Paolo Gulisano, médecin très présent lors de la « pandémie » mais aussi spécialiste de Tolkien (ce qui explique la question finale) interviewe Aldo Maria Valli. Entre parenthèses, deux hommes courageux dont je partage beaucoup d’idées… mais pas toutes. Refermons la parenthèse.
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L’article commence par une présentation du dernier livre d’AM Valli, dont nous avons parlé dans ces pages (cf. Le Pasteur et les loups). Mais le sujet est évidemment le Synode, que le premier attribue aux loups, ceux que redoutait le pape nouvellement élu Benoît XVI, et le second à la fraude (nous venons d’en avoir un exemple éclatant avec le traficotage louche des dates opéré par l’homme qui incarne la doctrine de François).
Un tableau sombre, mais hélas tristement réaliste. Le but des loups/fraudeurs est de faire passer l’idée que les réformes sont réclamées à cor et à cri par « le peuple » unanime, alors que le peuple n’a pas été consulté et, dans sa grande majorité, s’en fiche éperdument

Si le projet de Bergoglio et des élites mondialistes qui l’ont soutenu était de faire du catholicisme tabula rasa, ces messieurs peuvent déjà dire aujourd’hui : mission accomplie.

Le but du synode sera de certifier tout cela en prétendant qu’il s’agit de la « volonté du peuple ».

Fraude et mystification.

Coup d’envoi du synode de la fraude. Entretien avec Aldo Maria Valli

AM Valli
(et www.informazionecattolica.it)

A la veille de l’ouverture du Synode sur la synodalité, nous avons voulu interviewer Aldo Maria Valli.
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Vaticaniste de la RAI depuis des années, l’un des plus fins observateurs de la vie de l’Église, Aldo Maria Valli poursuit son engagement dans le domaine de l’information avec un blog très populaire, Duc in altum, et avec la publication de livres. Le dernier en date est Il pastore e i lupi, un rappel de Benoît XVI et une œuvre de justice envers l’un des papes les plus contestés de l’histoire, mais aussi une lecture analytique et attentive de son pontificat, de son magistère, ainsi que de ses idées et de ses choix.

Valli écrit avec sincérité qu’il n’a jamais partagé le choix de renoncer à la papauté, mais il se distancie des conspirations et des interprétations fantaisistes (mafia de Saint-Gall, code Ratzinger) et déclare, faits à l’appui [??], que la cause de la renonciation était l’épuisement physique et moral du pape.

À la fin, le livre propose une interprétation des dix années de pontificat émérite qui ne manquera pas de faire débat, car elle éclaire toute la parabole humaine et intellectuelle de Ratzinger d’une lumière nouvelle et dramatique. Selon l’auteur, cette décennie n’a pas été, comme on l’a dépeint, une période de prière sereine dans le recueillement : elle a été un tourment, car Ratzinger a mesuré l’abîme dans lequel l’Église s’enfonçait et continue de s’enfoncer. Le drame de Ratzinger, c’est qu’en tant que pape émérite – et précisément à cause de sa démission, que Valli juge comme un acte conforme au modernisme dans lequel Ratzinger avait grandi et dont il avait été l’un des représentants au Concile, même s’il avait ensuite emprunté une voie « modérée » – il a pu toucher de sa propre main le fruit ultime de la dérive moderniste : le pontificat de François.

Aldo Maria Valli, un synode des évêques est sur le point de commencer (qui, soit dit en passant, voit la présence de nombreux « experts » non évêques appelés à participer) qui pourrait changer radicalement le visage de l’Église. À quoi devons-nous nous attendre ?

Ce synode, je l’appelle le synode de la fraude. On a fait croire qu’une demande de changement dans de nombreux domaines (morale sexuelle, rôle des femmes dans l’Église, démocratie participative) émanait du « peuple de Dieu », alors que ce n’est pas le cas. En réalité, il s’agit des vieux chevaux de bataille habituels et usés du modernisme post-conciliaire, et ce n’est pas le « peuple » qui les met en avant : c’est une bureaucratie ecclésiale sclérosée.

La phase préparatoire tant vantée a été un échec : les diocèses ont surtout manifesté leur désintérêt. Mais le récit officiel insiste sur la participation. Nous sommes donc en présence d’une fraude à l’intérieur d’une fraude. On jette la pierre et on cache la main. Les changements sont introduits au cri de « c’est le peuple qui le veut ». Ces hiérarques sont très éloignés de la réalité et continuent à poursuivre leur rêve idéologique.

Depuis la parution de l’Instrumentum laboris du Synode, le document programmatique de l’assemblée qui va commencer, on parle d’une version remixée de toutes les initiatives du pontificat bergoglien. Les discours, désormais sirupeux et sentimentaux, sur les homosexuels qui veulent s’aimer, les divorcés qui veulent se remarier, les prêtres qui veulent aussi se marier, la tentative de plus en plus explicite d’abroger le sixième commandement, les femmes qui veulent être ordonnées prêtres, la Terre nourricière qui ne veut pas être violée. Mais il semble que l’accent soit désormais mis sur autre chose : la chose la plus importante à propos du synode est la synodalité elle-même. C’est marcher pour marcher, sans penser à l’endroit où le chemin nous mène.

