Même s’il perd ces élections, n’en déplaise à ses plus féroces contempteurs, Donald Trump laissera une trace profonde dans son pays et dans le monde. Il aura changé la nature du Parti Républicain et suscité l’émergence d’un mouvement de fond dans l’électorat américain, un mouvement « populiste-trumpiste ». Et sa défaite risque non seulement de marquer la fin de l’hégémonie américaine mais surtout l’émergence de la Chine comme première puissance mondiale: « si les États-Unis tombent, toute la civilisation occidentale sera emportée avec elle ». Une excellente analyse de Conrad Black (déjà rencontré ici: Et si Trump remportait les élections?)

Il est très plausible que ce que ses ennemis aiment à considérer comme la fin de Trump soit en réalité un début.


Donald Trump arrive pour une cérémonie de dépôt de gerbes à la Tombe du Soldat inconnu lors de la Journée des anciens combattants au Cimetière national d’Arlington, en Virginie, le 11 novembre 2020.

Trump a changé le Parti Républicain et la nation

Conrad Black
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Ma traduction

Alors que dans le monde entier, de très nombreuses personnes célèbrent ce qu’elles croient être la fin du phénomène Trump, le fait est que ce président, qui a été si largement décrié comme étant effrayant, corrompu, accidentel, illégitime et un échec quasi total, a reçu près de 72 millions de voix pour rester président, même s’il n’a pas atteint le total de Joe Biden.

Quoi qu’il en soit, Trump a réorienté le Parti républicain, qui est passé d’un parti de type country-club altruiste (genre société de bienfaisance, ndt), auquel il est revenu après l’ère Reagan, à une organisation politique solidement ancrée dans les classes moyennes inférieures et ouvrières et parmi les principales minorités.

Que Trump ait réduit la pauvreté et généré des gains importants dans les revenus des 20 % de personnes les plus pauvres tout en renforçant les références capitalistes des républicains, constitue une réussite considérable.

L’idée que les changements qu’il a apportés à son parti et à sa politique ont été rejetés est absurde ; ils ont été de fait ratifiés lors des élections au Congrès et dans les États, ainsi que par l’énorme augmentation du nombre de voix qu’il a obtenues parmi les Républicain.

Si Trump a vraiment perdu, c’est au profit d’une coalition vaste et convaincue qui comprenait pratiquement tous les médias nationaux, l’État administratif, l’establishment financier, Big Tech agissant comme censeur des médias, Hollywood dans toute sa fatuité criarde et opinioniste, les amis intéressés de la Chine et une quasi-unanimité de l’opinion académique et ostensiblement intellectuelle, et cela n’efface pas, ni même ne diminue de manière significative, son succès.

S’il le souhaite, Trump peut passer les quatre prochaines années comme Andrew Jackson l’a fait de 1825 à 1828, en prétendant non sans raison qu’on lui a volé la présidence, tout en aplanissant certains des aspects gratuitement abrasifs de sa personnalité publique.

Le président Biden prendra ses fonctions à la tête d’un parti profondément divisé, essayant de faire le pont entre les guérillas urbaines anti-blancs et les vandales se faisant passer pour des défenseurs des droits civils à travers le cœur de la démocratie libérale traditionnelle, et les intérêts puissants et bien ancrés qui se sont unis contre l’inquiétant populiste Trump.

Si les républicains remportent au moins un des run-off sénatoriaux (second tour) en Géorgie, Biden fera cela en étant le quatrième président élu sans que son parti ne contrôle le Sénat (après Taylor, Cleveland, Nixon et le sénateur Bush).

Un sondage non partisan, tout en reflétant un net avantage pour Biden par rapport à Trump, a révélé que 13 % des électeurs de l’Alabama qui pensaient que le leadership était le plus important considéraient Biden comme un leader fort, contre 86 %, qu’ils l’apprécient ou non, pour Trump.

Biden a passé près d’un demi-siècle dans le travail législatif, il excelle dans les contacts personnels avec d’autres hommes politiques et est personnellement apprécié, de sorte qu’il peut parvenir à réduire l’intensité des disputes politiques et peut même réussir à réunir une majorité gouvernementale pour certaines questions.

Mais il est très peu enthousiasmant, sans originalité et apparemment très affaibli.

Il est peu probable qu’il cherche à se faire réélire ou qu’il puisse transmettre au prochain candidat démocrate une administration chargée de prestige et de popularité.

Donald Trump, ou plus vraisemblablement quelqu’un qu’il aura soutenu, pourrait porter la bannière du populisme républicain jusqu’à la victoire et reprendre l’assaut, bien qu’avec des manières plus civiles, contre l’establishment bipartite bien établi qui a peut-être réussi à faire sortir en douceur le grand ogre orange.

Il est très plausible que ce que ses ennemis aiment à considérer comme la fin de Trump soit en réalité un début.

