Parmi les participants au Synode sur la Synodalité d’octobre prochain, dont la liste vient d’être publiée, un nom se détache au milieu des personnalités invités par le Pape, celui du militant italien d’extrême-gauche, figure de proue de l’immigrationisme, Luca Casarini (actuellement à la tête de l’ONG Mediterranea Saving Humans, voir Annexe), habitué de longue date de la lutte violente (il était déjà à Gênes en 2001) et apparemment dans les petits papiers de François puisqu’il était déjà invité à la mascarade #notalone en juin dernier.
Mais il y a bien d’autres noms qui choquent, dans les personnalités nommées par François pour ce synode, où la mouvance LGBTQ+ sera représentée en force (avec James Martin, sj, comme tête de file), et qui donnent une idée claire de la tournure qu’il entend donner à la rencontre. Et ce n’est pas la présence du cardinal Müller et de quelques autres de l’aile « conservatrice » (une manœuvre papale pour donner l’impression que tout le monde à la parole?) qui rachètera l’ensemble.

A noter, il y a 11 Français, dont 4 évêques (plus le cardinal Aveline de Marseille) et Frère Aloïs, le prieur de la communauté de Taizé (voir liste ici: https://press.vatican.va)

No-global, protestataires et pro-LGBT : des visages bien peu synodaux défilent au Synode

Nico Spuntoni
lanuovabq.it

La nomination du blasphémateur Luca Casarini parmi les invités spéciaux du Synode a semé le trouble. Mais la situation n’est pas meilleure non plus du côté ecclésial : les activistes homosexuels Martin, De Kesel et Inogés Sanz ont été personnellement nommés par Bergoglio. Et il y a aussi le théologien Dianich, qui a signé le document dissident contre Ratzinger et saint Jean-Paul II.

Ceux qui pensaient à une homonymie paradoxale seront déçus : ce Luca Casarini invité spécial à la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques est exactement le même Luca Casarini connu des chroniques pour avoir été un leader de la gauche antimondialiste au G8 de Gênes en 2001. Qui sait s’il n’a pas été un peu étonné de l’apprendre, repensant à cette vidéo, récemment rediffusée, dans laquelle il blasphémait et faisait référence de manière peu élégante à un groupe de migrants invités à se mettre en tête du cortège.

L’ex porte-parole des Centri Sociali del Nord-Est au Vatican en octobre prochain sera porté par son activisme dans l’accueil des migrants, qui lui a valu il y a déjà trois ans une lettre d’appréciation du Pape [ndt « comptez sur moi… »] et d’autres attentions de la part du Saint-Siège. Une cause qui le voit aujourd’hui chef de mission de Mediterranea Saving Humans [ICI], critique des politiques migratoires du gouvernement actuel au point de souhaiter un « Nuremberg de l’Holocauste méditerranéen » où – selon lui – le ministre de l’Intérieur Matteo Piantedosi « sera jugé » ; hier, elle le voyait animer les rues comme cette fois à Trieste en 1998 où, comme tant d’autres fois, les manifestants en sont venus aux mains avec la police pour protester contre les centres de détention des migrants.

Bref, Casarini est resté le même : les changements, eux, c’est Oltrevere qu’on les trouve. La participation officielle de l’ex-leader antagoniste en tant qu’invité spécial au Synode intervient quelques jours après l’audience accordée par le pape à Bill Clinton. C’est à l’ancien président américain que l’on doit l’initiative des bombardements de l’OTAN sur la Serbie et le Kosovo en 1999, contre lesquels Casarini s’est fait connaître au-delà des frontières nationales en prenant d’assaut la piste de l’aéroport de la base d’Istrana.

Mais il serait erroné de ne s’attarder que sur le nom de l’ancien porte-parole no-global qui, grâce à son CV de dénonciations, de procès et de controverses, est logiquement celui qui fait le plus de bruit en Italie sur la liste des participants au Synode. Casarini, au moins, ne sera pas électeur, contrairement au père James Martin, sj, auteur de « A Bridge to Build » [« Un pont à construire. Une nouvelle relation entre l’Église et les personnes LGBT »] et le visage-symbole de ceux qui savent en quoi devraient consister ces « mesures concrètes pour rencontrer les personnes qui se sentent exclues de l’Église en raison de leur affectivité et de leur sexualité » mentionnées dans l’Instrumentum laboris. Martin est l’un des six Américains choisis personnellement par François pour assister et voter au synode, une décision qui constitue un nouveau camouflet pour la majorité de l’épiscopat US.

