Le religieux, correspondant d’AM Valli, déjà rencontré dans ces pages (qui utilise des pseudos « à clés » pour lui et ses confrères moines) nous raconte les réactions suscitées dans sa communauté par les derniers « cafouillages » de communication en provenance du Vatican, avec une succession d’ordres et contre-ordres sur la conduite à tenir en cas de coronavirus.

Le Pape François aurait pu épargner à son cardinal-vicaire de se faire publiquement traiter d’incapable par lui, sans discernement, et d’insensible aux pauvres.  Et c’est pourtant ce qui s’est passé.

Cet incident, comme le précédent, n’a pas seulement mis en évidence les défauts du système de communication du Vatican – lundi 16 mars, le préfet du dicastère pour la communication Paolo Ruffini a été reçu en audience par le Pape – mais plus encore ceux de la chaîne de commandement.

Et ce, à partir de son premier maillon, le Pape François.

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https://www.diakonos.be/settimo-cielo/cafouillages-au-vatican-a-deux-reprises-le-pape-donne-un-ordre-puis-le-retracte/

Évaluations « papale papale » (*)

(*) Cette locution, en plus de la référence évidente au pape, peut se traduire par « franche et directe » ou « sans langue de bois » (Treccani)

Cher Dott. Valli,

j’ai déjà eu l’occasion de vous présenter, à vous et à vos aimables lecteurs, le supérieur – ou le gardien, comme nous disons entre nous – de notre communauté religieuse : le père Pacifico da Strangolagalli, un homme aussi doux que mesuré, qui, cependant, lorsque cela est nécessaire, ne renonce pas à saisir le fouet pour remettre les choses à leur place.

Il faut dire que depuis quelques jours, je le vois très pensif et taciturne. « Il doit avoir quelques soucis particuliers », me suis-je dit. Jusqu’à ce que, avant-hier, en le croisant vers neuf heures du matin le long du grand couloir qui traverse notre couvent, je l’entende murmurer : « Ridicules, ridicules, ridicules! ». J’ai été quelque peu surpris, et j’ai pensé : « Eh bien, peut-être que j’ai mal compris. »

Vers midi, en le rencontrant à peu près au même endroit, je l’ai distinctement entendu répéter entre ses dents: « Bouffons, bouffons, bouffons! ». Cette fois-ci, je me suis arrêté pour le regarder alors qu’il s’éloignait, et j’ai pensé: « Pauvre Père Pacifico ! Ce doit être un problème très grave ».

Et finalement, vers cinq heures de l’après-midi, je le croise à nouveau dans le même couloir, et je l’entends soudain dire : « Clowns, clowns, clowns! ».

A ce point, je le suis, lui touche le bras et lui dis: « Père, pardonnez-moi: toute la journée vous avez récité ces étranges litanies… Pourrais-je savoir pourquoi? »

Il me regarde, me sourit, attend quelques secondes et dit ensuite: « Voilà ce que nous allons faire: ce soir, après le dîner, réunissons-nous avec les deux autres [le père Furio et le père Secondo], et ainsi j’explique à tout le monde de quoi il s’agit. Ok? »

« Ok, Père! »

Et en effet, après le dîner, réuni au grand complet, il nous a révélé le mystère.

Par l’intermédiaire de Duc in altum et d’autres blogs similaires, il suivait minute par minute la question de la suppression des messes et de la fermeture des églises, en particulier pour le diocèse de Rome (où vit également une partie de sa famille): 1) le décret du cardinal vicaire De Donatis du 12 mars, qui décidait la fermeture générale des bâtiments sacrés, dans la ligne de la fermeture de la basilique Saint-Pierre et conformément à la note spéciale du cardinal Bassetti, président de la CEI; 2) le décret du lendemain, du cardinal De Donatis lui-même, qui annulait partiellement la décision de la veille. Tout cela, avec un renvoi de responsabilité mielleux et pénible entre lui, simple vicaire, et l’actuel évêque de la Ville éternelle.

