Ou le triomphe de l’ambiguïté. En fait, il y a un gouffre entre le discours de fermeté de François – souvent tenu en petit comité, et de toute façon passé sous silence par les médias, ce qu’il ne peut ignorer – à propos de l’avortement (mais ce discours vaut aussi pour l’euthanasie, actuellement débattue en France alors que le Pape s’apprête à se rendre à Marseille, cf. La (soi-disant) gifle de Macron au Pape), et les clins d’œil amicaux, les ronds-de -jambes les audiences et autres honneurs réservés aux personnalités et organismes les plus férocement anti-vie, les Soros, Clinton, Biden et Cie. Même si c’est long, il faut lire cet exposé d’AM Valli, prononcé à l’occasion d’un évènement contre l’avortement le samedi 9 septembre près de Vérone. Pour s’informer, simplement, et comprendre à quel point le portrait de François véhiculé par la majorité des médias est fragmentaire, voire carrément biaisé.

Au royaume de l’ambiguïté. L’avortement et l' »Église de François

Je commence par une curiosité. Je ne sais pas si vous le savez, mais aujourd’hui, 9 septembre, est célébrée dans toute l’Italie la « Journée mondiale du syndrome d’alcoolisme fœtal » et des troubles connexes, dont l’objectif est de « sensibiliser aux risques liés à l’alcool pendant la grossesse ».

Cette journée est célébrée depuis 1999 et ses promoteurs rappellent que « les mille premiers jours de la vie, de la conception au deuxième anniversaire de l’enfant, sont cruciaux pour son développement physique et psychique. Les interventions préventives, protectrices ou curatives mises en œuvre tôt dans cette toute première phase conduisent à des résultats positifs en matière de santé, importants non seulement pour l’enfant et l’adulte qu’il sera, mais aussi pour les parents, la communauté et les générations futures ».

Si je n’ai pas mal compris, cette journée est née dans le contexte européen et, en ce qui concerne l’Italie, c’est l’Istituto Superiore di Sanità qui en est chargé.

À l’initiative de l’ONU, qui propose une journée internationale pour presque chaque jour de l’année, aujourd’hui est par contre la « Journée internationale pour la protection de l’éducation contre les attaques » (nous supposons: les attaques armées) pour protéger les enfants, afin que, pendant les conflits, les écoles et les centres d’éducation soient épargnés et ne soient pas impliqués dans les combats.

Pourquoi vous dis-je tout cela ? Parce que les deux journées que nous célébrons aujourd’hui vous donnent une idée de l’attention (parfois même exagérée et angoissée) qui est accordée à notre époque aux droits des enfants et à leur protection, mais par les institutions mêmes qui ensuite, au nom des droits de l’homme, du développement durable et de la lutte contre la surpopulation, non seulement légitiment l’avortement, mais le facilitent et l’encouragent.

Vous me direz : mais nous sommes déjà conscients de ce paradoxe. Certes, mais tout cela prend une tournure encore plus paradoxale, voire grotesque, si l’on pense que ces organismes supranationaux, qui d’une manière ou d’une autre conditionnent nos choix de vie, ont aujourd’hui le soutien ouvert du Vatican et du pape lui-même, c’est-à-dire de celui qui devrait le plus défendre la vie naissante, don inviolable de Dieu.]

En parlant de grotesque, dans une de mes histoires, intitulée Facciamoli mangiare questi bambini [voir La fenêtre d’Overton expliquée aux non-initiés: une fiction satirique d’AM Valli], j’imagine que dans un avenir pas si lointain, un groupe d’intellectuels, avec le soutien indéfectible des influenceurs, des pseudo-artistes et des médias, a l’intention de légitimer la pratique consistant à manger des enfants, naturellement au nom du développement durable, de la défense de l’environnement et de l’équilibre naturel, pour réduire la densité de la population et défendre les ressources vitales. Je ne vous raconterai pas toute l’intrigue (sinon vous n’achèterez pas le livre). Tout ce que je dirai, c’est que dans ce monde dystopique, les promoteurs du projet ont spontanément l’idée de s’adresser au pape pour lui demander, non pas sa bénédiction (dans ce monde, on ne peut plus bénir ni prier), mais son soutien, afin d’accélérer la mise en œuvre du plan et de le rendre véritablement planétaire.