Si l’Amérique a jeté les dés et rejeté le capitalisme populaire de Trump et a adopté en grande partie le programme d’unité Biden-Sanders, ce sera, comme le reconnaissent à la fois ceux qui sont satisfaits et ceux qui sont mécontents d’un tel résultat, un tournant historique d’une profonde importance pour le monde entier.

Tous ceux qui, des deux côtés de l’élection, ont proclamé qu’elle était la plus importante au moins depuis l’élection de Roosevelt pour un troisième mandat en 1940, promettant un réarmement massif, la paix par la force et toute aide autre que la guerre à la Grande-Bretagne et au Canada, si ce n’est depuis l’élection d’Abraham Lincoln en 1860, ont raison.

Le programme d’unité Biden-Sanders, que les démocrates soutiennent officiellement, approuve le fait que les États-Unis recommencent à tolérer l’immigration clandestine, une politique écologique radicale qui équivaut à une guerre contre l’industrie pétrolière, des impôts sur le revenu fortement redistributifs, une micro réglementation complète des entreprises, la tolérance implicite de la nucléarisation militaire pour l’Iran, la Corée du Nord, et n’importe qui d’autre, de vastes réparations aux Amérindiens et aux Afro-Américains, un avortement illimité et facilité, y compris l’infanticide précoce, une confiscation partielle des armes à feu, quelques profonds changements constitutionnels, une révocation partielle ou générale du statut traditionnel des églises et des confessions authentiques, et l’approbation officielle de la turpitude morale de fond du patriotisme américain traditionnel [?].

Une proportion substantielle, bien que probablement minoritaire, des quelque 75 millions de voix de Biden aura été exprimée en faveur de la plupart ou de la totalité des politiques et des convictions radicales susmentionnées.

Leur promulgation substantielle céderait implicitement la principale influence nationale dans le monde à la République populaire de Chine. La Grande-Bretagne, grâce à Winston Churchill et Franklin D. Roosevelt, a géré la transition relativement indolore et sans heurts de sa postion de nation la plus influente du monde à celle de principal allié de son successeur dans ce rôle, un pays avec lequel la Grande-Bretagne partageait une langue et une tradition politique démocratique, le tout dans le vaste cadre judéo-chrétien et la séparation des organisations laïques et religieuses.

Si les États-Unis, après à peine un siècle en tant que nation la plus influente et la plus puissante du monde, sont sur le point de renoncer à cette position, cela présagera un changement radical de l’ethos politique dominant dans le monde entier.

Lorsque Winston Churchill fut battu par Clement Attlee aux élections générales britanniques de 1945, Staline fit remarquer à Andrei Gromyko et à Viatcheslav Molotov : « La démocratie doit être un système misérable pour remplacer un grand homme comme Churchill par une non-entité comme Attlee ».

Il a quelque peu sous-estimé Attlee, et bien sûr Trump n’est pas Churchill.

Et les États-Unis n’ont pas traversé la plus grande crise de leur histoire, comme la Grande-Bretagne l’avait fait en 1945.

Mais on parle beaucoup ces jours-ci d’Oswald Spengler, l’Allemand lugubre auteur du « Déclin de l’Occident« , un livre sombre et provocateur des années 1920. Il avait prévu que la démocratie échouerait à cause du manque de qualifications des masses pour se gouverner elles-mêmes et de l’irresponsabilité et de la corruption inévitables d’une presse libre. Son livre a acquis une grande popularité en Allemagne pour justifier les malheurs de ce pays après la Première Guerre mondiale et a été fréquemment cité par les pessimistes habituels dans tout l’Occident pendant de nombreuses années.

En fait, les prophéties de Spengler étaient erronées : Sa prédiction de deux siècles de « césarisme » où l’Occident serait gouverné par des gens comme Mussolini était fausse (Mussolini a fini par essayer de fuir l’Italie vêtu d’un uniforme de l’armée allemande et a été exécuté par des partisans communistes, et son cadavre a été pendu la tête en bas et mutilé dans une station-service de Milan).

Et le postulat de base de Spengler, de la stupidité publique, n’a en général pas été validé dans les pays évolués, bien que son opinion sur les médias (y compris leurs sondages) ait été largement illustrée aux États-Unis dans les années Trump.

Si l’Amérique a vraiment commencé l’adoption complète du programme Biden-Sanders, elle est terminée en tant que grande puissance. Abraham Lincoln a déclaré que les États-Unis ne pourraient jamais être conquis, qu’aucun envahisseur « ne boira à la rivière Ohio ou ne laissera une trace dans le Blue Ridge ; l’Amérique s’épanouira en tant que démocratie ou périra par suicide ». À présent, ce destin est devant eux: La répudiation de l’expérience américaine est un suicide national, et si les États-Unis tombent, toute la civilisation occidentale sera emportée avec elle 500 ans après la Renaissance, et la Chine accédera au leadership mondial.

Aucun Américain réfléchi, aucun observateur étranger intelligent ne devrait ignorer ce qui est en jeu.

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