Hier, j’ai traduit un article TRÈS IMPORTANT d’AM Valli, qui expliquait pourquoi nous nous trouvions dans une situation « d’exception », bien différente de tout ce que l’Eglise a connu, au moins dans les temps récents: une situation où c’est le Pape lui-même qui, sous le couvert de la synodalité, manœuvre contre l’Eglise, dans l’indifférence comateuse de la très grande majorité des catholiques, pour créer rien de moins qu’une nouvelle religion. Son article a reçu beaucoup de visites et fait beaucoup réagir, et comme il le fait souvent, il se propose de le prolonger par un débat entre ses lecteurs.

Je doute que mon modeste site suscite autant de réactions, mais l’article que j’ai traduit hier a reçu un nombre inhabituel de clics, et je serais heureuse si je pouvais de cette façon contribuer – au moins un tout petit peu – à une prise de conscience de la gravité de la situation dans le milieu francophone. Là, nous ne sommes plus dans l’anecdote, ni même dans la critique. Nous sommes au cœur d’un bouleversement sans précédent.

En attendant, voici la réflexion ultérieure de notre vaticaniste, et une première réaction, qui explique brillamment le concept de Sede usurpatafaisant sans doute écho à celui de Sede impedita, appliqué à Benoît XVI et théorisé par Andrea Cionci (même si l’idée est techniquement différente, les objectifs coïncident à peu près, comme la conclusion « Bergoglio est un imposteur » et on se plaît à imaginer, pourquoi pas, une « convergence des luttes »… enfin, c’est mon avis).

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www.aldomariavalli.it/2023/10/11/non-una-crisi-ma-una-rivoluzione-reazioni-al-mio-articolo-e-qualche-ulteriore-elemento-di-riflessione/

Après mon article Ce n’est pas seulement une crise, c’est une révolution. Voilà pourquoi il faut être contre-révolutionnaire pour être catholique, des amis m’ont écrit pour me féliciter. Ils me disent tous que j’ai tapé dans le mille. J’accepte très volontiers les compliments, mais je me sens surtout encouragé à poursuivre ma réflexion.

Depuis un certain temps, je pense que face à ce qui se passe dans l’Église, une nouvelle lecture est nécessaire, avec en conséquence l’utilisation de nouveaux concepts. Les anciennes catégories ne sont d’aucune utilité pour interpréter des phénomènes sans précédent. Et il me semble qu’en ce sens, l’idée exprimée dans mon article, à savoir que nous sommes confrontés non pas à une crise mais à une révolution, pourrait être une bonne piste.

Le mot crise ne me semble pas approprié car il ne s’agit pas seulement et pas tant d’une transition, mais d’une subversion. Il ne s’agit pas d’un simple changement ou ajustement. Nous sommes face à un renversement. Nous sommes face à une volonté de subversion, dans le but d’arriver à quelque chose de totalement nouveau : une nouvelle église pour une nouvelle religion.

Il m’a fallu beaucoup de temps pour ouvrir les yeux. Mais peut-être ne voulais-je pas les ouvrir. Je ne pouvais pas accepter la réalité d’un pape subversif. Mais aujourd’hui, après la façon dont le synode sur la synodalité s’est déroulé et après Laudate Deum, il est impossible de ne pas voir. La rupture se produit simultanément au niveau de la structure et du contenu. Dans Laudate Deum, malgré le titre (ce titre ironique est une constante, comme pour Amoris laetitia et Traditionis custodes), Dieu est relégué dans un coin, presque comme s’il s’agissait d’un accessoire mineur. Et le synode sur la synodalité n’est rien d’autre que l’expression d’un faux assembléisme dégoulinant de démagogie dont le but est double : dissimuler le véritable despotisme qui caractérise ce pontificat et rejeter la responsabilité des choix sur la synodalité.

Il faut souligner que le processus révolutionnaire auquel nous sommes confrontés n’a pas commencé avec Bergoglio. Le Big Bang, si nous voulons vraiment en identifier un, a été le Concile Vatican II. C’est à partir de là que le glissement de terrain qui est en train de tout balayer s’est mis en branle, et avec le pontificat de Bergoglio, il s’est accéléré de manière spectaculaire.

On dira : mais comment pouvez-vous également qualifier vos bien-aimés Jean-Paul II et Benoît XVI de révolutionnaires ? Je répondrai immédiatement : je ne les appelle pas révolutionnaires au sens plein du terme, mais certainement, en observant tout dans la perspective actuelle, je soutiens que déjà dans ces pontificats il y avait des éléments de subversion (je pense en particulier à l’œcuménisme, au dialogue interreligieux et à la question de la liberté religieuse) qui, avec Bergoglio, sont arrivés à pleine maturité.

