L’Argentin « The Wanderer » a lu en détail la dernière biographie du Pape, en v.o., donc, et c’est encore pire que ce qu’on pouvait imaginer à la lecture des anticipations parues dans la presse italienne. C’est même carrément gênant, dans un langage populacier (je n’ai pas cherché à peaufiner la traduction!) dont le débraillé fait écho à celui de François Pathétique, misérable, les mots manquent. Et cet homme est le Pape?

Il s’agit en somme d’un livre qui dépeint l’âme de Jorge Mario Bergoglio. J’espère que, le moment venu, lorsque quelqu’un aura la fantaisie de lancer sa cause de canonisation, ce document servira à la rejeter in limine.

Une image qui dit plus que mille articles.
Et Benoît était toujours ainsi (François aussi, malheureusement pour lui)

El Sucesor , le dernier livre de François

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Toute personne, aussi franciscaine soit-elle, si elle est intellectuellement honnête, doit admettre que la production bibliographique du pape François est très pauvre, pour ne pas dire pitoyable. Quiconque franchit le portail d’une librairie en ligne découvrira que les livres écrits par François, en dehors des documents magistériels – en grande partie rédigés par le cardinal Tucho Fernández – se réduisent à des compilations de ses faibles catéchèses ou homélies, à des interviews accordées à des journalistes accros ou à de très brefs écrits de développement personnel. Certains d’entre eux sont honteux. Par exemple, celui intitulé Te deseo la felicidad. Para que tengas una vida plena, dont le premier chapitre s’intitule : « Quince pasos para la felicidad » (Quinze pas vers le bonheur) ; ou un autre intitulé Te deseo la sonrisa. Il ne s’agit pas de le comparer à la profondeur et à l’immensité de l’œuvre de Benoît XVI, mais il aurait pu atteindre la qualité des écrits de son frère [jésuite] Jorge Loring, ou de Chiara Lubich, au moins.

Curieuse, d’ailleurs, la propension du Saint-Père à encourager la prolifération de ses propres biographies. Entre celles qu’il a écrites par l’intermédiaire d’un copiste et celles qu’il a demandé à des amis journalistes d’écrire, comme Elisabetta Piqué, Austin Ivereigh ou Sergio Rubín, il y en a des dizaines. Mais il est encore plus curieux qu’au cours des quinze derniers jours, il ait publié deux biographies de son cru : Vida. Mi historia a través de la historia (20/03/2024) et El sucesor. Mis recuerdos de Benedicto XVI (3/4/2024).

Prenons un peu de recul pour examiner le tableau : Qu’est-ce qui peut conduire un personnage public de la stature du Successeur de Pierre à vouloir raconter sa vie de manière obsessionnelle alors qu’il est dans les derniers mois, ou les dernières années de sa vie ? Quelle obsession peut le distraire à ce point de sa tâche principale, qui est le salut de son âme à travers son ministère, le gouvernement d’une Église en proie à une crise très grave ? Je n’en vois pas beaucoup, si ce n’est son besoin de diluer les très graves erreurs (ou méfaits ?) qu’il a commises tout au long de son existence. Comme l’a dit son premier biographe Omar Bello, il ne faut pas croire qu’en accédant au pontificat romain, Jorge Mario Bergoglio a réussi à étancher sa soif de pouvoir, puisque sa plus grande aspiration est d’être canonisé. Ce n’est qu’ainsi qu’il pourrait atteindre l’apogée. Il a déjà fait une partie du chemin en accélérant la canonisation de tous ses prédécesseurs immédiats et politiquement corrects, ce qui est totalement inédit dans l’histoire de l’Église. « S’ils sont saints, pourquoi pas moi ? », a-t-il peut-être écrit sur un paper adressé au préfet du dicastère pour les causes des saints.

Cependant, à la lecture de son dernier livre, El Sucesor, on se demande si l’on a affaire à un personnage cynique qui n’a aucun problème à mentir comme un arracheur de dents en pensant que ses mensonges ne seront pas découverts, ou à un vieil homme dont les facultés mentales sont affaiblies (et qui n’a personne pour le surveiller).

