D’abord la nomination annoncée à la tête de la CDF d’un évêque aux postions radicales (très apprécié par François, qui lui a permis une ascension fulgurante au sein de la hiérarchie) Heiner Wilmer. Puis l’annonce que le dominicain Timothy Radcliffe guidera la prière des évêques lors du prochain synode, en octobre. Ce sont des signes inquiétants pour l’après-Benoît. Mais François est tellement imprévisible qu’il est capable d’un geste politique de changement de cap in extremis.

Et surtout (c’est mon opinion personnelle, pour ce qu’elle vaut), ce serait peut-être une bonne chose pour l’Eglise, que François aille jusqu’au bout. Cela définirait de façon claire et définitive la ligne de partage entre les deux courants, ceux dits progressiste et conservateur (pour utiliser des catégories politiques), et contribuerait à ouvrir enfin les yeux à ceux qui s’obstinent à ne pas voir, mettant en évidence ce « petit troupeau » que Benoît XVI voyait représenter le futur de l’Eglise . Rappelons que c’était déjà, selon certains, le plan de Dieu – ou la suggestion de l’Esprit Saint – en permettant l’élection de François.

Un évêque hérétique désigné comme gardien de l’orthodoxie, risque de schisme

Luisella Scosatti
La NBQ
25 janvier 2023

Mgr Heiner Wilmer est donné comme favori pour guider le Dicastère pour la Doctrine de la Foi, malgré son désaccord flagrant avec le Magistère. Le simple fait que le pape ait pensé à lui semble être une aide pour le controversé Synodaler Weg, dont Wilmer est l’un des principaux représentants, par ce qu’il pense et ce qu’il fait.

Il n’est pas nécessaire d’être un théologien d’une orthodoxie affirmée pour comprendre que la nomination en faveur de Mgr Heiner Wilmer, évêque de Hildesheim, comme préfet du Dicastère de la Doctrine de la Foi (DDF) ouvrirait grand les portes à l’hérésie. Et de schisme.

Une telle nomination ne sera en effet pas facilement digérée par tout ce front auquel, au minimum, un semblant de cohérence interne de l’Eglise paraît nécessaire. Et par ce front, déjà largement mécontent des restrictions liturgiques de François, en rupture patente avec son prédécesseur, et qui n’a pas l’intention de se plier face à la banalisation de l’erreur et de l’immoralité.

Parce que Wilmer est l’un des évêques les plus favorables au renversement de l’enseignement de l’Église sur la morale sexuelle, à commencer par l’homosexualité. Il s’agit de l’évêque qui s’est offusqué de l’opposition de plus d’un tiers des évêques allemands au texte de base sur la sexualité humaine lors de la quatrième assemblée générale du synode de l’Église en Allemagne ; un texte qui ne contenait que quelques « oublis », tels que la bénédiction des couples de même sexe et l’évaluation positive de l’homosexualité.

La position du synode allemand sur la sexualité avait confirmé l’impression du préfet sortant de la CDF que, selon la majorité des évêques allemands, « il n’y a presque rien à sauver dans la doctrine de l’Église ». Les perplexités soulevées en novembre dernier par les cardinaux Ladaria et Oullet, ainsi que l’importante demande de moratoire pour parvenir à une  » révision substantielle  » des documents synodaux, avaient été rapidement rejetées par le président de la Conférence épiscopale allemande, Mgr Georg Bätzing. Le cardinal Oullet avait exprimé son inquiétude « pour l’unité de l’Eglise », sérieusement menacée par les positions approuvées par le synode.

La nomination de Wilmer, qui, après un revers temporaire, semble plus que probable, indique que ce n’était manifestement pas « seulement » les deux tiers des évêques allemands qui voulaient pousser à une rupture de l’unité de l’Église, mais le pape François lui-même. C’est le pape qui a fortement souhaité la nomination de ce jeune évêque, né en 1961, un « enfant prodige » qui, en 2015, est devenu supérieur général des dehoniens, trois ans plus tard a été nommé évêque d’Hildesheim et est maintenant prêt à s’envoler pour Rome. François l’estime pour sa proximité avec le troupeau ; et il semble que l’odeur de mouton émane tellement de cet évêque qu’elle couvre l’odeur beaucoup plus évidente de l’hérésie. Une question olfactive.

L’essentiel, cependant, n’est pas seulement ce que Wilmer pense, mais ce qu’il fait. Et laisse faire. Dans son diocèse, en effet, où il n’y a que 600 000 baptisés sur une population de plus de 5 millions d’habitants, la bénédiction des couples homosexuels est une pratique courante. Lorsque le 22 février 20212, la CDF de l’époque a publié le Responsum, très contesté, de nombreuses associations diocésaines ont répondu le 31 mars 2021 par la Hildesheimer Härklarung (Déclaration de Hildesheim), au titre éloquent : Segen für diese Welt (Bénédictions pour ce monde). Une opposition claire au non de la CDF, une prise de position qui affichait ce qui se faisait déjà – et continue de se faire – dans le diocèse de Wilmer :  » Nous faisons connaître la pratique dans le diocèse de Hildesheim, dans de nombreux endroits et dans de nombreuses communautés, institutions et associations : les personnes, quelle que soit leur identité sexuelle, ont des droits égaux dans l’Église. La bénédiction de Dieu s’applique à eux et à leurs relations de partenariat, car la bénédiction de Dieu s’applique à toutes les relations d’amour, sans exception ». Une pratique normale, en somme.