Dans mon récit, dans un style quelque peu kafkaïen, j’appuie sans complexe sur la pédale de l’absurde. Mais, à bien y réfléchir, la réalité dans laquelle nous vivons n’est pas si éloignée de ce monde dystopique.

La lune de miel entre les organismes mondialistes, l’ONU in primis, et l’actuel souverain pontife laisse pantois. Surtout si l’on pense que cette relation ne se limite pas à une forme de courtoisie diplomatique, mais se concrétise par l’adhésion du Vatican aux plans de ces entités, à commencer par le funeste Agenda 2030, dit « pour le développement durable ».

Je ne m’étendrai pas sur ce que vous savez tous. Les académies pontificales, à commencer par l’Académie pour la vie (APV), sont désormais alignées sur la pensée dominante et accueillent régulièrement des personnalités qui soutiennent l’avortement comme un droit.

Je me contenterai de mentionner qu’une économiste athée, pro-avortement, liée au Forum économique de Davos et partisane du Great Reset et de la transition écologique (au point d’appeler à un « lockdown climatique » dans un tweet) est entré dans la prétendue Académie pontificale pour la vie [ndt: il s’agit de Mariana Mazzucato, cf. Une pro-avortement à l’Académie pontificale pour la vie]. Mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres que l’on pourrait citer.

Je rappelle également que François a récemment reçu l’ancien président américain Bill Clinton, favorable à l’avortement, et que la délégation comprenait le fils de George Soros, Alexander, qui a pris la tête de l’empire milliardaire de son père, résolument anti-chrétien et favorable à l’avortement. Et le fait que Soros finance un certain nombre d’initiatives liées aux Jésuites est plus que suspect.

Inutile de se demander ce que des personnages de cette orientation ont à voir avec le pape, le Vatican, l’Académie pontificale pour la vie. En théorie, rien. En pratique, tout.

Une réalité que seul un aveugle peut ne pas voir. Pour en revenir à l’Académie pontificale pour la vie (jamais nom n’a été plus grotesque), il est évident que la ligne de fait est de privilégier sans retenue (et, dirais-je, sans honte) précisément les partisans et les collaborateurs de l’Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable, naturellement au nom de cette « économie inclusive » (quoi que cela veuille dire) si chère à Bergoglio.

Du rete que dire du président de l’APV qui, lors d’une émission télévisée, a qualifié la funeste loi 194 [équivalent italien de la loi Weil] sur l’avortement de « pilier de notre vie sociale » ?

Je mentionne également ce qui a été fait sous l’actuel pontificat pour détruire l’Institut d’études sur le mariage et la famille voulu par Jean-Paul II et l’adapter à la pensée unique dominante [ndt: dossier www.benoit-et-moi.fr/2020/tag/institut-jp-ii/]. À cet égard, le regretté professeur Stanisław Grygiel (qui a été renvoyé de l’Institut, avec d’autres professeurs, précisément parce qu’il n’était pas en phase avec le nouveau cours) m’a confié dans une interview en 2019 :

« Je ne peux pas cacher mon chagrin, causé par le fait que l’Institut fondé par saint Jean-Paul II a été aboli il y a deux ans. Le licenciement des professeurs est un acte cohérent avec cette décision. Il ne me surprend donc pas. Je regrette seulement la confusion dans laquelle les étudiants sont tombés et dans laquelle ils se sentent perdus. Quelqu’un en rendra compte un jour… On ne renouvelle pas la maison en la détruisant… L’économie du salut ne peut vivre dans le chaos que jusqu’à un certain point. La colère miséricordieuse de Dieu prendra la parole ».

Vous me direz : mais vous oubliez que le pape s’est prononcé contre l’avortement, se demandant s’il est juste « d’engager un tueur à gages pour résoudre un problème ».

Non, je ne l’oublie pas. Je voudrais cependant souligner que François n’a certes pas fait du non à l’avortement un combat de premier plan dans son pontificat.