Et jusque là, le bon Père Pacifico avait réussi à supporter la chose: en effet, en prenant une décision, nous pouvons tous faire des erreurs, même un pontife suprême ou son cardinal vicaire. Et à cet égard, je dois préciser que notre Père Gardien est toujours très respectueux de l’autorité établie, même lorsque celle-ci ne mérite peut-être pas beaucoup de déférence, comme c’est parfois le cas avec notre ministre provincial, le Père Adolfo da Furore, qui a tendance à être arrogant et despotique.

Ce qui l’avait plutôt mis en rage, c’est l’apparition sur le web, le soir du 13 mars – alors que le cardinal De Donatis avait déjà publié son deuxième décret – d’une incroyable lettre signée par l’un des secrétaires personnels du pape Bergoglio.

Cette lettre est incroyable à tous points de vue:
1) par sa forme, car elle est composée de deux parties clairement distinctes: l’introduction, avec un ton très didactique, et le corps lui-même, avec un ton paternaliste-décisionnel;
2) par son contenu, car on n’avait jamais vu auparavant que le simple secrétaire personnel d’un pape entre en son nom propre – nous dirions a gamba tesa – dans une discussion aussi importante, impliquant des cardinaux et des évêques de Rome et d’ailleurs, pour établir ce qui doit être fait et ce qui ne doit pas être fait.

Concrètement, [la lettre] disait que, pour ne pas mériter les mêmes reproches de Jésus à Simon Pierre, il fallait se mettre davantage à la disposition du peuple, sans crainte du virus, en se mettant du côté des malades et des agents de santé et en laissant les églises ouvertes.

A ce point, le Père Pacifico s’est déchaîné: « Cette lettre est une nouvelle démonstration du style sournois et hypocrite de Bergoglio. Trop souvent, il jette la pierre et cache sa main. Il l’a fait au cours de ces années, se camouflant derrière les synodes qu’il a convoqués et pilotés. Il l’a répété en janvier, prétendant donner des ordres fous par l’intermédiaire de Mgr Georg. Il l’a fait à nouveau maintenant, se cachant derrière une de ses secrétaires totalement inconnu et sur lequel il peut exercer du chantage ». Et encore : « Lorsqu’un supérieur ecclésiastique prend une décision qui s’avère mauvaise, il doit avoir le courage de le reconnaître devant tous ses sujets. Il n’est pas possible que Bergoglio, en donnant certaines instructions, se cache derrière Bassetti ou De Donatis ou un quidam quelconque; et qu’après il fasse le moraliste, disant que les prêtres ne doivent pas être comme don Abbondio [cf. Manzoni, I promessi sposi]; et qu’il joue aussi au héros en allant visiter deux églises de Rome, le soir du 15 mars, avec un photographe et un cameraman à la traîne, pour demander la fin de la pandémie; et il complète le tout avec l’habituelle interview a La Repubblica, un miroir aux alouettes qui a fait ses preuves. De cette manière, il sombre, lui et ses collaborateurs, connus et moins connus, dans le ridicule ».

C’était donc le sens des mots que le Père Pacifico répétait toute la journée, avec la souffrance peinte sur son visage: « Ridicules… bouffons… clowns… ! ».

Et sa conclusion n’aurait pas pu être plus claire et plus tranchante : « Souvenez-vous d’une chose: en faisant mes évaluations papale papale, j’ai utilisé le pluriel parce que je suis le gardien d’une communauté de frères; sinon, j’aurais volontiers utilisé le singulier! ».

La tête penchée et dans un silence absolu, nous nous dirigeons vers l’église pour la récitation des Complies, en concluant par l’habituelle antienne mariale, légèrement modifiée : « Sous ta protection, nous cherchons refuge, sainte Mère de Dieu : ne méprise pas les supplications de ceux qui sont dans l’épreuve, mais délivre-nous de tout danger – y compris le danger Bergoglio -, ô Vierge glorieuse et bénie ».

Padre Giocondo da Mirabilandia

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