La Déclaration pointe ensuite du doigt la Congrégation qui, en refusant la bénédiction aux couples de même sexe, semble incapable d’affronter « les modèles des sciences humaines », de sorte que « son autorité apparaît abîmée ». Un rejet clair également pour « l’éthique sexuelle et l’argumentation théologique sous-jacentes » présentées dans le Responsum. Selon les signataires, la bénédiction ne peut être refusée à ces couples, car elle serait une « confirmation de ce qu’ils sont déjà : une bénédiction pour ce monde ». Toutes les associations signataires ont l’intention, « en dialogue avec l’évêque Heiner », d’œuvrer pour que « le Magistère de l’Église intègre les perspectives des sciences humaines et théologiques, qui conduisent à une nouvelle évaluation et à un nouveau développement de l’enseignement de l’Église ».

L’évêque Wilmer a salué ces propositions comme une contribution importante au parcours synodal de l’Église en Allemagne, ajoutant qu' »il s’agit de valoriser les réalités actuelles de la vie communautaire homosexuelle, sans remettre en cause le sacrement du mariage entre un homme et une femme ». Toujours la même chose.

Le simple fait que François ait pu penser à un évêque ayant ces positions pour le placer à la tête de la CDF ressemble à une gifle retentissante aux cardinaux Ladaria et Ouellet ; un choix, encore non définitif, qui peut expliquer les raisons de son absence lors de la rencontre entre les évêques allemands en visite ad limina et les deux cardinaux. François n’a probablement pas voulu donner l’impression d’approuver la position de ce dernier sur le Synodaler Weg, sachant déjà dans son cœur (peut-être en aura-t-il parlé au cardinal Marx ?) qu’il essaierait de donner au synode allemand une aide bien plus grande que son approbation verbale : un préfet de la CDF qui est l’un des plus fervents partisans de ce synode.

Nous verrons comment cela se passera.


Radcliffe revient, la synodalité est de plus en plus arc-en-ciel

Riccardo Cascioli
La NBQ
25 janvier 2023

Le père Timothy Radcliffe, connu pour ses positions homosexualistes, a été appelé à prêcher les exercices spirituels aux pères synodaux en octobre prochain. C’est une pièce de plus qui pousse le Synode sur la synodalité vers la dérive LGBT.

Nous avions deviné depuis longtemps que le Synode sur la Synodalité avait pour but de promouvoir l’agenda LGBTetc. dans l’Eglise et de subvertir la moralité sexuelle. Mais avec chaque jour qui passe, la question devient plus évidente. La dernière nouvelle en date a été donnée le 23 janvier par le cardinal Jean-Claude Hollerich, rapporteur général du synode, lors d’une conférence de presse : le père dominicain Timothy Radcliffe a été appelé à prêcher des exercices spirituels aux pères synodaux du 1er au 3 octobre, dans les jours précédant immédiatement la session synodale.

Le Père Radcliffe, ancien Maître Général de l’Ordre des Prêcheurs de 1992 à 2001, est connu pour ses positions hétérodoxes et surtout pour son activisme en faveur de la reconnaissance de l’homosexualité dans l’Eglise. Ce sont précisément ses positions affichées publiquement qui avaient incité le Saint-Siège à prendre ses distances avec lui lors des deux pontificats précédents. Par exemple, en 2011, le pape Benoît XVI est intervenu pour le retirer de la liste des orateurs de l’assemblée de Caritas Internationalis. Mais avec le pape François, il a lentement fait son retour. Il a immédiatement été nommé consultant auprès du Conseil pontifical pour la justice et la paix, et nous l’avons récemment retrouvé dans le livre du pape François intitulé « Selon le style de Dieu ». Réflexions sur la spiritualité du sacerdoce, dans lequel il a été appelé à commenter l’intervention du pontife sur la théologie du sacerdoce. Il va maintenant prêcher les exercices spirituels au Synode.

Et il convient de rappeler que le rapporteur général du Synode, le cardinal Hollerich, s’est aussi récemment illustré par ses interventions en faveur de la bénédiction des couples de même sexe et du changement de la doctrine catholique sur les relations homosexuelles. Et en ce qui concerne le Synode, ce ne sont certainement pas les seuls signes, il suffit de regarder le document de travail sur la synodalité présenté en octobre dernier [en français ici: https://www.synod.va/content/dam/synod/common/phases/continental-stage/dcs/Documento-Tappa-Continentale-FR.pdf]. L’orientation du Synode est donc très claire.

Ce qui manque encore, c’est que quelqu’un au Dicastère pour la Doctrine de la Foi approuve cette indication que donnera le Synode. En mars 2021, en effet, le Dicastère avait publié un Responsum dans lequel il rejetait clairement la possibilité de bénir les couples de même sexe [ndt: voir à ce sujet Péronisme pontifical: les dessous du « Responsum »]. Mais c’est manifestement ce à quoi pense le pape François avec la nomination probable d’un autre « homosexualiste », Mgr Heiner Wilmer, à la tête du Dicastère pour la Doctrine de la Foi.

Et il faut s’attendre à ce que, même s’il décide finalement de reporter cette nomination, en raison de la pression exercée par de nombreux cardinaux, l’élu ne sera de toute façon pas quelqu’un qui mettra des bâtons dans les roues.
Du moins dans les intentions, mais nous savons que « le diable fait les pots mais pas les couvercles »

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