« Il ne se passe pas un jour sans que le bulletin du Bureau de presse du Saint-Siège ne publie une nouvelle mesure pontificale » (Nico Spuntoni). Après un chirographe révisant le statut de l’IOR, le Pape renouvelle le Conseil des cardinaux, confirmant que le très progressiste cardinal luxembourgeois Hollerich s’est vu attribuer par François le statut de « dauphin » en remplacement du cardinal Tagle, tombé en disgrâce (cela suffit-il à faire de lui un futur papabile, comme les médias commencent déjà à le « ventiler », c’est une autre question).

Le Pape législateur renouvelle l’IOR et le C9

Nico Spuntoni
lanuovabq.it/it/il-papa-legislatore-rinnova-ior-e-c9

L’actuel pontificat restera dans les mémoires pour son abondante production législative et ses nombreux actes de gouvernement. Rien qu’hier, pas moins de deux mesures, renouvelant le statut de l’Institut pour les œuvres de religion et la composition du conseil des cardinaux. Avec un déséquilibre en faveur de l’Europe et du front progressiste.

Constitutions, motu proprio, chirographes, rescrits. Il ne se passe pas un jour sans que le bulletin du Bureau de presse du Saint-Siège ne publie une nouvelle mesure pontificale. Près de dix ans après son début, on peut affirmer sans crainte d’être démenti que l’actuel pontificat restera dans les mémoires pour son abondante production législative. Hier, c’était la nouvelle du chirographe par lequel le pape a renouvelé le statut du tristement célèbre IOR, créé en 1942 et – comme le rappelle à juste titre l’un des cardinaux les plus proches de François, le cardinal Óscar Andrés Rodríguez Maradiaga – « prudemment voulu par Pie XII pour protéger les biens de l’Église face à la menace qu’Hitler gagne la guerre et puisse les confisquer ».

Dès son élection, Bergoglio fut réellement effleuré par la tentation de fermer l’Institut pour les œuvres de religion, désormais associé dans les médias aux scandales financiers de l’Eglise. Son ancien porte-parole à Buenos Aires, Federico Wals, en a parlé, et dans le vol de retour du Brésil, François lui-même s’est montré sibyllin, rapportant cette hypothèse parmi celles qui circulaient, mais temporisant ensuite sur la décision et disant ne pas savoir « comment cette histoire va se terminer ».

Près de dix ans plus tard, l’Ior n’a pas été fermé et il est dirigé depuis 2015 par un homme qui connaît bien Bergoglio : le Calabrais Gian Franco Mammì, qui a travaillé avec les clients latino-américains de l’institut à l’époque où le cardinal argentin était à la tête de l’archidiocèse de Buenos Aires.

En novembre 2015, le pape lui-même s’est rendu à la tour Niccolò V pour annoncer au conseil de surintendance la nomination du dirigeant qui remplacerait Rolando Marranci. Si ces dernières années les noms à la tête des institutions d’Oltretevere, notamment financières, ont souvent changé, Mammì y est toujours resté et c’est lui qui a ouvert la boîte de Pandore sur l’immeuble de Sloane Avenue en refusant à la Secrétairerie d’État le prêt pour rembourser l’hypothèque sur l’investissement à l’origine du procès toujours en cours au Vatican. Et le pape a publiquement salué cette initiative, affirmant que c’était la première fois qu’au Vatican « la marmite était découverte de l’intérieur et non de l’extérieur ». (…)

Mais le chirographe n’a pas été le seul acte de gouvernement dont nous avons entendu parler hier : en effet, par le biais d’un communiqué de presse, le Bureau de presse du Saint-Siège a fait savoir que le Souverain Pontife a renouvelé le Conseil des cardinaux et nommé les cardinaux Fernando Vérgez Alzaga, Juan José Omella Omella, Jean-Claude Hollerich et Sérgio da Rocha comme nouveaux membres.

Un fil conducteur relie les deux décisions et remonte aux jours brûlants du pré-conclave de 2013, lorsque la question de la réforme de l’IOR s’est imposée dans les congrégations générales et que, parmi les outils pour la résoudre dans le nouveau pontificat, figurait l’idée d’un organe qui conseillerait le futur pape dans le gouvernement de l’Église et dans la révision de la constitution apostolique sur la Curie.

Selon ses propres dires, c’est le cardinal Maradiaga qui a lancé la proposition et qui en a été le coordinateur jusqu’à présent [malgré ses nombreuses « casseroles »]. Le cardinal hondurien a toutefois dépassé le seuil des 80 ans, quelques mois après s’être retiré de la direction de l’archidiocèse de Tegucigalpa et avoir quitté la liste des électeurs d’un futur conclave, il est également contraint d’abandonner son rôle au sein du C9.

Cette institution a été créée par Bergoglio un mois après son élection dans le but déclaré de réviser la Constitution Pastor Bonus de Jean-Paul II et de l’aider à gouverner l’Église universelle. Comme nous le savons, la réforme tant attendue de la Curie a vu le jour l’année dernière avec la publication de la constitution apostolique Praedicate evangelium. Ainsi, la seule raison pour laquelle le Conseil existe encore est d’être consulté sur le gouvernement par un pape qui s’est montré plutôt décisionniste.

Il est intéressant d’analyser les profils des cardinaux que François a choisis pour renouveler la composition de l’organe et sur lesquels il compte pour le soutenir, y compris à titre individuel, sur certaines questions.

À l’origine, le Conseil devait privilégier l’universalité de l’Église en choisissant des cardinaux issus de différentes parties du monde, de sorte que tous les continents étaient représentés et qu’il n’y avait que deux Européens. Avec les nouvelles nominations, il y a une prépondérance des Européens, qui sont au nombre de quatre sur neuf, alors que manque encore l’Océanie, représentée initialement par l’Australien George Pell. Actuellement, ce continent peut compter sur très peu de membres au sein du Collège des cardinaux.

À noter le départ de l’Allemand Reinhard Marx, qui reste à la Curie comme coordinateur du Conseil pour l’économie. En revanche, l’ascension du Luxembourgeois Jean-Claude Hollerich, président de la COMECE [Commission des Episcopats de l’Union européenne] et surtout rapporteur général de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, se confirme [ndt – voir à son sujet la Lettre de Paix Liturgique du 1er Mars 2023 et aussi Sandro Magister, février 2022: Si le conclave souhaite un François bis, voici son nom et son programme]

Ces derniers temps, surtout après le commissariamento [la nomination d’une commission de tutelle] pour Caritas Internationalis, qui semble avoir éclipsé l’étoile du cardinal philippin Luis Antonio Tagle [qui en était le président depuis 2015, ndt], beaucoup se sont convaincus que le jésuite luxembourgeois pourrait être un potentiel François II.

Une perspective qui réjouit les plus progressistes, mais qui effraie les cardinaux qui avaient protesté auprès du préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, Luis Francisco Ladaria Ferrer, contre les propos de Hollerich favorables à un changement de la doctrine de l’Église sur l’homosexualité.

Parmi les cardinaux qui ont pris la plume pour exiger que le cardinal luxembourgeois soit publiquement désavoué, il y avait aussi – à notre connaissance – George Pell, l’un des membres pionniers du Conseil des cardinaux dans lequel Hollerich lui-même siégera à partir de la prochaine réunion du 24 avril.

Share This