Les évêques (jusqu’au plus haut sommet, suivez mon regard), dans leur grande majorité, n’ont plus vraiment la foi, et c’est une grande partie de l’explication de la crise qui ébranle l’Eglise, au moins depuis Vatican II. L’analyse du Wanderer est, comme d’habitude, impeccable.

Nos pasteurs placent l’essence du christianisme dans son contenu moral, qui s’identifie aux exigences de la raison, dans une sorte d’humanisme noble et élevé. Ils pensent ainsi que tout ce qui est historique, ecclésiastique, confessionnel et liturgique dans le christianisme n’est qu’une affaire extérieure et tombe avec le progrès de la civilisation. C’est la raison pour laquelle ils professent ce nouvel œcuménisme qui ne consiste plus à vouloir convertir les autres à la foi catholique mais à savoir s’accepter et « marcher ensemble ».

La nouvelle foi des évêques

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26 février 2024

C’est devenu un lieu commun de dire que le problème qui affecte l’Église et qui l’a conduite à la crise incommensurable qu’elle traverse est le manque de foi. Cela explique tout, des abus sexuels au laisser-aller ou au déni des dogmes. Et l’on dit souvent, à juste titre, que même si dans les temps précédents, il y avait aussi de nombreux cas d’immoralité dans les rangs du clergé, haut ou bas, à l’époque, les prêtres avaient la foi et la conscience du péché. La question qui reste en suspens est de savoir comment il a été possible qu’à notre époque, une bonne partie de la hiérarchie et du clergé ait perdu la foi catholique et, pire encore, que ce soient ces mécréants qui soient aujourd’hui à la tête de l’Église.

Certains diront que c’est une exagération et un blasphème de dire que les évêques et le pape de Rome lui-même ont perdu la foi. Je crois, en revanche, qu’il s’agit d’une évidence.

Certes, aucun d’entre eux n’a publiquement abjuré la foi catholique, et la plupart d’entre eux sont probablement encore convaincus qu’ils conservent la foi des apôtres, même si peu nieront qu’ils adhèrent à une foi apostolique « adaptée aux temps », comme l’a prescrit le Concile Vatican II. En réalité, ils s’en tiennent à une foi déloyale et insipide, qui admet des contradictions et qui leur est très utile pour éviter les problèmes avec la science et avec l’homme contemporain avancé et mûr. La foi professée par la plus grande partie de l’Église catholique aujourd’hui est une foi amicalement mondaine, amie de tout et de tous ; c’est, en d’autres termes, la foi moderniste, pour utiliser l’étiquette inventée par saint Pie X pour frapper sur le front d’innombrables spécimens théologiques.

Mais mettons un instant entre parenthèses l’étiquette commode mais imprécise de moderniste, et essayons de disséquer la « foi » de la plupart de nos évêques.

Ils sont, comme tant d’autres, de lointains enfants des Lumières du XVIIIème siècle, d’un certain gnosticisme auquel seuls quelques initiés ont adhéré au départ et qui a été installé au centre de la théologie catholique par le Concile Vatican II. Et s’il fallait résumer et simplifier à l’extrême, je dirais que le cœur du problème est la négation de l’historicité de la Révélation, qui est le cœur de la foi apostolique.

Les apôtres et les évangélistes nous ont transmis une foi fondée sur un événement historique spécifique et déterminé : la naissance, la prédication, la mort et la résurrection de Jésus de Nazareth, le Verbe de Dieu fait chair, qui est né d’une femme spécifique – la Sainte Vierge Marie – et qui est né dans un lieu spécifique et à un moment spécifique de l’histoire. Par conséquent, la révélation peut être datée : elle se produit à l’époque de l’empereur Tibère, du procurateur Pilate, du roi Hérode et des pontificats d’Anne et de Caïphe. C’est pourquoi les évangélistes et les prophètes de l’Ancien Testament sont si préoccupés par les généalogies. Ce qui nous semble parfois n’être qu’une liste ennuyeuse de noms, est en fait une façon de nous dire que ce qui s’est passé, s’est passé dans l’histoire, de façon réelle, et ils nous en donnent les preuves. Ce qui importe, c’est la détermination du lieu historique de la Révélation, et c’est ce que l’hagiographe réalise avec les moyens dont il dispose. L’indication des dates ne nous permet pas de dire de la Révélation : « cela s’est passé partout et toujours », mais elle nous permet de dire : « cela s’est passé à telle époque et à tel endroit ».

