C’est un point de vue en apparence différent de celui de don Levi di Gualdo qu’a choisi ce journaliste américain catholique « conservateur », Michael Warren Davis, directeur du site Crisis Magazine. En réalité, ce point de vue ne s’oppose pas à celui du prêtre italien, il le complète et l’explique. Au fond, l’Eglise de Rome, pour se débarrasser de l’encombrant cardinal n’avait qu’à laisser agir ce mouvement massif d’opinion, porté par l’ensemble des médias.


Le Cardinal Pell est innocent. Ceux qui le persécutent ne le sont pas

Michael Warren Davis
Crisis Magazine
22 août 2019
Ma traduction

La grenouille qui bout ne remarque jamais cette première milliseconde, quand l’eau dans sa casserole devient juste un demi-degré plus chaude. Ainsi, les catholiques vivant en Amérique vers 2019 ne peuvent pas apprécier l’ampleur de ce qui s’est passé cette semaine en Australie. Pourtant, je n’ai aucun doute que mes petits-fils le feront.

Voici les faits. En décembre 2018, le cardinal George Pell, ex-archevêque de Melbourne et préfet du Secrétariat à l’économie du Vatican, a été reconnu coupable d’abus sexuels sur deux enfants de chœur dans les années 1990. Il a interjeté appel de sa condamnation; le 21 août, un groupe de juges a voté à 2 contre 1 pour confirmer la sentence.
Sans l’ombre d’un doute, Son Eminence est innocente. Je veux dire, il est littéralement impossible que le Cardinal Pell soit coupable du crime qu’il est accusé d’avoir commis. Les actes d’abus décrits par l’accusation ne sont pas seulement ridicules, ils sont physiquement impossibles à accomplir pour tout homme. Il n’y avait aucun témoin de l’agression et aucune preuve médico-légale pour prouver sa culpabilité. Tous les prêtres, enfants de chœur et choristes de la cathédrale St Patrick de Melbourne ont témoigné que Pell célébrait la messe au moment de l’agression présumée.
Mais ne me croyez pas sur parole. Lisez les documents du tribunal. Lisez les nouvelles contemporaines. Lisez les centaines de laïus anti-Pell publiées ces dernières années. Commencez par le livre de démolition de Louise Milligan (*), « Cardinal ». Remarquez à quel point vous avez vite fait de vous rendre compte que les choses que vous lisez n’ont pas l’air de s’additionner. Vous vous retrouverez à revoir les mêmes paragraphes deux ou trois fois. Votre cerveau va commencer à vous démanger. « J’ai raté quelque chose », vous direz-vous: « Ça n’a aucun sens. »

En fait, vous n’avez rien raté. Ça n’a pas de sens. Et c’est parce que le Cardinal Pell est innocent. Les allégations sont fausses. Pourtant, le système judiciaire australien, la presse australienne et la majorité du public australien refusent de l’admettre. Un homme innocent – un homme saint, doux, honnête et compatissant – passera les six prochaines années en prison. Ensuite, il passera le reste de ses jours sur terre en tant que pédophile violent.
Tout Américain honnête, quelle que soit sa croyance, devrait être outré par l’injustice flagrante qui s’est produite dans une nation-soeur de l’autre côté du Pacifique.

Comment est-il possible que tant d’institutions – toutes conçues spécifiquement pour protéger les droits individuels et garantir une procédure régulière – puissent échouer simultanément et de façon aussi désastreuse? La réponse est tout simplement l’anticléricalisme.
Les corrompus, les décadents et les dépravés ont toujours détesté le saint sacerdoce du Christ. C’était vrai dans le cas de saint Télémaque, l’ermite du Ve siècle qui s’est jeté entre deux gladiateurs et a été tout de suite été lapidé à mort par la foule. C’est encore vrai aujourd’hui dans le cas du cardinal Pell, le plus grand défenseur de l’enfant à naître en Australie, longtemps ridiculisé pour ses efforts visant à protéger les familles en abrogeant les lois australiennes sur le divorce sans faute.

Toutefois, l’anticléricalisme s’est répandu encore plus depuis l’enquête du Boston Globe « Spotlight » au début des années 2000. Les pays avec de grandes minorités catholiques (comme les États-Unis et l’Australie) se sont lassés des hommes en col romain. Dans notre culture, les prêtres catholiques sont jugés coupables à moins d’être prouvés innocents. Ce fut littéralement le cas du cardinal Pell, puisqu’il n’y avait aucune preuve pour le condamner – seulement les accusations invraisemblables d’un jeune homme dérangé. Il a été condamné parce qu’il n’a pas pu prouver qu’il n’avait pas agressé ces garçons il y a une vingtaine d’années. A moins qu’il n’ait installé la vidéosurveillance dans la sacristie de la cathédrale dans les années 90, il n’y avait vraiment aucune chance que la cour permette à Son Éminence de s’en sortir.

D’ailleurs, même si les deux juges qui ont confirmé la condamnation ne sont pas eux-mêmes anticléricalistes, quel choix avaient-ils ? Le Cardinal Pell a été condamné par le tribunal de l’opinion publique il y a longtemps. Sa vie est déjà ruinée. Pourquoi devraient-ils entrer dans l’histoire comme ceux qui ont laissé un évêque pédophilie s’en tirer sans encombre? Parce que c’est juste? C’est une notion désuète, bien que ce ne soit pas vraiment quelque chose qui aitun rapport avec la classe juridique moderne.
Si de tels stéréotypes malveillants visaient n’importe quelle autre religion, ils seraient, bien sûr, décriés par tous les gens bien pensants comme venant de bigots sans vergogne. Par exemple, en avril dernier, le New York Times a publié une caricature grotesque dans son édition internationale montrant un chien avec le visage de Benjamin Netanyahu dirigeant un Donald Trump aveugle. Le chien portait une étoile de David sur son collier; son propriétaire portait une kippa. Le Times a été fustigé et a été contraint de s’excuser, à juste titre.

