En ces jours de cauchemar et de folie , l’information elle aussi est devenue folle. Comment s’informer sans tomber dans la spirale de la peur, de la panique et de la paranoïa? Qu’est-ce qu’une fakenew, et qui se charge de séparer la « bonne » information de la « mauvaise »?. Quelles sont les limites de la liberté de la presse? Aldo Maria Valli, utilisant le néologisme qui monte « ‘infodémie« , pose toutes ces questions, mais les laisse ouvertes. Ce n’est pas un hasard s’il conclut son article par une dernière question: « Oui, mais comment? »

On se souvient des propos du professeur Raoult, dans sa récente interview à « Marianne » (Entretien avec un expert):


Fin février, j’ai fait une vidéo dans laquelle je présentais les résultats chinois. Elle a été postée et partagée sur Facebook, qui l’a qualifié de « fake news » après avis d’un décodeur du Monde. Le site du ministère de la Santé a alors affiché que je propageais une fake news, mais l’a vite retiré. Et deux semaines après, le ministère me demandait de rentrer dans le conseil scientifique dédié au coronavirus…


Infodémie. Quand le virus touche aussi l’information

En ces temps de pandémie et de quarantaine, nous sommes tous à la recherche d’informations. Et plus nous la recherchons, plus nous nous rendons compte de la difficulté d’obtenir des informations claires, fiables et honnêtes. Nous disposons de beaucoup d’informations, mais les questions fondamentales restent encore sans réponse. Tout est comme plongé dans une sorte de brouillard, rendu encore plus dense par les inévitables bobards, les soi-disant fake news. Mais comment reconnaître les bobards au milieu d’une telle avalanche de nouvelles, de commentaires et d’évaluations? Notre bon sens est-il suffisant ?

En outre, la situation dans laquelle nous nous trouvons suscite l’inquiétude, l’inquiétude alimente l’anxiété, l’anxiété nous rend moins lucide et le manque de clarté nous rend plus vulnérable.

Le mot qui indique le chaos des informations qui se chevauchent est infodémie, qui ressemble, ce n’est pas un hasard, à épidémie et à pandémie. L’infodémie survient précisément lorsqu’il y a une circulation désordonnée d’informations, dont une grande partie n’est ni vérifiée ni vérifiable.

Mais comment soigner l’infodémie? Ici, le problème devient délicat. En premier lieu, on a envie de répondre: on la soigne en ne laissant intervenir que les experts. Mais, à part le fait qu’une source peut être un expert mais ne pas être capable de communiquer correctement, le problème est le suivant: qui décide quelle agence d’information a le droit d’informer et laquelle doit au contraire s’effacer? Comment déterminer si une source, tout en se présentant comme qualifiée, est réellement au service du citoyen ou d’un intérêt moins noble? Comment réguler le flux d’informations?

Le problème est particulièrement évident dans une situation telle que celle que nous connaissons actuellement. La santé publique est un bien primaire, qui doit être garanti et protégé par tous les moyens, et l’information joue un rôle décisif. Mais comment empêcher que la réglementation de l’information ne devienne en fait une forme de contrôle non pas dans l’intérêt du citoyen mais de quelqu’un d’autre? Comment pouvons-nous l’empêcher de glisser du contrôle légitime, pour protéger le citoyen, vers des formes de contrôle illégitime?

L’Agcom (équivalent italien du CSA?), l’Autorité de garantie des communications, dans un communiqué du 19 mars dans lequel elle dénonce « la diffusion d’informations trompeuses et scientifiquement non fondées sur divers types de maladies et sur les traitements ou moyens de prévention possibles » de la part d’un certain sujet (que je ne mentionne pas, parce que je veux pas aborder ici les cas individuels) [cf. ICI, ndt] va même jusqu’à dire :

« L’Autorité a finalement adopté un acte de rappel afin que tous les fournisseurs de services de médias audiovisuels et radiophoniques assurent une couverture d’information adéquate et complète sur le sujet du coronavirus covid-19, garantissant la présence d’experts faisant autorité dans le monde de la science et de la médecine afin de fournir aux citoyens-utilisateurs des informations vérifiées et fondées ».

Des mots qui peuvent être partagés en principe. Mais les questions posées au début reviennent: qui et comment peut établir a priori l’autorité d’une source donnée? N’est-ce pas aux utilisateurs, par une confrontation libre, d’attribuer plus ou moins de crédibilité aux sources? Et n’est-ce pas précisément la libre confrontation qui laisse émerger les sources les plus autorisées ?

L’Agcom poursuit :

« Afin de lutter contre la diffusion d’informations fausses ou incorrectes, l’Autorité a invité les fournisseurs de plateformes de partage vidéo à prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la diffusion sur le web, et en particulier sur les médias sociaux, d’informations sur les coronavirus qui sont incorrectes ou diffusées par des sources non scientifiquement accréditées. Ces mesures doivent également comprendre des systèmes efficaces de détection et de notification des infractions et de leurs auteurs ».


Très bien, mais une fois de plus, la question se pose: qui et comment peut-on déterminer si une source est plus ou moins « scientifiquement accréditée » alors que dans le même monde scientifique il y a si peu de certitudes? A ce rythme, n’y a-t-il pas une voie où, en fin de compte, seul le gouvernement peut avoir une légitimité de communication, tandis que toutes les autres sources, dans une mesure plus ou moins grande, peuvent être jugées « non accréditées » ? Que devient, à ce rythme, la liberté d’information garantie par l’article 21 de notre Constitution qui, rappelons-le, stipule que « toute personne a le droit d’exprimer librement sa pensée par la parole, l’écrit et tout autre moyen de diffusion » et que « la presse ne peut être soumise à autorisation ou à censure » ?

Si la pandémie nous inquiète, l’infodémie non plus ne peut pas nous laisser tranquilles.

Il semble que le premier à parler d' »infodémie » ait été David J. Rothkopf, en 2003, dans un article du Washington Post consacré à la confusion des informations pendant l’épidémie de Sras. L’article dénonçait les virus transmis par Internet et tous les autres médias, des virus qui peuvent créer une panique mondiale et déclencher des comportements irrationnels, mettant à l’épreuve les gouvernements, l’économie et la cohésion sociale elle-même. D’où, selon l’auteur, la nécessité de « systèmes d’alerte », afin de « réduire le nombre de foyers de distorsion et de déstabilisation ». « Cela ne signifie pas – ajoutait-il – réprimer l’information. Cela signifie qu’il faut gérer efficacement chaque foyer et présenter les faits de manière complète et rapide au public critique ».

La question est précisément la suivante: comment garantir, d’une part, le sérieux et l’honnêteté de l’information et, d’autre part, la liberté, en évitant des formes de répression plus ou moins explicites ?

Alexis de Tocqueville a écrit : « Pour profiter des avantages inestimables que procure la liberté de la presse, il est nécessaire de maîtriser les maux inévitables qu’elle engendre ».
Oui, mais comment ?

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