Pour en revenir au présent, je souligne que pour s’imposer, la révolution a besoin de déstabiliser, et pour déstabiliser, elle doit désarticuler. D’où la marginalité de plus en plus marquée des évêques, réduits à des auxiliaires du prince, à une bureaucratie obtuse qui ne peut qu’exécuter les diktats de Sainte Marthe, sous peine de marginalisation, voire pire. Une réduction qui se fait (par peur, par lâcheté, par stupidité ?) avec la complicité des victimes elles-mêmes, apparemment heureuses d’être normalisées par le despote, comme le montrent les initiatives diocésaines visant à exalter à la fois le synode et Laudate Deum.

A propos de mon article, un ami lecteur m’écrit : « Vatican II a été le 1789 de l’Eglise, comme l’a suggéré Ratzinger lui-même. Le fait est que la Terreur est venu après 1789″.

Et une lectrice m’écrit : « Ce fut pour moi le déclic dont j’avais besoin pour prendre courage et devenir, si Dieu le veut, une contre-révolutionnaire, avec tous les catholiques indietristes déterminés à faire quelque chose de concret pour garder les lampes allumées, afin que Jésus, à son retour, n’ait pas à dire : Je ne vous connais pas ! Le moment est peut-être enfin venu pour moi de me réveiller de cette léthargie profonde, confortable, tiède, silencieuse et opportuniste dans laquelle je me suis installée depuis trop longtemps ».

Cette lectrice est peut-être trop dure avec elle-même et avec tous ceux qui lui ressemblent et qui me ressemblent. Je ne pense pas que ce soit l’opportunisme qui nous a empêchés de nous découvrir. Nous ne voulions tout simplement pas en croire nos yeux. C’est une forme de défense qui est également déclenchée chez de nombreux amis qui, bien qu’ils se rendent compte du processus subversif déclenché par Bergoglio, défendent encore bec et ongles le Concile Vatican II et les pontificats qui en sont issus, comme si tout le mal avait soudainement explosé en 2013 et n’avait pas été en incubation depuis un certain temps.

Nous reviendrons sur ces questions et surtout sur ce que signifie être contre-révolutionnaire aujourd’hui.

En attendant, je voudrais signaler l’article d’un autre ami qui signe Sine Nomine (« malheureusement, écrit-il, je ne peux pas me permettre de me dévoiler, car les miséricordieux me le feraient payer« ) et qui introduit un concept sur lequel il vaut peut-être la peine de commencer à raisonner : le pontificat de Bergoglio comme un Siège usurpé.

Aldo Maria Valli

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Nous sommes en Siège usurpé. Parole de réactionnaire

www.aldomariavalli.it/2023/10/11/lettera-siamo-in-sede-usurpata-parola-di-reazionario/

Quelques réflexions après avoir lu votre article Ceci n’est pas une crise, c’est une révolution .

Je vous avoue une chose : moi qui vis à Rome depuis près de quarante ans, je me définissais jusqu’à récemment, dans le domaine politique, comme « démocrate-chrétien » au sens bavarois du terme (comme Ratzinger, comme le grand Otto de Habsbourg). Des concepts tels que la droite ou la gauche, le conservatisme ou le progressisme, étaient très éloignés de moi, comme ils l’ont toujours été de Ratzinger.

Aujourd’hui, quelque chose a changé. Tant le cadre politique que celui ecclésiastique ont radicalement changé. Aujourd’hui, je me qualifie volontiers de réactionnaire au sens littéral du terme : ré-actionnaire [étymologiquement, le mot réaction est composé du préfixe re, retour en arrière, et du mot latin actio, façon d’agir]. Réactionnaire comme de Maistre, réactionnaire comme Grégoire XVI.

Ce qu’on a appelé l’ultramontanisme [qui affirme la primauté spirituelle et juridictionnelle du pape sur le pouvoir politique] des deux cents, deux cent cinquante dernières années s’est avéré être une erreur historique, une expression de ce que j’aime appeler l’échec systémique du catholicisme. Je rejette également le qualificatif de « conservateur ». Je le rejette parce qu’il est insuffisant, parce qu’il sert de feuille de vigne pour ne pas s’attaquer au véritable cœur du problème.