C’est l’aspect le plus grotesque et le plus révélateur. Ces hiérarques qui n’ont rien à dire, et qui ont manifestement perdu la foi, se retranchent dans la dernière casemate : la synodalité. Ainsi, ce qui était la méthode (Paul VI voulait que le synode des évêques donne une continuité à la méthode de travail conciliaire) est devenu le contenu. Ils se sont repliés sur eux-mêmes et exigent même que le « peuple », instrumentalisé par eux, les suive. En réalité, les fidèles ordinaires se moquent de la synodalité, comme nous l’avons vu dans la phase préparatoire. Comment peut-on s’enthousiasmer pour un tel argument ? Ces néo-modernes tonnent contre le cléricalisme et se révèlent être les plus cléricaux de tous. Ils ont complètement perdu le sens des réalités. Et ils ne se rendent pas compte que dans leur besoin désespéré de courir après le monde, ils deviennent même ridicules, comme lorsqu’ils annoncent en grande pompe que le synode prendra des mesures pour compenser les émissions de CO2 causées par les assises. Parce qu’ils ne croient plus en Dieu, ils croient en tous les mythes et dogmes du monde. Et ils les défendent.

Vous écrivez qu’il faut se souvenir de Benoît XVI pour la proposition audacieuse qu’il a faite au monde contemporain : récupérer l’idée de vérité, remisée au placard par la pensée des Lumières. Ce synode pourrait-il tourner de manière décisive la page de la mission assumée par Ratzinger ?

L’ensemble du pontificat de Bergoglio porte un coup terrible à ce que Benoît XVI avait laborieusement tenté de construire et de reconstruire, tant au sein de l’Église que dans les relations entre l’Église et le monde. Le synode n’est que la dernière pièce d’un tableau dévastateur. Le pape est devenu l’aumônier de l’ONU et de tous les organismes mondialistes, où Ratzinger avait introduit les « principes non négociables ». Ambiguïté et duplicité sont les étendards de ce pontificat, où Ratzinger avait tenté de revenir au « oui oui, non non » qui doit caractériser la pensée et le discours catholiques. L’expression « tourner la page » ne rend pas l’idée. Ici, on veut faire terre brûlée de tout élément résiduel véritablement catholique. On veut arriver à une Église liquide qui n’a plus rien à dire mais qui épouse les idées et les récits du monde. C’est le même chemin qu’ont déjà emprunté les protestants, qui se sont en fait totalement anéantis et ont atteint l’insignifiance. Voilà l’objectif.

Ce synode serait-il aussi le chant du cygne du pape François qui, il y a dix ans, se présentait comme le pape venu renouveler l’Église et incarner le leadership du progressisme dans le monde ?

Un chant du cygne empoisonné. Car ce sera là le dernier coup de bâton d’un destructeur en série. Mais la crédibilité de ce pape est aujourd’hui au plus bas. Dans les palais sacrés, on ne le supporte plus et on attend avec impatience que le despote quitte la scène. Mais en même temps, ils ont peur de lui, car le dictateur fait payer. Quant aux catholiques, les audiences du mercredi sur la place Saint-Pierre sont éloquentes : la place est vide.

Le pape ne fait que répéter les mêmes concepts. Le « pape de la miséricorde » est très attentif à paraître miséricordieux avec ceux qui sont loin (voir l’hommage à Napolitano), mais il n’exerce pas la seule forme de miséricorde qui incombe au successeur de Pierre : confirmer les frères dans la foi. Le troupeau est dispersé, les divisions se multiplient, la confusion se répand à tous les niveaux. À la tête du dicastère pour la doctrine de la foi, nous avons quelqu’un comme Tucho Fernández, connu comme l’expert dans l’art du baiser.

Si le projet de Bergoglio et des élites mondialistes qui l’ont soutenu était de faire du catholicisme tabula rasa, ces messieurs peuvent déjà dire aujourd’hui : mission accomplie. Le but du synode, comme on l’a dit, sera de certifier tout cela en prétendant qu’il s’agit de la « volonté du peuple ». Fraude et mystification.

Certains commentateurs ont observé que ce Synode pourrait précipiter le passage de l’Église vers sa dissolution définitive. Les loups dont parlait le cardinal Ratzinger peu avant de devenir le successeur de Pierre vont-ils se déchaîner ?

Il n’y a pas grand-chose à précipiter. L’autodissolution bat son plein. Le troupeau est dispersé. Des loups déguisés en bergers ont réussi à le désorienter. Les divisions augmentent de jour en jour et les brebis, complètement désorientées, se battent entre elles. Je vois le synode non pas tant comme une occasion où les loups se déchaîneront, mais plutôt comme la scène sur laquelle ils monteront pour proclamer, dans un ton mélodieux et un langage coloré typiquement clérical : « Vous voyez ? Les gens nous demandent ces changements, et nous, au nom de l’inclusion et de la miséricorde, nous répondons à leurs demandes ».

Tout cela est faux. Car le peuple, ou du moins la partie des fidèles qui n’a pas encore été chloroformée, demande exactement le contraire, c’est-à-dire le retour à une certaine foi, à la doctrine juste, à la tradition. Mais le jeu des idéologues est toujours le même : rejeter la réalité pour ce qu’elle est et imposer leur propre réalité.

Dans le Seigneur des Anneaux de Tolkien, alors que le mal semble triompher, Frodon demande à Sam : « mais qu’espérons-nous ? ». Je vous pose également cette question.

J’espère dans le bon Dieu. J’espère en son Fils incarné et venu parmi nous pour nous racheter du péché. J’espère en l’Esprit Saint, notre avocat. Nous le savons : Deus non irridetur. Il n’est pas possible de se moquer de Dieu. Nous ne savons pas quand et comment, mais le Père, qui semble aujourd’hui distant, nous le fera payer.

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