Décidément, en ces jours qui suivent la mort d’un homme (oui, d’un homme, pas d’un symbole) qui a beaucoup compté pour moi, je préfère les mots venus du cœur, écrite avec une main de chair, aux savants commentaires théologiques sur la renonciation, aux bilans, aux prospections sur l’avenir, et même aux rumeurs vaticanes, même si tout cela, évidemment, a son importance, et mérite une place. Le récit tout simple de cet universitaire américain, publié sur le blog d’AM Valli, est à l’évidence écrit « avec des mains de chair ».

Il m’a ramené presque 18 ans en arrière, me faisant revivre ce fameux 19 avril 2005, où je découvrais sur un écran de télévision son visage irradiant la bonté et même la sainteté: beatriceweb.eu/archives2005/19avril (c’était le tout début de ce site!)

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>>> On lira en particulier: La Fnac, complice de l’annonce de l’élection 


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http://beatriceweb.eu/archives2005/19avril/index.html

Témoignage / Notre Ratzinger sur le fil des souvenirs. « Voilà pourquoi moi, traditionaliste, j’ai immédiatement pensé : il ne nous laissera pas seuls ».

www.aldomariavalli.it

John C. Rao, professeur à l’Université St. John’s de New York, directeur du Roman Forum – Dietrich von Hildebrand Institute et ex-président d’Una Vox America, m’a envoyé ce beau souvenir de Benoît XVI.


par John C. Rao

Ma famille passe depuis toujours un mois ou plus à Rome, entre la fin de l’année scolaire à New York en mai et le début du symposium d’été de mon organisation, le Roman Forum, au lac de Garde en juillet. En 1995, ma femme et moi sommes arrivés dans la Ville éternelle avec notre fils aîné, Nicholas, qui n’avait alors que deux mois.

Comme toujours, nous avons séjourné dans un hôtel sur la colline du Janicule, la Villa Bassi, et sommes allés dîner dans un endroit très bon marché et chaleureux sur la Via del Moro, la Trattoria da Mario.

Au fil des ans, nous sommes restés proches de la famille romaine à laquelle appartenait la trattoria et de la serveuse qui nous servait presque toujours et qui vit toujours à deux pas de la place San Giovanni della Malva.

Un soir, après le dîner, en cette même année 1995, ma femme, un de nos meilleurs amis (qui, à l’époque, étudiait à l’Angelicum et est aujourd’hui l’aumônier du Roman Forum), notre petit Nicholas et moi discutions devant la trattoria. Je fumais un Antico Toscano et à un moment donné, mon ami m’a dit : « Regarde, le cardinal Ratzinger arrive ».

Il n’y avait aucun doute, c’était bien lui, se promenant dans la Via del Moro en compagnie, je crois, du père Gänswein, non loin du restaurant allemand que le cardinal aimait bien.

Encouragés par son sourire, nous nous sommes approchés et avons demandé une bénédiction pour le petit Nicholas. Ratzinger l’a donné immédiatement et avec enthousiasme, puis, à notre surprise, s’est arrêté pendant un quart d’heure pour discuter avec nous.

Nous lui avons dit que nous nous réjouissions d’une série de documents publiés par la Congrégation pour la doctrine de la foi et nous lui avons expliqué ce que nous faisions, en tant que dirigeants d’une organisation traditionaliste, avec notre initiative à Gardone Riviera. Il nous a remerciés pour notre travail et m’a demandé de laisser plus d’informations à ce sujet au siège de la Congrégation, ce que j’ai fait le lendemain.

Je fais maintenant avancer les aiguilles de l’histoire de dix ans : nous sommes en 2005. Je termine un cours universitaire à New York lorsqu’un de mes collègues s’écrie : « Ils ont élu un nouveau pape ! » Qui sera-t-il ? Je cours vers le foyer des étudiants, où se trouve un écran géant diffusant des images en direct de la place Saint-Pierre, et tout en courant, je ne retrouve flanqué de deux étudiants. Je demande : « Et où allez-vous si vite ? » Et eux: « Si vous courez, professeur, c’est qu’il y a quelque chose d’important ».

