J’ai acheté, et lu, par souci d’information et par curiosité (bienveillante!) le livre de mémoires du secrétaire maltais de Benoît XI, dont j’avais parlé ici: Secrétaire 1 contre secrétaire 2: le Vatican contre-attaque. Honnêtement, le livre est craquant, il se lit d’une traite, c’est une succession de très jolies anecdotes pleines de fraîcheur, loin de toute polémique, qui donnent une image de Benoît XVI assez étonnante, même pour moi qui croyais bien le connaître. On comprend ce qu’avait voulu dire un religieux de ses amis (je ne sais plus qui): « Son esprit peut s’envoler dans les étoiles, mais il a les pieds sur terre ». Ce sont ces « pieds sur terre » que montre le livre, avec le risque de réduire le grand intellectuel à l’anecdote – mais ne boudons pas notre plaisir. Mgr Xuereb est un homme attachant et bon qui a servi Benoît XVI avec tout son cœur, et qui l’a certainement aimé comme un père.


La préface du Père Lombardi ne manque pas d’intérêt, elle non plus, dans la mesure où elle illustre bien le titre que j’avais donné à l’article cité plus haut.

A noter, le livre est enrichi de la présentation d’AM Valli, qui sous le titre « Cet hélicoptère blanc » raconte, avec le regard de quelqu’un qui l’a vécue et commentée en direct comme reporter de la RAI, la journée du 28 février 2023.

Préface du père Lombardi

« I miei giorni con Benedetto »,
Editions San Paolo, 2023
Ma traduction

Mgr Alfred Xuereb a été pendant cinq ans et demi l’un des deux secrétaires personnels – plus précisément le « second » – du pape Benoît XVI, avec Mgr Georg Gänswein. Personne très discrète, il s’est toujours volontairement tenu à l’écart, afin de ne pas paraître plus que ce qui était strictement nécessaire à l’accomplissement de son rôle. Cependant, tous ceux qui connaissent le Vatican savent qu’il est l’une des personnes qui ont été les plus proches du Pape Benoît pendant la majeure partie de son pontificat, l’accompagnant surtout dans les contextes de sa vie quotidienne les moins connus du grand public, car éloignés des feux de la rampe et des images télévisées.

Pour une compréhension complète de la personnalité de Papa Ratzinger, son témoignage est donc très précieux. Son point de vue est différent de celui de la plupart des autres témoins. Il en est tellement conscient qu’il a fini par surmonter sa discrétion habituelle pour nous livrer ce journal comme une contribution à une « image plus vraie, plus précise et plus authentique de l’homme Joseph Ratzinger et du pape Benoît XVI ». Certes, à la fin de la lecture, nous n’aurons pas découvert d’informations confidentielles touchant à l’historiographie d’un pontificat, mais nous aurons mieux compris la sensibilité et le trait – et donc l’âme – d’un Pontife dont l’image publique est apparue le plus souvent de manière très partielle, quand elle n’a pas été déformée par d’inévitables simplifications ou altérations intentionnelles.

Le rapport entre l’archevêque Xuereb et le Pape Benoît est clairement filial. De nombreux passages de ce journal le disent explicitement. Nous pourrions également ajouter qu’il s’agit d’un rapport d’harmonie spontanée entre deux personnes unies par une attitude naturelle de discrétion, disons même d’une certaine pudeur et timidité, qui ne manque cependant pas de révéler une profondeur de sentiments d’une grande finesse, exprimés parfois avec une certaine « naïveté » qui est la marque indubitable d’une authenticité sereine et totale.

Il s’agit donc d’un journal particulier, émotionnellement intense, dans lequel les « petites choses » du quotidien sont plus significatives que les « grandes choses ». Les événements les plus marquants ne sont pas totalement absents, mais ils restent en quelque sorte à l’arrière-plan et sont considérés à juste titre comme déjà connus. Ce journal n’a pas été écrit pour eux. Ce qui est important, ce sont les détails des conversations de table des jours ordinaires, les attentions délicates aux personnes les plus proches de lui à différents moments de la journée, la relation très spéciale avec Monseigneur Ratzinger, le frère de Benoît XVI presque du même âge, l’atmosphère de la veille de Noël dans l’intimité de la petite « famille papale », avec les chants et les souvenirs d’enfance, etc.

Oui…, la « famille pontificale »… dans l’ « appartamento » …. Chaque Pape est vraiment différent, et nous sommes convaincus qu’il est bon qu’il en soit ainsi ! Le Pape François nous a expliqué dès le début de son pontificat qu’il avait décidé de rester à Santa Marta pour son « équilibre psychique ». C’était un message important, que nous avons accueilli avec joie dans sa nouveauté. [confirmation d’intention?]

A l’évidence, l’ « équilibre psychique » du pape Benoît avait des besoins différents, il venait d’une autre histoire… Et Mgr Xuereb nous aide à saisir l’humanité – simple et riche tout à la fois – d’un contexte de relations personnelles et spirituelles qui a accompagné et aidé Benoît XVI à porter jour après jour l’énorme charge de ses responsabilités pour l’Eglise universelle. C’est probablement la valeur la plus durable et la plus intime de ce journal.

Le récit se développe de manière ordonnée ; il est plus riche en observations au cours de la première année, étant donné la force des nouvelles impressions dans l’âme du diariste ; puis il s’enrichit de citations des discours et des interventions du pape, mais sans alourdir le récit : il est clair que l’auteur choisit bien les termes et les accents qui l’ont le plus touché. On comprend que ce sont surtout les voyages qui rythment le récit au fil du temps. Les pages dans lesquelles Mgr Xuereb exprime sa participation aux moments difficiles, de labeur et de souffrance, du service de Benoît XVI ne manquent pas. Mais les nombreux beaux moments retrouvent aussi leur place, parfois oubliée. Discrètes et subtiles sont les références à la force déclinante du Pape ; riches d’une grande émotion contenue sont les pages sur la renonciation.

Mais le ton continu est celui d’une grande sérénité, d’une foi vécue dans le service et la prière. Une fois la lecture achevée, nous pouvons le porter avec nous, comme fruit. Au fond, le service de la foi a certainement été le sens le plus profond de tout le pontificat de Benoît XVI. Ce journal nous aide à comprendre un peu plus comment ce service a été réellement vécu et mis en œuvre jour après jour dans la foi.

Federico Lombardi SJ
Président de la Fondation Joseph Ratzinger

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