L’une des premières choses qui surprend et indigne est son culot à révéler les secrets du conclave qui a élu Benoît XVI. Alors que de telles révélations sont interdites sous peine d’excommunication, étant le pape lui-même, il peut lever cette interdiction pour lui-même, mais il ne la lève pas pour le reste des cardinaux participants. Par conséquent, personne ne pourra le réfuter. Et dans ces révélations, il se présente comme celui qui, par sa bonté et sa générosité, a permis à Ratzinger d’être élu. Un mensonge éhonté, puisqu’on sait que c’est le cardinal Martini qui a neutralisé le troisième groupe de blocage dirigé par Bergoglio, qui préférait Ratzinger à l’archevêque de Buenos Aires, qu’il connaissait assez bien. Mais l’impudeur de François va jusqu’à présenter le cardinal Darío Castrillón Hoyos ! comme l’un des progressistes qui ont soutenu sa candidature (p. 22). Nous savons tous que c’est précisément ce cardinal colombien qui a été l’un des plus proches de Benoît XVI et l’un des architectes de la rédaction et de la mise en œuvre du motu proprio Summorum Pontificum.

Mais pourquoi Bergoglio se réfère-t-il au conclave qui a élu Ratzinger et non à celui qui l’a élu ? Quelle est l’urgence de remettre en cause un conclave qui s’est déroulé il y a dix-neuf ans ? Quelle serait la nécessité de recourir maintenant à ce pouvoir des papes de dire tout ce qui leur passe par la tête, en l’attribuant aux surprises de l’Esprit, sur un aspect décisif comme l’élection du pontife ? Qu’en retirent les fidèles de l’espèce commune, à part la photo de groupe des cardinaux électeurs décrits comme un ramassis de manipulateurs ? Personne ne le sait, même s’ils s’en doutent.

Le livre présente plusieurs erreurs de compréhension du pape François, dont certaines sont très grossières et inquiétantes.

À la page 29, le journaliste lui pose la question suivante : « En passant en revue les derniers discours de Benoît XVI, depuis le moment où il a annoncé sa démission jusqu’à ce qu’elle prenne effet, dans pratiquement tous, il demande des prières pour son successeur ». Et Bergoglio de répondre : « Il croyait en la chaîne de succession, il croyait en la chaîne. Il croyait en la succession apostolique ». Tout catholique ayant une éducation moyenne sait que la succession apostolique fait référence à la validité et à l’autorité du ministère ordonné dérivant des apôtres, dans une succession ininterrompue. Le pape, lui, la confond avec la simple succession d’un pontife à un autre, comme la succession des rois ou des présidents des pays de la terre. Mais plus grave encore, il présente la « croyance » de Benoît XVI en la succession apostolique comme un mérite exceptionnel. Se pourrait-il qu’il n’y croie pas ? Il faudrait lui rappeler qu’il s’agit d’une vérité de foi, comme le précise le catéchisme au n. 176.

Il dit aussi que « Quand j’étais enfant, lors de la cérémonie du Samedi Saint, on lisait en latin onze ou douze lectures bibliques auxquelles personne ne comprenait rien. Les gens allaient juste pour voir quand le rideau tombait sur la cérémonie et manquaient la partie la plus importante » (p. 26). Le pape devrait savoir que les gens qui ne comprenaient rien étaient ceux qui ne voulaient pas comprendre, comme c’est le cas maintenant, car tout le monde avait une petit missel où il pouvait suivre les lectures. D’autre part, aucun rideau ne tombait ; ce qui tombait, c’était les voiles qui recouvraient les images, et c’était précisément l’une des façons dont la liturgie traditionnelle mettait en scène et expliquait le mystère de la résurrection du Christ aux gens « qui ne comprenaient rien ». Et c’est justement pour cette raison que le peuple ne manquait pas le plus important. Bien au contraire.

Ces dernières années, l’une des obsessions les plus récurrentes de François a été de critiquer sévèrement la tendance aux ragots et aux commérages qui afflige souvent le monde clérical. Et il l’a fait dans les termes les plus durs : le commérage est « un poison mortel » ; « une peste plus dangereuse que le Covid » ; « c’est un meurtre de son prochain ». Eh bien, dans son dernier livre, il ne se gêne pas pour publier urbi et orbi une série de ragots touchant des personnes vivantes ou décédées, dont beaucoup de hauts dignitaires de l’Église, sans aucune raison justifiable. Prenons quelques exemples :

  • La curie romaine est tellement « très, très mauvaise » qu’ « on l’a fait venir [Benoît] ici [au Vatican] pour qu’il n’aille pas [à Aparecida] » [ndt: ???]. C’est-à-dire que la curie dominait complètement le pape Ratzinger qui était incapable de prendre des décisions tout seul. (p. 24).

