Le silence du pape sur l’affaire Rupnik persiste, une attitude que même Il Sismografo [le site para-vatican dirigé par le très progressiste Luigi Badilla, initialement soutien sans faille de François, et même créé pour cela, mais qui prend aujourd’hui de plus en plus ses distances] qualifie d’inexplicable et capable de discréditer gravement l’Église (Luisella Scosatti). Lors de son prochain voyage en Afrique, à la fin du mois, lors de la traditionnelle conférence de presse en vol (SI elle a lieu), le Pape devrait être mis au pied du mur, et, enfin, s’expliquer.

Rupnik, le silence de François fait mal à l’Église

Luisella Scrosatti
lanuovabq.it/it/rupnik-il-silenzio-di-francesco-fa-male-alla-chiesa

Le silence du pape sur l’affaire Rupnik persiste, une attitude que même Il Sismografo qualifie d' »inexplicable » et capable de discréditer gravement l’Église. Pendant ce temps, le témoignage d’une autre femme aggrave la situation du jésuite slovène. Lui et ceux qui l’ont couvert ne peuvent pas rester impunis. Et Bergoglio doit répondre de son action.

La manière dont est traitée ce qui est désormais, à tous égards, « l’affaire Rupnik », en déconcerte plus d’un. Y compris l’insoupçonnable Il Sismografo [ndt: article ici ilsismografo.blogspot.com] qui, à juste titre, accorde une large place à l’affaire et fait pression pour tenter de briser le silence du Vatican.

Dans un article daté du 12 janvier, la rédaction de Il Sismografo mettait la pression sur le pape, faisant allusion au fait qu’à l’occasion de son prochain voyage en République démocratique du Congo et au Sud-Soudan, prévu du 31 janvier au 5 février, il serait difficile pour François d’éluder les questions des journalistes sur le scandale impliquant le jésuite slovène, « excommunié pour des crimes graves, mais après seulement quelques jours, il a pu bénéficier d’une levée de cette sanction. Autrement dit une excommunication de quelques jours, une décision assez singulière du Vatican, un motif de surprise, d’amertume et de perplexité ».

Le pape n’aura pas à rendre compte des actions de la Congrégation pour la doctrine de la foi de l’époque, mais des siennes, puisque « la CDF, présidée par le cardinal jésuite espagnol. Luis Ladaria, a fait les deux choses [déclencher l’excommunication et la lever, note de Luisa S] en l’espace de quelques jours et n’a pu le faire que parce qu’il a reçu des ordres du pape François. Il n’y a pas d’autre explication. Dire ou suggérer autre chose ne correspond pas à la vérité ».

Nous sommes d’accord : il n’y a pas d’autre explication.

Le silence du pape, que l’article juge « inexplicable », « à la limite de l’énigme », et qui « peut avoir un coût très élevé pour toute l’Église », car il ne fait rien d’autre que « discréditer gravement l’engagement de l’Église contre les abus d’autorité, de conscience et les abus sexuels », n’est pas le premier. Et, nous le craignons, ce ne sera pas le dernier : « il y a beaucoup d’autres événements dans lesquels il s’est comporté de la même manière. Ce silence est une ligne, une orientation, un ordre, pas nouveau, et que le Pontife ne semble pas vouloir changer », souligne Il Sismografo.

Alors qu’à Rome tout est étouffé, les victimes continuent de parler publiquement. Et très probablement, ils le font parce que les mesures appropriées ne sont pas prises contre Rupnik. Ceux qui pointent du doigt, comme le cardinal Angelo De Donatis, le procès médiatique devraient d’abord réfléchir au fait que la soif de justice insatisfaite mène à l’exaspération. Tant que les victimes de Rupnik ne verront pas que des mesures sérieuses seront prises, non seulement contre lui, mais aussi contre ceux qui ont continué à le couvrir pendant des décennies, elles chercheront nécessairement un débouché médiatique.

