Le dicastère pour la Doctrine de la foi a publié samedi 3 février une note intitulée Gestis verbisque (« Gestes et paroles », ou quelque chose de ce genre) « sur le discernement de la validité des sacrements ». De nombreux exégètes improvisés se penchent aujourd’hui sur un document technique qui en d’autres temps aurait intéressé seulement un public de spécialistes -, occupant une simple ligne dans la liste des documents (pas si fournie) de la CDF. Il semble évident qu’ici, Tucho cherche à jeter de la fumée dans les yeux des catholiques, en leur disant « vous voyez bien que nous sommes attachés aux formes et à la tradition ». Une manœuvre grossière, qui ne peut tromper que les naïfs, et que l’érudit Wanderer démasque avec humour et brio

L’inquiétant indietrisme du cardinal Tucho Fernandez

caminante-wanderer.blogspot.com
5 février 2024

Samedi dernier, Tucho, préfet de la doctrine de la foi, a publié un nouveau document, et cette fois, la nouveauté doctrinale qu’il annonce est que, dans l’administration des sacrements, le prêtre doit respecter les formules établies par l’Église, sinon il risque de rendre ces sacrements invalides.

Le monde catholique a été stupéfait par l’acuité théologique d’une telle déclaration et les secteurs néo-conservateurs respirent à l’aise : le Saint-Siège peut avoir quelques divagations inquiétantes en ce qui concerne les nouvelles bénédictions pastorales aux couples irréguliers, mais il est également capable d’émettre des documents qui clarifient la doctrine pérenne comme Gestis verbisque. L’Église reste entre de bonnes mains. Una de cal y otra de arena. [il y a à boire et à manger ?]

Son Éminence, cependant, ne peut s’empêcher de se mettre en avant et a donc ajouté au document une introduction, écrite de sa propre médiocre écriture. Il y écrit des paragraphes tels que le suivant, qui fait l’envie de la chancellerie pontificale de Benoît XIV à ce jour :

« Nous, ministres, devons donc surmonter la tentation de nous sentir maîtres de l’Église. Au contraire, nous devons être très réceptifs au don qui nous est présenté : non seulement le don de la vie ou de la grâce, mais aussi les trésors des sacrements qui nous sont confiés par notre mère l’Église. Ils ne nous appartiennent pas ! ».

Marcus Tullius [Cicéron] n’aurait pas pu mieux dire.

Au passage, et afin d’éviter des malentendus embarrassants qui dénatureraient l’esprit ouvert et flexible de ce pontificat, le cardinal Víctor Fernández termine son introduction en précisant que :

« La note que nous présentons ici ne traite donc pas d’une question purement technique ou même « rigoriste » « .

Ce qui manquait, c’est qu’ils viennent vers nous avec des détails techniques et des règles de rigueur, nous ordonnant comment prononcer tel ou tel mot.

Toute ironie mise à part , seule façon de traiter parfois ces personnages minimaux, il est curieux que ce soit précisément dans la papauté de François, qui s’est préoccupé ces dernières années de mettre en garde contre les indiétristes – ces malfaisants qui ne rentrent pas dans la catégorie des « todos, todos, todos » qui ont assuré leur place dans l’Église -, que soit publiée une note révélatrice d’un indiétrisme inconcevable.

Voyons cela : vers le milieu du VIIIème siècle, un moine nommé Fergal, latinisé sous le nom de Virgile, quitta l’Irlande avec l’intention de partir en pèlerinage vers les lieux saints, comme l’ont fait beaucoup de ses compatriotes. Mais il resta bloqué en chemin et fut nommé évêque de Salzbourg. Et alors qu’il était sur son siège, un conflit survint avec un autre moine et évêque irlandais, saint Boniface, le grand apôtre des peuples germaniques.

Il advint qu’un prêtre du diocèse de Saint Virgile – car Fergal est un saint -, en raison de son ignorance du latin, avait célébré des baptêmes en utilisant cette formule : « Baptizo te in nomine patria et filia et spiritu sancta ».

Saint Boniface considérait que ces fidèles devaient être baptisés à nouveau ; Virgile, quant à lui, affirmait que le baptême avait été valide. Et pour trancher la question, ils adressèrent ce dubium au pape de Rome, qui était alors Zacharie, un pontife qui prenait le temps de répondre aux dubia que lui adressaient ses évêques. Et il leur envoya la brève note suivante, bien qu’elle ne soit précédée d’aucune introduction :

Zacharie, serviteur des serviteurs de Dieu, à son très révérend et saint frère et évêque, Boniface.
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Nous avons appris par Virgile et Sedonius, hommes de vie religieuse en Bavière, que vous leur avez ordonné de conférer une seconde fois le baptême à certains chrétiens. Ce rapport nous a causé une certaine inquiétude et, si les faits sont avérés, nous a beaucoup surpris.

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On nous a dit qu’il y avait dans cette province un certain prêtre qui ne savait pas le latin, et que dans la cérémonie du baptême, par ignorance de la grammaire latine, il avait commis l’erreur de dire :  » Baptizo te in nomine patria. et filia et spiritus Sancti « , et que pour cette raison, vous aviez considéré qu’un second baptême était nécessaire.
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Cependant, très révérend frère, si le ministre n’avait pas l’intention d’affirmer une erreur ou une hérésie, mais que par ignorance il a simplement fait un lapsus en latin, nous ne pouvons pas être d’accord avec une répétition du rite baptismal. Car, comme vous le savez bien, même une personne qui a été baptisée par un hérétique au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, n’a pas besoin d’être baptisée à nouveau, mais est simplement exemptée par l’imposition des mains.
Si donc le cas est vraiment tel que le rapport le présente, vous ne devez plus donner d’instructions en ce sens. Vous devez vous efforcer de vous conformer à l’enseignement et à la prédication des Pères de l’Église (Épître VII du pape Zacharie).

Comme les choses doivent aller mal dans l’Église pour que, près de 1300 ans après cet incident, et après le grand événement du Concile Vatican II qui a amené tout le peuple de Dieu à maturité, il soit nécessaire de revenir sur le sujet !

L’indietrisme dans sa forme la plus pure.

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