Il ne l’a d’ailleurs jamais fait, pas même lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires.

Des amis argentins m’ont dit que sur le sujet de l’avortement, Bergoglio a toujours maintenu une ligne ambiguë, qu’il a ponctuellement confirmée une fois élu pape. D’un côté, il parle d’assassinat par des sicaires, de l’autre, il se lie d’amitié avec de puissants abortistes et, s’ils se disent catholiques, il les admet à la communion, comme c’est le cas de Biden.

« Avec le pape, nous avons parlé du fait qu’il est heureux que je sois un bon catholique et que je continue à communier », a déclaré le président américain, jubilant, il y a deux ans, après avoir été reçu par Bergoglio.

Le professeur José Arturo Quarracino, à qui j’ai demandé un avis à partager avec vous, me dit à ce sujet :

« Bergoglio est un cas typique de comportement jésuite et péroniste. D’un côté, il condamne l’avortement, de l’autre, il promeut et encourage, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église, les partisans et les promoteurs de l’avortement. Il met la flèche à droite et tourne à gauche, ou vice versa. Quoi qu’il en soit, le sujet n’a jamais été au premier plan de son agenda. Il parle de tout : du changement climatique, des migrants, de l’Amazonie, des pandémies, mais peu ou pas de l’avortement. Il condamne l’injustice, mais oublie que l’avortement constitue le plus grand et le plus odieux des génocides. La plupart des évêques argentins, qu’il tient sous son emprise, se comportent de la même manière : parfois ils disent que l’Église n’est pas d’accord, mais ensuite ils rencontrent et accompagnent des abortistes. Ils se disent préoccupés par la situation économique et sociale de la population, mais se taisent sur le fait qu’en Argentine, en deux ans de légalisation de l’avortement, au moins 153 000 enfants ont été tués par cette véritable peine de mort prénatale ».

Et Quarracino conclut:

« Face au silence et à l’opportunisme des pasteurs, les fidèles catholiques sont déconcertés, mais il semble que les « bergers à l’odeur de brebis » aient perdu le sens de l’odorat, comme les bergers mercenaires dont parle l’Évangile. Le plus frappant est le silence assourdissant de Bergoglio sur les chiffres effarants de l’avortement en Argentine. Cette indifférence confirme ce que disent habituellement les évêques et les prêtres : « L’avortement n’est pas un problème aussi important que l’environnement ou les migrants ». Mais ce faisant, le Vicaire du Christ a décidé de se comporter comme Ponce Pilate : il s’en lave les mains. Et la raison en est claire : pour continuer à jouer le rôle d’aumônier de la synarchie mondialiste internationale, il doit payer un prix, qui est précisément le silence sur l’avortement et tous les autres « droits » aberrants promus par les puissants avec lesquels Bergoglio entretient des relations intenses ».

Il est clair pour tout le monde que dans l’Église d’aujourd’hui, parler de l’avortement semble quelque chose de gênant. Il vaut mieux l’éviter, pour ne pas choquer les sensibilités, pour ne pas déranger. Il ne faudrait surtout pas que quelqu’un dise : « Vous n’êtes pas inclusif !« 

La saison wojtylienne de la guerre contre l’avortement semble lointaine et oubliée, surtout au sommet de la hiérarchie. Quand on parle d’avortement – mais souvent on préfère utiliser le terme euphémique, typique du néo-langage, d’interruption de grossesse, comme si l’infanticide n’en découlait pas – on le fait surtout avec les arguments du monde : utilitarisme, consumérisme, égoïsme. On répète rarement que ces créatures ont été voulues, créées et aimées par Dieu pour mériter par leur vie la gloire éternelle et accomplir leur part dans le projet que la Providence avait prévu pour elles. Personne ne rappelle que c’est pour ces créatures que le Seigneur a versé son sang sur la Croix. Personne ne pense à ce que chacune de ces créatures aurait pu faire de bien dans le monde. Personne n’ose dire l’indicible, que la vie de ces enfants a été enlevée à l’Auteur de la vie, arrachée à son destin. La voix de l’Église ne s’élève pas non plus avec force et décision contre les nations qui poursuivent leur chemin vers l’abîme en étendant le droit de tuer même après la naissance, en poussant à l’euthanasie dès l’enfance pour mettre fin à une vie qui, selon certains, « ne mérite pas d’être vécue ».