  • Il y a un épisode qui montre cette douceur [de Benoît XVI]. Le pape était un ami proche de son ancien secrétaire, Josef Clemens. Certains dimanches, vers cinq heures de l’après-midi, il se rendait chez Clemens, qui lui préparait un dîner….. On dit qu’il cuisine très bien. Là, ils bavardaient tous les deux, dînaient ensemble, etc. Et vers huit heures, la rencontre était terminée et Benoît rentrait chez lui. Avec une excuse ou une autre, ils ont cessé d’organiser ces dîners. À tel point qu’un dimanche, Benoît a téléphoné à Clemens et lui a dit : « Je peux t’appeler maintenant, parce que don Georg [Ganswein] est sorti ». C’est comme si, pour ne pas froisser ses collaborateurs, il évitait même de téléphoner ». (p. 25). Un autre très mauvais point: Mgr Georg Ganswein, qui avait le pape Benoît complètement sous sa coupe, au point de ne pas le laisser aller dîner ou même parler au téléphone avec son ancien secrétaire.

  • « Et que disait Benoît XVI du cardinal Jorge Mario Bergoglio dans ces années-là ? », demande le journaliste. Et François de répondre : « Je le sais parce qu’un témoin me l’a dit. A la curie, il y avait aussi des gens qui étaient contre moi de manière un peu exagérée. Par exemple, à la Congrégation pour les évêques. Ne crois pas que je me réfère au préfet, pas du tout, c’était de la part de fonctionnaires intermédiaires. Le fait est que certains avaient monté une histoire pour que le pape accepte ma démission d’archevêque de Buenos Aires dès que j’aurais soixante-quinze ans ». (p. 26) Il semble que les ragots ou les ouï-dire ne soient pas toujours empoisonnés ou meurtriers… Il est très facile de trouver les noms des fonctionnaires de la congrégation des évêques à cette époque.

  • Question : « Comment avez-vous vécu les tensions entre les partisans de Benoît et les partisans de François ? ». Il répond : « C’étaient des sottises. Je ne me suis pas impliqué, je ne suis pas entré là-dedans ».

  • Une autre question : « Mais les avez-vous remarquées ? ». Et une nouvelle réponse : « Il y a aussi beaucoup de personnes nobles qui se sont laissé entraîner. Je me souviens qu’une dame élégante a organisé, il y a deux ou trois ans, un déjeuner avec plusieurs cardinaux à la retraite. Là, ils m’ont tous passé à la moulinette. Je l’ai su parce que, par un coup de chance, on m’a parlé de la conversation. Il se trouve que, quelques jours plus tard, lors d’une réunion au Vatican, l’un de ces cardinaux s’est assis à côté de moi. « C’était bien, la dame élégante avec toi et les cardinaux untel, untel, comme ils m’ont tanné », lui ai-je dit, parce que je n’ai pas pu m’empêcher de le faire. Puis, le lendemain, il m’a écrit une lettre et m’a expliqué que les gens comprenaient mal ce qui s’était passé et d’autres choses. Je ne sais pas. Mais il y a repensé et deux jours plus tard, lors d’un salut public, il s’est mis à genoux devant moi et s’est excusé pour tout ce qui s’était passé. C’est un homme noble, un homme d’Église » (p. 39). Il semble que le Saint-Père ait une oreille attentive pour les ragots et qu’il ne puisse pas se retenir de punir et d’humilier ceux qui sont mentionnés dans les ragots. Il y a assassinats et assassinats…

  • Et il y a aussi manœuvres et manœuvres. À la page 32, il raconte :  » Le déjeuner [des cardinaux le 13 mars 2013, à Santa Marta, avant leur élection] était terminé et, alors que je m’apprêtais à partir, le cardinal espagnol Santos Abril s’est précipité vers moi. Il m’a dit : « Éminence, est-ce vrai qu’il vous manque un poumon ? ». « Non, ce qui me manque, c’est mon lobe supérieur droit, qui a été enlevé à cause de kystes hydatiques. « Et quand cela s’est-il produit ? » insiste-t-il. « En 1957, il y a cinquante-six ans », ai-je répondu, et il s’est éloigné en reniflant : « Ces manœuvres de dernière minute… ». Les manœuvres pour l’empêcher d’être élu étaient rusées et dues au gang des cardinaux conservateurs ; celles qu’il a faites, en revanche, avec les Daneels et d’autres associés de St Gal, étaient bonnes.