Pourtant, je doute qu’il y ait une réaction contre The Australian, le principal journal de centre-droit du pays, pour la caricature tout aussi vile qu’il a publiée le jour où l’appel du cardinal Pell a été rejeté. Elle montre un prêtre avec des cornes et une barbichette caché dans un confessionnal, qui est recouvert d’une énorme fermeture éclair, comme sur un pantalon d’homme. C’est vrai: l’anticatholicisme est vraiment le dernier préjugé qui reste acceptable.

Pourquoi? Parce que, dans des endroits comme Boston et Melbourne, la population nominalement catholique est en grande partie cela: nominale. Les gauchistes qui apportent un soutien de façade à la foi soutiendront néanmoins que l’Église doit « s’adapter à son époque » en ce qui concerne le mariage homosexuel, l’ordination des femmes, etc. Ces pseudo-catholiques donnent à leurs copains de gauche la permission de critiquer « leur » religion d’une manière qui serait autrement rejetée comme islamophobe, antisémite, etc.

Ces catholiques symboliques rappellent toujours une sainte grand-mère dont le souvenir leur donne encore une sorte d’affection nostalgique pour l’Église. Invariablement, c’est une paysanne polonaise analphabète, toujours en train de serrer son chapelet et de supplier saint Joseph de faire sortir son bon à rien de frère de la bouteille. Parce qu’ils ne détestent pas Babcia [grand-mère, en polonais] (même si elle était un instrument superstitieux et homophobe du patriarcat international), ils pensent qu’ils peuvent détester le dogme catholique, le rite catholique, le clergé catholique et pratiquement tous les catholiques pratiquants, sans se considérer comme des bigots anti-catholiques. En plus, ils aiment Joe Biden. Il est catholique, non?

Louise Milligan, principal bourreau du Cardinal Pell dans les médias australiens, s’inscrit dans cet esprit « catholique anti-catholique » comme un gant. Prenez ces extraits d’une interview accordée en avril au Financial Times:

Elle vient d’une famille irlandaise si catholique que sa grand-mère a refusé d’assister au mariage de l’un de ses 11 enfants parce qu’il n’avait pas lieu dans une église. Quand Milligan rencontre des femmes de son âge qui ont été agressées par des religieuses ou des prêtres, elle se dit « ça aurait pu être moi « ….
Milligan ne prétend pas être impartiale. Elle porte la colère des victimes de l’église comme une blessure de guerre. « J’ai été élevée comme une catholique très stricte et j’ai fait la communion en même temps que Julie Stewart [une victime], dit-elle. « Sa photo de première communion ressemblait à ma photo de première communion (…) ».

Il n’y a rien à voir ici, les amis. Juste une écolière catholique parfaitement normale.

Une partie du blâme doit aussi retomber sur nous: les fidèles catholiques dans les médias. Trop souvent, dans notre empressement à identifier les mauvais prêtres, nous oublions notre devoir de défendre les bons. Cela est devenu évident au fur et à mesure que les listes de « prêtres accusés de façon crédible » ont été acceptées comme preuve irréfutable de culpabilité. Aujourd’hui, de nombreux journalistes catholiques bien intentionnés contribuent à la culture de méfiance qui porte gravement atteinte au sacerdoce. Même si nous rejetons le stéréotype du prêtre pédophile, nous n’en faisons pas assez pour le réfuter.

Pourtant, nous avons autant le devoir de protéger les George Pells que de condamner les Theodore McCarricks. Les premiers peuvent même revêtir une importance particulière, précisément parce qu’aucun organe laïc ne risquera sa propre peau en exigeant un procès équitable pour un prêtre catholique âgé qui est accusé à tort de crimes odieux contre des enfants. À l’avenir, les journalistes catholiques doivent faire beaucoup plus pour protéger nos pères révérés de ces stéréotypes malveillants. Nous devons veiller à ce que les garanties d’une procédure régulière soient respectées et à ce que leur innocence soit présumée. On leur doit bien cela.
Nous le devons aussi à nos propres amis et familles, dont la foi dans le saint sacerdoce lui-même peut être corrompue par une rhétorique anticléricaliste. Nous le devons à nos fils, dont certains deviendront eux-mêmes prêtres, et qui souffriront durement aux mains des prêtres-prédateurs. Nous le devons à tous les jeunes hommes qui refusent d’accepter leur vocation sacerdotale, craignant la persécution légale et systémique, à juste titre, d’ailleurs.
Enfin et surtout, nous devons le faire pour nous-mêmes. L’Australie utilise le scandale Pell pour forcer notre clergé à violer le sceau du confessionnal si, en entendant la confession d’un confrère prêtre, celui-ci avoue avoir agressé des enfants. Rappelez-vous que les catholiques de Californie ont tout juste évité une loi semblable en juin dernier.

Ils s’en sont pris aux évêques, et maintenant ils s’en prennent aux prêtres. Qui vient après les prêtres? Les laïcs, bien sûr – moi. Vous.

NDT

(*) Au sujet de Louise Milligan, voir aussi:

Mots Clés :
Share This