Si des profils comme Timothy Broglio, Daniel Ernest Flores, Robert Barron, Kevin Carl Rhoades et Timothy Michael Dolan ont été choisis par la Conférence épiscopale américaine, voilà que le Pape « rééquilibre » l’orientation clairement dominante parmi les évêques en nommant les cardinaux Blase Joseph Cupich, Wilton Gregory et Robert Mcelroy, qui représentent la ligne minoritaire qu’il privilégie, comme l’a montré l’attribution de la pourpre au cours des dernières années. Cette méthode semble peu en ligne avec la synodalité et la collégialité mentionnées dans l’Instrumentum laboris.

Parmi les autres participants de nominations pontificales émergent les noms d’autres loyalistes tels que le jésuite Antonio Spadaro et Mgr Marco Mellino, secrétaire du Conseil des cardinaux. François souhaitait que des personnalités comme le cardinal à la retraite Jozef De Kesel, qui s’est déjà déclaré en faveur de la célébration des relations homosexuelles, ou la théologienne espagnole Cristina Inogés Sanz, lauréate du prix Arcoinbow qui lui a été décerné par la « communauté chrétienne LGTBQI+ Crismhom de Madrid pour son travail en faveur de la visibilité des personnes LGBTQI+ au cours du processus synodal », participent au synode par nomination directe.

La disproportion de ces nominations ad personam pourrait inévitablement conditionner l’issue des discussions lors des deux sessions synodales sur les sujets les plus conflictuels. Face à cela, la décision d’appeler le cardinal Gerhard Ludwig Müller et l’évêque de Passau, Stefan Oster, deux authentiques Ratzingeriens, plutôt qu’une garantie de pluralisme, peut donner l’idée d’une feuille de vigne.

Parmi les invités spéciaux, à côté du no global Luca Casarini, figure le don Severino Dianich, 88 ans, théologien, qui a participé aux réunions préparatoires de ce parcours synodal et qui a toujours soutenu la thèse d’un fossé entre le charisme et l’institution dans l’Église. On se souvient également qu‘il a signé le document dit des soixante-trois dissidents de Rome (Jean-Paul II sur le trône papal et Joseph Ratzinger, préfet de l’ancien Saint-Office) sur la morale et l’herméneutique du Concile Vatican II. Selon Dianich, « on n’enlèverait rien à la foi qui reconnaît dans le ministère ordonné un charisme constitutif de la structure de l’Église si l’attribution des charges ecclésiastiques, la nomination des évêques et l’administration des biens matériels étaient des questions déléguées à des décisions de nature synodale » .

Une vision qui se heurte toutefois à l’approche centralisée de la nomination des participants au Synode qui ressort des récents amendements à la Constitution apostolique Episcopalis Communio et qui voit également le choix des membres non évêques effectué directement par le pape en les sélectionnant sur une liste de 140 personnes à leur tour identifiées (et non élues) par les réunions internationales des conférences épiscopales. D’ailleurs, l’un des derniers amendements à cette Constitution apostolique précisait également que « les représentants des dicastères qui participeront sont ceux indiqués par le Saint-Père ». De fait, contrairement aux derniers synodes, le nom du cardinal Mauro Piacenza, pénitencier majeur, dont on connaît les positions en faveur du célibat des prêtres et contre l’ordination des femmes, ne figure pas parmi les curiaux.


Annexe

A propos de cette participation inattendue, Luca Casarini a accordé une interview au Corriere della Sera. Comme il est inconnu en France, l’interview en soi n’aurait pas grand intérêt, sinon que l’homme aurait connu une forme de conversion, pas forcément au catholicisme, dont il est issu, mais à une sorte de religion « do-it-yourself » – le salmigondis habituel sur l’église des pauvres, l’amour et l’accueil dont François nous abreuve et dont il est la caricature vivante.
Les exemples que Casarini cite justifient d’ailleurs la méfiance, prêtres de rue comme ce don Gallo, plus communiste que catholique, dont les funérailles ont été célébrées dans la cathédrale de Bologne au son de Bella ciao, cf. benoit-et-moi.fr/2013. Ou don Ciotti, prêtre médiatique spécialisé dans la lutte contre la mafia, cf. benoit-et-moi.fr/2014.
Mais l’interview est un document de premier ordre pour comprendre où va l’Eglise sous Bergoglio: #notmychurch, en fait…. (mais, qui suis-je pour juger ?). C’est ce qui fait tout son intérêt.

