais ne sont pas exempts de faux-sens, et sont totalement inefficaces lorsqu’ils rencontrent des expressions idiomatiques, des mots rares ou « techniques », des jeux de mots ou des références culturelles propres à un pays. Comme les blogs qui les relaient se copient plus ou moins, qu’ils ne peuvent pas maîtriser toutes les langues (voire n’en maîtrisent aucune), les erreurs se multiplient en s’enchaînant, c’est mathématique; et il s’ensuit parfois de la confusion ajoutée à la confusion. D’où la nécessité d’une relecture minutieuse, éventuellement d’une recherche pour croiser les sources, surtout lorsqu’on se trouve face à une phrase attribuée à un protagoniste important, cardinal ou même pape, qui n’a pas de sens dans le contexte de l’article (mais ceci est une autre histoire).

Voici les articles en cause:


Il y a encore des théologiens convaincus que le pape François est mal interprété et que les scandales découlent donc de mauvaises interprétations.

Je fais référence à l’article repris sur votre blog et écrit par Edward Pentin dans le National Catholic Register : « Un mois de ‘Fiducia Supplicans’ : l’opposition ne montre aucun signe d’affaiblissement ».

Il est possible que la traduction de l’anglais ait créé un malentendu. Je me permets donc avec prudence de faire deux observations sur deux points objets de l’article.

1ère observation : Je lis que Son Eminence le cardinal Fridolin Ambongo aurait déclaré que le langage utilisé dans Fiducia Supplicans (FS) « est trop subtil pour être compris par les gens simples ». Mais puisque les prêtres sont les destinataires du document, devons-nous supposer que le cardinal n’aime pas ses confrères au point de ne pas les considérer comme capables de comprendre ? D’ailleurs, faut-il entendre par là que l’Église génère un document qui ne peut pas être compris par tout le monde ? Faut-il être un prêtre diplômé en théologie de la Grégorienne ou un fidèle à la culture sophistiquée ou complexe pour le comprendre ? FS ne soulèverait donc pas de problème avec le contenu, mais seulement avec le langage utilisé ? Ou bien est-ce seulement le langage utilisé parle cardinal Ambongo qui est « trop subtil » pour être compris par les catholiques, les évêques, les prêtres et les simples fidèles ?

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2ème observation : le père Roberty Gahl, de l’Opus Dei, cité dans l’article, et qui lui n’est pas vraiment ‘simple’ (dans le sens utilisé par le cardinal Ambongo) étant un spécialiste en philosophie morale qui enseigne à la Bush School of Business de l’Université Catholique d’Amérique, a exprimé l’espoir que d’autres évêques suivent le cardinal Ambongo et fassent comprendre que Fiducia Supplicans et le pape François maintiennent [mantegono dans la traduction en italien de Sabino Piaciolla, ndt] l’enseignement fidèle de l’Église et évitent tout scandale découlant d’interprétations erronées [dans le texte original en anglais; « expressed hope that more bishops would follow Cardinal Ambongo’s example and clarify that Fiducia Supplicans and Pope Francis maintain the faithful teaching of the Church”- ndt] . Je me suis demandé si Pentin avait voulu écrire « mantegano » [troisième personne du pluriel du subjonctif présent de mantenere, « maintenir – ndt] ou « mantegono » [troisième personne du pluriel de l’indicatif présent du même verbe – ndt]. Car la signification est opposée. Si c’est « mantegano », c’est une exhortation correcte, si c’est « maintegono », je dirais que cela ne correspond pas à la vérité [le français – et l’anglais – ne permettent pas la distinction, ndt].

Je constate encore une fois qu’il y a toujours des théologiens qui veulent prétendre que le pape François est mal interprété et donc que les scandales découlent de mauvaises interprétations. Ils ne découlent donc pas du contenu intrinsèque et évident du document, qui n’est nullement ‘subtil’ et donc incompréhensible pour les simples….

Je crains vraiment que ce soit la ‘peur’ qui soit le sentiment qui pousse les théologiens (aux intentions sûrement vertueuses) à générer encore plus de confusion, en voulant défendre à tout prix ce qui est indéfendable et en donnant raison à ceux qui ont tort.

Ce sont les considérations et le langage utilisés par le cardinal Muller et le cardinal Sarah, qui sont le plus correctes y compris pour le courage dont ils font preuve [ndt: le cardinal Gerhard Müller, l’a qualifié de « sacrilège et blasphématoire », « auto-contradictoire » et « nécessitant une clarification ». Le cardinal Robert Sarah, a déclaré que cette déclaration était « une hérésie qui porte gravement atteinte à l’Église, le corps du Christ, parce qu’elle est contraire à la foi et à la tradition catholiques. »] .

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