Au même moment où le cardinal Müller lâche sa bombe sur un synode en train de sombrer dans un état de léthargie (Synode: le cardinal Müller met les pieds dans le plat...), le cardinal Zen écrit une lettre sur son blog personnel pour préciser les raisons qui l’ont conduit à s’associer aux dubia des 5 cardinaux. Il s’en prend nommément à l’ « Eminentissime » Fernandez – titre que l’on réserve à ceux qui revêtent, symboliquement dans ce cas, la pourpre, mais on peut y voir aussi une certaine ironie si l’on s’en tient au sens « profane » du mot. Et le pape non plus n’est pas ménagé.

Müller et Zen : un dubium en entraîne un autre

lanuovabq.it/it/mueller-e-zen-un-dubium-tira-laltro

Deux interventions rapprochées sur les réponses du Pape et de Fernández aux récentes demandes d’éclaircissement sur divers points de doctrine. Des réponses qui sont tout sauf « papale » et qui remettent en cause la continuité avec le magistère précédent.

Que les réponses aux différents dubia des « cinq cardinaux » et du cardinal Duka par le Pape et Fernández ne se sont pas avérées suffisamment « papale » [Treccani: formulées « de manière directe et explicite, avec une franchise absolue, sans réticence ni demi-mesure »], on l’avait compris.

Un dubium en entraîne un autre, dirait-on à la lecture d’une récente intervention du cardinal Joseph Zen [lire ici, en italien, en anglais… et en chinois, sur son site: https://oldyosef.hkdavc.com].

Le pugnace cardinal de 92 ans, qui a signé les cinq dubia rendus publics avant le Synode (avec ses frères Burke, Brandmüller, Sarah et Sandoval), a publié sur son site Internet une Analyse des réponses données aux cinq dubia tels qu’ils avaient été formulés à l’origine.

Cette fois-ci, il le fait à titre personnel (« Vu les contraintes de temps, je n’ai pas consulté les quatre autres cardinaux et je suis donc seul responsable de cette initiative ») et exprime « le doute fondé que ces réponses ne soient pas sorties de la plume du Souverain Pontife », mais soupçonne « que ces réponses font partie de l’arsenal que les organisateurs du Synode ont mis en place ».

Nous ne « spoilerons » pas au lecteur l’analyse du cardinal, nous limitant à rapporter que tout cela est bien bon, « mais pas au point de nier ce qui a été affirmé auparavant par le Magistère ». Saint John Henry Newman a dit à juste titre que le développement de la doctrine de l’Église est toujours homogène ». C’est peut-être là que réside le punctum dolens de l’heure actuelle…

L’autre cardinal est l’ex-préfet de la doctrine de la foi, Gerhard Ludwig Müller, qui a adressé une lettre au cardinal Duka (auteur d’autres dubia sur Amoris Laetitia), disant en substance que les réponses du cardinal Fernandez ne le convainquent pas.

La lettre de Müller est publiée dans Settimo Cielo, le blog de Sandro Magister.

Quel assentiment donner à l’interprétation « large » des évêques argentins, et même pas tous (seulement ceux de la région de Buenos Aires), qui, selon François, est la seule possible ?

« D’un point de vue formel, écrit l’ancien préfet, il est déjà contestable de demander l’assentiment religieux de l’intelligence et de la volonté à une interprétation théologiquement ambiguë d’une conférence épiscopale partielle (…) », à laquelle se réfère la réponse de Fernández.

Ici aussi, le problème de la continuité revient, à savoir si le magistère ne s’est pas contredit lui-même. Pour plus de clarté, Müller fait la comparaison avec un hypothétique changement similaire sur l’avortement, pour dire qu’il ne suffit pas de revendiquer la « continuité » avec le magistère précédent, quand on est ensuite confronté à une contradiction.

De nombreux autres points sont examinés dans la longue lettre du cardinal allemand, qui conclut en affirmant que « le principal bénéficiaire [d’une clarification] serait l’autorité qui répond au ‘dubium’, qui serait préservée intacte, puisqu’elle ne demanderait plus aux fidèles l’assentiment religieux de l’intelligence et de la volonté sur des vérités contraires à la doctrine catholique ».