  • Il y a des mensonges purs et simples. À la p. 28, François raconte qu’il a dû changer son billet pour Rome avant le conclave qui l’a élu. Et il raconte l’événement de la manière suivante : « Et ce même après-midi, je suis allé à nouveau au bureau d’Aerolineas Argentinas à Buenos Aires. Je suis entré, je me suis assis, j’ai sorti mon petit billet de mon portefeuille et j’ai attendu mon tour. Au bout de quarante minutes, le directeur est entré, m’a vu et m’a demandé : « Mais qu’est-ce que vous faites »… « Non, je suis juste venu changer mon billet », ai-je expliqué. Et j’ai eu de la chance, car en le changeant, j’ai gagné cent dix dollars. Ils m’ont donné un vol moins cher ». Il veut nous présenter l’image du très humble cardinal qui va lui-même acheter son « petit billet » au bureau de la compagnie aérienne. Souvenons-nous que c’était en 2013, alors que les billets d’avion étaient depuis longtemps électroniques. Ils n’étaient pas un « petit bout de papier » qu’il fallait « sortir du portefeuille ». D’autre part, tout le monde sait que lorsque vous changez un billet d’avion, vous devez payer une pénalité, sauf si le billet est en classe affaires – ce qui, je pense, n’était pas le cas de l’humble cardinal de Buenos Aires – donc les dix dollars de bénéfice auront été liquéfiés dans les 150 dollars minimum de la pénalité.

On pourrait citer beaucoup, beaucoup d’autres épisodes du livre, mais nous terminerons par deux qui, à mon avis, sont parmi les plus graves, car le pape parle très mal de personnes qui méritent la considération et le respect de toute l’Église.

Le premier est le cardinal Robert Sarah. Il dit: « Le cardinal Robert Sarah est un homme bon, un homme très bon. Quand il était archevêque dans son diocèse, Conakri, il était génial. J’ai peut-être eu tort de le nommer préfet de l’actuel dicastère pour le culte divin, car là, il a été immédiatement manipulé par des groupes séparatistes. Mais c’est un homme bon. C’est un homme austère, qui prie beaucoup. Parfois, j’ai l’impression que le travail au sein de la curie vaticane l’a rendu un peu amer ».

Il est incroyable de lire ces mots (p. 38). Ce qu’il dit, c’est que le cardinal Sarah était bon lorsqu’il était archevêque d’un diocèse africain périphérique, mais qu’une fois à Rome, il est devenu amer et manipulable par de dangereux groupes de conservateurs séparatistes (séparatistes de quoi ? Catalans ? Païens ? Basques ? Bretons ?) Ceux qui ont eu l’occasion de parler au cardinal Sarah ont eu le sentiment de parler à un saint, et la dernière chose que vous penseriez de lui, c’est qu’il est amer. Au contraire, sa douceur est frappante. Celle de Bergoglio est une méchanceté destinée à nuire à la réputation, et au cœur, d’un homme de Dieu comme le cardinal Sarah.

Enfin, comme tout le monde l’a compris, le but premier de ce livre est de contrer celui écrit par Mgr Ganswein dans lequel, preuves à l’appui, il montrait les mauvaises relations que François entretenait avec Benoît XVI, dramatisées par ce qui s’est passé à l’occasion de sa mort.

Mais quelqu’un dans la position du pape peut-il être aussi mesquin, rancunier, peu aimable et adonné aux ragots pour dire à tout le monde ce qui suit ? « Oui, je confirme qu’il [le pape Benoît] l’a jeté hors de sa maison [le pape Benoît à une personne qui serait allée dire du mal de François], mais il l’a fait avec gentillesse, avec douceur. C’était un gentleman. En revanche, je te dis avec regret que son secrétaire m’a parfois rendu la tâche difficile. Je me souviens d’un cas où j’ai remplacé la personne qui était responsable d’un dicastère et où la décision a suscité une certaine polémique. Au milieu de tout ce bruit, le secrétaire a pris l’initiative de l’emmener voir Benoît, parce que cette personne voulait le saluer. Comme le pape émérite était très amical, il a accepté. Le problème, c’est que la photo de cette rencontre a circulé, comme si Benoît répondait à ma décision. Honnêtement, ce n’était pas correct ».

Il s’agit en somme d’un livre qui dépeint l’âme de Jorge Mario Bergoglio. J’espère que, le moment venu, lorsque quelqu’un aura la fantaisie de lancer sa cause de canonisation, ce document servira à la rejeter in limine.

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