Ainsi, une autre femme, qui préfère garder l’anonymat, révèle de nouveaux méfaits au journal La Repubblica. Un témoignage plus « léger » que ceux qui l’ont précédé, peut-être parce que Rupnik n’a pas réussi à la séduire jusqu’au bout. La femme, qui dans les années 2000 était au Centre Aletti pour travailler dans l’atelier dirigé par le père Rupnik, témoigne.

Des agressions non, des gestes déplacés oui, répétés et argumentés de manière spirituelle. Il me caressait le dos, j’essayais de m’éloigner et il me disait : « Pourquoi fais-tu cela? Ne trouves-tu pas beau que nous puissions faire cela ensemble, je suis un prêtre, ne t’inquiète pas, j’ai un regard pur sur toi ». Petit à petit, les gestes sont devenus de plus en plus insistants : il me prenait dans ses bras, et puis les étreintes, je ne les supportais plus : dans les conversations dans son bureau, il finissait par me prendre dans une étreinte serrée dont je ne pouvais plus me libérer. C’est une personne très intelligente, le harcèlement est subtil. Et au fil des ans, il a augmenté. Il savait graduer les choses en fonction de ma soumission qui grandissait.

Nous avons une fois de plus la confirmation de l’abus de son ministère spirituel, ce qui exige clairement qu’il soit complètement et définitivement privé du pouvoir de l’exercer.

Et puis cette approche progressive, de plus en plus insistante et poussée, que Rupnik a également utilisée avec d’autres femmes au Centre Aletti :

J’ai senti qu’avec certaines, il créait les mêmes situations, il utilisait les mêmes mots et les mêmes gestes. Aujourd’hui, je suis certaine que d’autres personnes ont vécu la même chose. Et aussi parce qu’avant et après moi, j’ai entendu parler de femmes qui ont quitté le centre Aletti sans crier gare, « mais elle était folle, elle avait perdu la tête, elle ne correspondait pas à notre façon de faire », disaient-ils. Pourquoi cette répétition des femmes qui doivent s’enfuir ? ».

Et comment se fait-il que cette fuite continuelle n’ait alerté personne, ni dans la Compagnie de Jésus ni chez les responsables du diocèse de Rome ?

L’importance particulière de ce nouveau témoignage réside dans le fait qu’il concerne un espace temporel qui se situe entre les abus du début des années 1990, survenus dans la Communauté de Loyola, auxquels se réfèrent les deux interviews accordées à Domani, et le fait de 2015, qui avait déclenché l’excommunication latae sententiae, retirée en un temps record sur ordre du pape François. Un signe que l’ « activité » de Rupnik n’a pas été interrompue.

La femme révèle en outre à Repubblica l’environnement « spirituel » qui l’a conduite à ne jamais remettre en question ce que Rupnik faisait ou disait : il ne s’agissait pas exactement de complicité, mais d’ « un climat tel que soit vous faites partie du groupe, soit votre place n’est pas ici. Il y a un groupe de femmes consacrées qui sont là depuis le début et qui donnent le rythme de la danse ». Une danse qui se poursuit sur les mêmes notes dangereuses, puisque la directrice du Centre Aletti, Maria Campatelli, n’a pas encore pensé à retirer du site les homélies de Rupnik, qui continuent à apparaître sur la page d’accueil.

En conclusion, une attaque directe contre le cardinal De Donatis, désormais indéfendable : « La déclaration du cardinal vicaire de Rome, Angelo De Donatis, est pour moi une tragédie morale : comment peut-il dire que c’est un procès médiatique ? Je le connais, c’était l’ami de Rupnik, il venait souvent. Sur Rupnik, à Rome, on savait tout depuis longtemps« .

Donc, retour à la case départ : quand De Donatis sera-t-il viré? Et le père Sosa Abascal ? Quand y aura-t-il une visite apostolique au Centre Aletti ? Combien de temps devons-nous attendre pour que Rupnik soit réduit à l’état laïc ? Et enfin, quand le pape François trouvera-t-il le courage de dire toute la vérité, rien que la vérité [nient’altro che la verità]?

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