Des doutes qui remettent en cause non seulement les questions de foi et de morale, mais aussi ce principe de non-contradiction évoqué par Dante dans la Divine Comédie : « Absolver non si può chi non si pentever,/ né pentere e volere insieme puossi/ per la contradizion che nol consente » (Inferno, XXVII, 118-120) [ndt: On ne peut se sauver sans s’être repenti /on n’est pas repenti, si l’on pèche en pensée/la contradiction des termes est flagrante].


Document: la lettre du cardinal Zen

Avant d’aborder l’aspect purement technique, où, comme un professeur consciencieux corrigeant une mauvais copie d’élève, il analyse point par point les réponses aux dubia des 5 cardinaux (ceux que cela intéresse pourront aller les chercher sur Vatican News), la première partie de la lettre, à l’humour très « pince-sans-rire », révèle un aspect inattendu du caractère du cardinal de 91 ans. On imagine un vieux théologien austère, rendu amer par les épreuves difficiles qu’il a dû affronter dans sa longue vie, un rat de bibliothèque plongé dans ses livres; et on découvre un homme pétri d’un humour rafraîchissant, d’une lucidité d’esprit et d’une verdeur que beaucoup de gens ayant la moitié de son âge pourrait lui envier. Manifestement, il s’amuse (même s’il sait que le sujet est grave). L’ « Eminentissime » Fernandez, s’il l’a lu, a dû en avaler son bonnet rouge tout neuf.

ANALYSE DES RÉPONSES AUX 5 DUBIA TELLES QU’ELLES ONT ÉTÉ FORMULÉES À L’ORIGINE

Les cinq cardinaux des 5 Dubia n’ont pas publié les réponses du Pape le 11 juillet aux 5 Dubia présentées le 10 juillet 2023, parce que ces réponses n’étaient pas précises et ne résolvaient pas les doutes. Maintenant que le Saint-Siège les a publiées, il semble opportun que nous répondions à ces réponses, afin que les fidèles comprennent pourquoi nous cinq ne les avons pas trouvées adéquates en tant que réponses.

Compte tenu des contraintes de temps, je n’ai pas consulté les quatre autres cardinaux et je suis donc personnellement responsable de cette initiative.
.

Prémisse:
.

N’est-il pas présomptueux de mettre en doute les réponses du Pape ?
Non.

1- Aucun catholique mûr ne croira que « quiconque contredit le Saint-Père est un hérétique et un schismatique », comme l’a déclaré l’Eminentissime Fernandez. En fait, notre Saint-Père fait preuve d’une merveilleuse humilité en reconnaissant ses erreurs et celles de ses prédécesseurs dans l’Église (comme, par exemple, lorsqu’il s’est rendu jusqu’au Canada et a pris six jours pour dire le « mea culpa » pour les soi-disant cruautés commises il y a de nombreuses années à l’encontre des jeunes autochtones dans les pensionnats).

.

2- Dans le cas présent, j’ai un doute fondé sur le fait que ces réponses ne sont pas sorties de la plume du Souverain Pontife, puisque je peux cette fois citer en ma faveur ce que l’Eminentissime Fernandez a dit d’un document signé avec l’autorité du Pape : « Je ne sens pas le Pape ». En effet, l’incroyable rapidité des réponses (11 juillet), surtout en contraste avec le cas des autres fameux 5 dubia de 2016 qui ont été tout simplement ignorés, fait soupçonner que ces réponses font partie de l’arsenal que les organisateurs du Synode, probablement avec l’aide du Très Éminent, avaient déjà préparé pour répondre aux perturbateurs de leur ordre du jour.

Pour le reste, dans ce que je vais dire, je suis d’accord avec le Pape sur une grande partie de ce qu’il dit, seulement ses réponses ne sont pas des réponses précises à nos Dubia, elles les confirment même parfois. Venons-en à l’analyse.

(…)

. . . . . .

La suite ici, sur le blog personnel de Joseph Zen (où il signe phonétiquement de son nom <oldyosef>: https://oldyosef.hkdavc.com
Décidément, il a de l’humour.

Mots Clés : ,
Share This