Vous parlez de contre-révolution. Cela suppose que nous ayons affaire à des gens plus ou moins intelligents. Or, ce n’est pas le cas. Ils ne sont pas intelligents, cela est clair, et en plus ils se croient très intelligents. Ils nous prennent pour des idiots et des crétins. ‘Vous êtes idiots et nous sommes au pouvoir, donc nous avons raison’, telle est la devise de cette bande d’ignorants. Heureusement que certains l’ont compris. Mais la réponse ne peut pas être de souffrir et de dénoncer. Dénoncer et souffrir.

J’utilise un terme, celui Sede usurpata: usurpée par une mafia (latino-américaine, mais pas seulement, une mafia moderniste réveillée) qui veut créer une nouvelle église, en suivant ses maximes déformées et confusionnelles (pour ne pas dire sataniques) pour violer et violenter le corps mystique du Christ.

Nous vivons un moment historique unique : nous sommes « sans pape ». C’est ce que j’ai appelé une défaillance systémique du catholicisme à laquelle personne ne pouvait s’attendre (bien qu’il y ait toujours eu des avertissements : c’est ce qui peut arriver lorsque le mal devient « normalisé »).

De l’Église, ils ont fait l’Église de Bergoglio, d’un petit homme qui, à mon avis, souffre d’une psychopathologie visible, alors que son histoire personnelle est « secrète ». Si on l’avait voulu, on aurait pu le voir tout au long de ces dix années. Mais la défaillance du système a empêché de nombreux prétendus catholiques de le faire.

L’Église est au Christ et se réalise dans son histoire, c’est-à-dire dans la tradition. Le mot « conservateur » devient un mot pauvre parce qu’il est conçu à partir de son opposé (« progressiste »).

L’Eglise est devenue un lieu hostile à l’Eglise. Toute forme de corruption (pas au sens de Bergoglio) a sa place. Elle cherche à plaire au ‘monde’. Et la mafia fait tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir et exploiter à sa guise le « Siège usurpé ». A mon avis, il s’agit d’un projet de longue date.

Ce qui est consolant : l’ignorance profonde de cette mafia sans foi ni culture. A terme, même les plus stupides et les plus conciliants ne peuvent pas ne pas voir. Un jour viendra où cette ignorance hostile se manifestera enfin.

Le « Siège usurpé » correspond peut-être à l’avant-dernière [?] description de la « liste des papes » de Malachie. La « phrase sans sujet » [ndt: §112 – Paîtra ses brebis au milieu de nombreuses tribulations (Pafcet oues in multis tribulationibus)???].

Seule la tradition (pas le « traditionalisme », mais la Tradition) peut surmonter cette défaillance du système. Cela n’enlève rien au caractère unique de l’histoire dont nous faisons malheureusement l’expérience. Un événement unique, comme le décrit également l’astrophysique, un tout noir, un trou noir. Avec toutes ses conséquences.

Je n’ai pas beaucoup d’espoir dans les « cardinaux » ou « évêques » qui, lâches comme ils se sont révélés l’être, ont permis pendant dix ans ces actes de violence sacrilège sans dire un mot. Une chose est sûre : non praevalebunt.

Quand on visite le palais apostolique de Castel Gandolfo (hélas, je ne sais pas pourquoi j’y suis allé : je déteste les musées, je déteste la muséisation de ce qui a été vécu et expérimenté, c’est une souffrance. Dans le passé, je suis souvent allé au Palais Apostolique de Rome, quand le Pape y était encore, et je le considérais comme « ma maison », j’adorais les odeurs, les bruits, la chaleur des pièces et des couloirs. Il ne reste plus qu’un tas de pierres usurpé) et on parcourt le couloir des portraits des papes pour arriver à celui de Bergoglio. Et l’on remarque deux choses : que le portrait détonne complètement par rapport aux autres et qu’il s’agit bien du dernier. La série se termine par une peinture de Pie IX regardant et vénérant Pierre. Il n’y a pas de place pour autre chose.

C’est à cela que je pensais en lisant votre article sur la révolution et la contre-révolution. Le siège de Rome est usurpé, la basilique Saint-Pierre n’est malheureusement plus qu’un tas de pierres profané par des rites païens, des hommes inadaptés, un pape qui ne célèbre plus la messe, etc. etc. Un corps violé. Plutôt que de contre-révolution, je parlerais d’un nécessaire retour à la tradition pour vaincre l’hostilité, pour vaincre l’Église hostile qui viole l’Église, l’Église hostile qui nie le Christ, peut-être au moment de la plus grande apostasie que l’histoire ait jamais connue.

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