Nous arrivons devant l’écran juste à temps pour entendre l’annonce et voir apparaître ce visage familier, souriant et bon.

Au même moment, ma femme se trouve dans un square de Greenwich Village avec nos enfants (qui sont maintenant trois) et lorsqu’elle entend le nom du nouveau pape, elle éclate en sanglots. Elle regarde Nicholas et met immédiatement les enfants à genoux pour une prière d’action de grâce.

Nous savions tous que le pape Benoît avait une position théologique pour le moins compliquée Le souvenir de la rencontre de Rome nous a réconfortés : nous avions vu un prince de l’Église humble, simple, serviable, un homme qui se rendait accessible sans barrières et manifestait la même foi que nous.

Michael Davies, l’un des membres les plus importants du Roman Forum, défenseur érudit de la liturgie romaine traditionnelle et président pendant de nombreuses années de Una Vox International, nous avait dit que le cardinal Ratzinger était assurément de nos amis et qu’il nous encouragerait toujours. « Vous verrez », nous a dit Michael, « que le pape Ratzinger fera certainement quelque chose pour nous sauver s’il en a l’occasion ».

Malheureusement, Michel est mort avant que ce cardinal doux et bon, devenu pape, ne confirme ce que Dietrich von Hildebrand, le fondateur du Roman Forum, nous avait dit dès le début de nos problèmes liturgiques, à savoir que la Messe de tous les temps ne pourrait jamais être abolie.

Moi, par contre, j’étais encore vivant et je pouvais me faire la voix de Michel devant le pape en qui notre ami avait placé sa confiance. En passant par Rome, je suis allé à l’Angélus du dimanche et là, sur la place, j’ai remercié le nouveau pape et prié pour lui.

Suivant l’exemple de ma femme, c’est à mon tour de fondre en larmes. Pourquoi? Parce que la voix que j’ai entendue ce dimanche-là de la fenêtre du palais apostolique était exactement la même que celle que j’avais entendue donner la bénédiction à notre petit Nicolas dans la Via del Moro dix ans auparavant. La voix d’un homme affable et humble qui « exsudait » la vraie Foi commune à tous, quelle que soit la complexité de son exégèse biblique personnelle. Mon jugement n’était peut-être pas fondé sur des piliers scientifiques, mais à ce moment-là, j’étais certain que mon ami Michael avait raison : Benoît XVI nous soutiendrait, car il était d’un bloc. Pour utiliser une expression yiddish, c’était un Mensch catholique. Avec lui, je pensais que nous ne ferions pas que survivre, mais que nous prospérerions, que nous resterions en vie et en bonne santé.

Le 3 janvier à New York, en l’église des Saints Innocents de Manhattan, une messe de requiem a été célébrée pour Benoît XVI. Une messe vetus ordo, avec l’église remplie, comme toujours. Et comme toujours, la plus grande partie de la foule était composée de jeunes et de jeunes familles. Ils étaient là parce qu’il leur était possible de grandir dans la foi plus sûrement et plus tranquillement grâce à l’homme bon et serviable, accueillant et humble que j’avais rencontré à Rome. Nous étions tous là pour le remercier.

J’avoue avoir regardé autour de moi pour voir si les deux étudiants qui avaient couru à mes côtés pour atteindre l’écran en 2005 étaient aussi là. Au fil des ans, nous sommes restés en contact et, entre-temps, ils sont eux aussi devenus des traditionalistes. Dans la foule, je n’ai pas pu les distinguer, mais je leur enverrai un e-mail pour me souvenir de notre sprint riche en émotions.

Ça valait la peine de foncer. Le pape Benoît a vraiment béni non seulement notre Nicholas, mais nous tous. Prions donc pour le pape Benoît, et qu’il prie pour nous.

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