Le christianisme propose donc non seulement une vérité sans erreur, mais se distingue fondamentalement des mythes, tout comme l’histoire se distingue des idées. Pour beaucoup de nos évêques, le christianisme, avec sa Révélation, n’est rien d’autre qu’un mythe, c’est-à-dire des vérités universelles incarnées dans un récit plus ou moins mythique. Ils ne voient dans le christianisme qu’une somme ou un système ou, si nous sommes généreux, une plénitude de vérités universellement valables, mais rejettent ou ne croient pas à son caractère historique. C’est ainsi que notre foi finit par n’être rien de plus qu’un mythe.

Saint Augustin avait prévu le danger de cette situation et a écrit :

« La chose la plus importante dans notre religion est l’histoire et la prophétie des dispositions temporelles que la Divine Providence a établies pour le salut du genre humain, lequel doit être réformé et renouvelé pour le salut éternel » [ndt: traduction incertaine].

(De vera religione 7, 13)

Oui, l’histoire est l’une des deux choses les plus importantes de notre religion.

Nos pasteurs néo-gnostiques placent l’essence du christianisme dans son contenu moral, qui s’identifie aux exigences de la raison, dans une sorte d’humanisme noble et élevé. Ils pensent ainsi que tout ce qui est historique, ecclésial, confessionnel et liturgique dans le christianisme n’est qu’une affaire extérieure et tombe avec le progrès de la civilisation. C’est la raison pour laquelle ils professent ce nouvel œcuménisme qui ne consiste plus à vouloir convertir les autres à la foi catholique mais à savoir s’accepter et « marcher ensemble ».

Au final, les vérités proclamées par le christianisme, par l’islam ou par les adorateurs de Pachamama sont les mêmes, juste habillées de mythes différents. Et c’est pourquoi le pape François rejette avec tant d’insistance le « prosélytisme » et s’insurge contre les conversions à notre foi en provenance d’autres religions ; ce sont des attitudes qui ne servent qu’à apporter des problèmes et qui nuisent à la dignité des autres religions, qui ont tout autant le droit d’exister que nous. Et c’est pourquoi les seuls qui n’ont pas leur place dans cette nouvelle foi, et les seuls qu’il faut combattre, sont ces fondamentalistes naïfs qui maintiennent encore la réalité historique de la Révélation et qui, par conséquent, refusent la nouvelle liturgie, qui est l’expression cultuelle de cette foi actualisée : un souper de frères et de sœurs auquel tous, tout le monde peut participer… et communier.

Certes, il y a dans le christianisme des vérités éternelles, immuables et universellement valables, mais ce ne sont pas des vérités accessibles à la simple raison mais fondées sur des faits historiques : elles sont valables parce qu’elles sont garanties par le Christ historique, et non parce que la raison humaine prétend qu’elles le sont. Les événements relatés dans les Écritures ne sont pas des superpositions catéchético-pédagogiques approximatives, à travers lesquelles le contenu supérieur et éternel de la vérité est rendu transparent. Ce sont au contraire les moyens par lesquels Dieu parle à l’homme et agit en lui.

Il suffit de parcourir les actes et les paroles du pape François tout au long de son pontificat, ainsi que les actes et les paroles de la plupart des évêques pour se rendre compte que la foi qu’ils enseignent n’est pas la foi que nos pères possédaient ; ce n’est pas la foi que nous avons reçue des apôtres et qui, à travers eux, les témoins de la vie du Seigneur, se transforme en  » foi tangible  » :

« Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, et que nos mains ont touché, concernant la Parole de vie (car la vie a été manifestée, et nous l’avons vue, et nous rendons témoignage, et nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père, et qui nous a été manifestée) ; ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons… ».

(I Jn. 1, 1-2)

Nos évêques, en revanche, nous proclament une autre foi.

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