Luca Casarini, de l’ancien leader des centres sociaux et des émeutes du G8 à Gênes à « l’invité spécial » du pape François au prochain synode des évêques : satisfait de ce rôle prestigieux ?
« Absolument oui, c’est un grand honneur et une grande opportunité pour moi en tant que personne, mais aussi un message fort de soutien à Mediterranea Saving Humans et à tous les sauvetages civils en mer. Avec Mediterranea, nous serons également présents à une rencontre avec les évêques, du 18 au 24 septembre, promue par le diocèse de Marseille [en présence du Pape, ndt], préparatoire à un éventuel Synode de la Méditerranée auquel participeront des entités laïques et chrétiennes ».

.

Quelle contribution apporterez-vous au Synode des évêques ? Quelles sont les autres orientations de l’engagement du « nouveau Casarini » avec l’Église ?
« Je travaille en étroite collaboration avec Caritas en Ukraine et avec Migrantes. Je vais au Synode pour écouter, mais je voudrais certainement partager l’expérience que je vis depuis cinq ans en mer avec les migrants parce qu’elle parle du même Évangile que le pape François, ainsi que de son encyclique Fratelli Tutti : c’est-à-dire l’importance de sentir les autres et en particulier les plus faibles comme des frères et des sœurs. Celles que nous appelons les démocraties traitent certaines catégories de personnes différemment et inégalement : ce sont les plus pauvres qui arrivent du Sud, ceux que nous trouvons en Libye, dans les camps de réfugiés turcs financés par l’UE, qui meurent dans les naufrages de Cutro et de Pylos. Si nous n’abordons pas ces questions sérieusement, les démocraties fondées dans l’après-guerre sur le concept des droits de l’homme perdront leur sens ».

.

Sur le plan personnel, que vous ont appris les cinq années passées au sein de Saving Humans ?
« L’élément de l’amour viscéral, une expression qui revient souvent dans l’Évangile mais aussi dans le Coran. Elles m’ont aussi appris la nécessité d’un engagement personnel : face à la souffrance, il faut agir, ne pas accepter ce que le pape François appelle la mondialisation de l’indifférence, un monde construit sur ce niveau d’inégalité. J’ai compris que personne n’est sauvé seul, l’action doit être mue par l’amour, comme une arme très puissante ».

.

Que représente le pape François pour vous ? On sait que vous avez une relation amicale….
« Le pape François représente une Église qui choisit de se confronter au monde. Elle met en scène non pas un pouvoir, mais un condamné à mort, Jésus-Christ, cloué sur une croix. Grâce à ce que nous faisons avec Mediterranea in mare, avec le Pape et avec de nombreux évêques, nous avons construit une relation solide basée sur l’action, sur le concret, sur la pratique du sauvetage civil en mer. C’est une relation basée sur une grande estime, une grande amitié et surtout une grande fraternité. Se rencontrer en faisant les choses ».

.

Ne craignez-vous pas, avec cette invitation, de devenir un « cas », un problème plutôt qu’une ressource ?
« Avec le Pape, au cours de ces années, j’ai souvent échangé. Nous nous connaissons bien, le Pape nous a toujours soutenus et aidés, même dans ces moments difficiles. On peut me considérer un peu comme la ‘pierre du scandale’. Qu’est-ce que quelqu’un comme moi fait parmi les évêques? Mais je pense que c’est plutôt l’esprit que le pape veut donner ».

.

Vous qui étiez un opposant dans la rue, avez-vous trouvé la foi ?
« Ces dernières années, j’ai découvert des prêtres de rue, des religieuses dans les camps de réfugiés qui apportent une aide précieuse dans la gestion, des paroisses qui sont des lieux de refuge pour les rejetés. Des gens comme don Gallo, don Ciotti… Au Synode, il s’agira d’un rassemblement de personnes qui font les mêmes choses. Je vis maintenant en Sicile, avec Mediterranea nous sommes à Tarpani pour une escale technique, mais dans quinze jours nous serons en mer, entre-temps je pars en Ukraine avec Caritas, Sant’Egidio, les Salésiens. Je ne renie pas mon histoire d’opposant, en ce qui concerne la foi, je me sens plus chrétien que catholique, proche de ceux qui vivent leur foi en Jésus, le plus grand révolutionnaire de tous les temps. Après tout, je viens d’une famille d’ouvriers catholiques, j’ai fréquenté l’église jusqu’à l’âge de 12 ans, puis je me suis éloigné. Bergoglio a ouvert une porte et m’a rapproché de l’Église des derniers et des pauvres. Le pape essaie de changer beaucoup de choses. Ce monde doit être changé. Et face au défi posé par les migrations, il est fondamental de reconnaître que nous appartenons tous à la famille humaine ».

.

https://www.corriere.it

Mots Clés :
Share This