On trouve dans son très beau commentaire, en filigrane discret (au point que même ceux qui ne croient pas à sa théorie de l’ « empêchement » ne peuvent pas en être gênés) des allusions au fameux code Ratzinger. L’article est documenté par de nombreux liens que je n’ai pas reproduits: on se réfèrera à la v.o.

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Benoît XVI, portrait de famille papale: la toile de Natalia Tsarkova


Andrea Cionci
www.liberoquotidiano.it

Le voile [qui la cachait] est enfin tombé: une toile réalisée en deux ans a montré le pape Benoît tel qu’il est aujourd’hui. Autour de lui, dans l’isolement du monastère Mater Ecclesiae, se rassemble ce qui reste de la famille papale : plus de protonotaires, de chapelains, d’aumôniers, mais le très fidèle Monseigneur Gänswein, qui, d’une plume bien taillée, note assidûment les paroles de Benoît XVI – tel Baruch, secrétaire du prophète Jérémie – pour les rapporter au monde extérieur. Il y a aussi les Memores Domini, les pieuses femmes qui prennent soin de la personne du pape. Monseigneur Georg Ratzinger, à peine en retrait, « derrière le voile » de la mort, veille sur son frère Benoît XVI, le pontife le plus âgé de l’histoire, comme l’a rappelé son biographe Peter Seewald lors de la conférence du 30 octobre à Madrid.
Ainsi, Natalia Tsarkova, célèbre peintre russe et interprète inspirée d’une commande papale, a montré au public, le 3 octobre, une grande composition artistique, pleine de lumières inattendues, d’ombres transparentes, de voiles iridescents et de symbolisme allégorique.

Au monastère, l’atmosphère générale est scintillante, dramatique mais chargée d’une sérénité intime et d’amour pour un pape encore lucide et courageux dans sa force d’âme. En effet, on entrevoit la lumière de l’aube : on dirait ce monde nouveau dont parle Benoît XVI, auquel il sent qu’il appartient déjà, mais qui n’a pas encore commencé.

« L’étoile de Votre pontificat brillera toujours parmi nous », a dit le cardinal Sodano immédiatement après la Declaratio de 2013 et, comme une étoile, bien qu’obscurci, le blason de Papa Ratzinger brille. Le symbole – héraldiquement élégant et original – de son pontificat qui est resté en place depuis 2005 : même s’il n’est plus le « Pontife suprême » comme il l’a dit à Castelgandolfo en 2013, le pape Benoît l’a néanmoins conservé.

Dans le tableau, réalisé par Tsarkova de sa propre initiative, la sœur de droite coud un bouton sur la soutane blanche de Benoît, avec les 33 boutonnières, autant que les années du Christ. Cette soutane que le pape Ratzinger a gardée parce que, comme il l’a écrit au vaticaniste Tornielli en 2016, c’était « la chose la plus pratique et il n’avait pas d’autres vêtements disponibles ». Au-dessus, une autre Memores dépliant une nappe, avec le même geste qu’une Veronica.

L’ange gardien en armure nous frappe: d’un point de vue iconographique, il ressemble à l’archange Michel, une figure eschatologique (dans laquelle il n’est pas difficile de reconnaître le peintre), agenouillé et avec un regard d’adoration vers le Saint-Père, tout en lui remettant des papiers, des documents et un grand livre fermé. Tsarkova explique que l’ange montre les autres livres empilés en disant : « Saint-Père, regarde tous ces livres que tu as écrits. Il y a beaucoup plus à publier pour donner de la lumière à tes écrits ». Et en effet, il y en a, étant donné la puissance de l’erreur et du malentendu qui pèse sur ce grand pape.

Et les roses, apportées par une Memores, fraîchement cueillies dans la roseraie, symbole de la Vierge, mais aussi du martyre. Puis les détails, le chat roux du pape Benoît devant Saint-Pierre : la petite bête, à la signification spirituelle chrétienne bien connue, se lèche la patte parce que – croient les Russes – elle attend un invité qui est sur le point de quitter le Vatican : François.

Au-dessus, évanescente, la colombe de l’Esprit Saint qui, grâce à l’investiture divine, assiste le successeur de Saint Pierre dont la basilique, temple du Seigneur, comme pour Jérémie, est inaccessible à Benoît XVI. Au fond à gauche, l’autel de l’ancienne messe, rappelle Summorum Pontificum, le motu proprio avec lequel le pape a, en effet, restauré la messe en latin.

Les mains de Papa Ratzinger sont unies par le chapelet, chaîne d’amour pour le Christ et Marie, à laquelle il est très attaché. Autour de son cou, plus grande et plus lourde qu’on ne le perçoit, la croix, en or ; à l’annulaire, ce qui n’est pas l’anneau du pêcheur, (comme on l’a écrit) qui a été rayé et non brisé, mis de côté, mais l’anneau conciliaire qui ramène – vraiment – saint Pierre. Le détail le plus significatif, au premier plan, est l’eau, symbole de cette purification de l’Église réalisée par Ratzinger, sur laquelle le pape lui-même se reflète, jouant du piano. On a l’impression d’entendre sa musique où même les pauses sont expressives :  » Dum tacet clamat « , commente l’archevêque Gänswein.

Il est incroyable de voir comment les intuitions de l’artiste, spontanées et très peu consensuelles, ont rencontré la pleine approbation du pape Benoît qui a commenté, de sa voix subtile de toujours, que peu de gens comprennent : « C’est parfait : si l’artiste l’a voulu ainsi, le Seigneur l’a voulu ».

Bref, enfin un code expressif, un langage compréhensible par tous, pour une grande œuvre en don à l’Église, destinée « à ceux qui ont des yeux pour voir » et qui restera pour des siècles.

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