L’Eglise est la seule à pouvoir dénoncer les vraies raisons de cette culture de mort, mais elle ne le fait pas, ou le fait timidement et rarement, parce qu’elle privilégie d’autres sujets, qui peuvent l’aligner sur la pensée du monde et lui valoir des applaudissements.

L’Église est la seule à pouvoir dire clairement : au-delà des prétextes, derrière l’avortement s’est toujours cachée, hier comme aujourd’hui, la haine de Satan pour la vie et pour la Création de Dieu. Mais elle ne le dit pas.

Les sacrifices humains qui, dans l’Antiquité, étaient offerts aux démons – et contre lesquels s’insurgeaient les prophètes de l’ancienne loi – sont aujourd’hui reproposés comme « maternité responsable », comme « droit » de choisir. Mais ils font toujours partie du même culte infernal, qui ose aujourd’hui se montrer dans toute son horreur pour gagner la légitimité publique et mettre hors la loi la vraie religion et le vrai Dieu.

En Amérique, l’ « église de Satan », après l’arrêt de la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire Roe vs Wade, a revendiqué le droit de proposer l’avortement dans ses cliniques au nom de la liberté religieuse. C’est bien cela : la liberté religieuse. Car cette secte infernale, répandue partout, reconnaît l’avortement comme un acte de culte satanique et revendique le droit de le pratiquer librement.

Cette horreur doit être dénoncée (comme je le fais, à ma petite échelle, dans le récit cité plus haut) : après que deux mille ans de christianisme l’aient éradiquée, nous en sommes à la re-proposition moderne des sacrifices humains. Mais l’Église se garde bien de le dénoncer.

L’avortement n’est pas seulement le fruit de l’égoïsme ou d’une superficialité criminelle. Il représente le triomphe de Satan dans le monde, glorifié chaque jour par l’offrande – plus ou moins consciente – de la vie de créatures innocentes. C’est la répétition des sacrifices païens. Dans le meurtre des innocents, la fureur meurtrière de Satan se déchaîne. Les tortures de la Passion se répètent sur cette chair tendre et petite, le meurtre rituel se perpétue, la Majesté de Dieu est défiée en osant lui enlever ce qu’il a de plus cher : précisément les âmes innocentes des enfants.

Mais, face à tout cela, que fait l’Église, que dit-elle ?

Elle se tait le plus souvent, ou bien elle s’adonne aux euphémismes, aux ambiguïtés, aux compromis. Elle devrait se remettre à parler de l’outrage fait à Dieu Père de la Vie. Mais, à de très rares exceptions près, elle ne le fait pas. Et les fidèles se sentent abandonnés par les pasteurs.

Pensons aussi à ce qui s’est passé avec les soi-disant vaccins anti-Covid, qui en réalité ne sont pas des vaccins mais des thérapies géniques pour l’essai et la production desquelles les industries pharmaceutiques ont utilisé des cellules fœtales humaines provenant de fœtus supprimés lors d’avortements volontaires. Or, le pape a parlé du devoir moral d’utiliser ces « vaccins » comme un « acte d’amour pour nous sauver ensemble », et il n’a jamais fait marche arrière.

Aux États-Unis, l’archidiocèse de New York a publié une circulaire à l’intention de ses prêtres leur interdisant d’écrire des lettres de demande d’exemption pour des motifs religieux ! Et écoutez le début du document :

« Nous entendons parfois des catholiques exprimer une objection morale sincère aux vaccins anti Covid-19 en raison de leur lien avec l’avortement. Cette préoccupation est particulièrement aiguë chez les personnes qui sont fermement pro-vie et très fidèles à l’enseignement de la foi« .

Vous avez bien lu: on parle de « personnes fortement pro-vie et très fidèles à l’enseignement de la foi » comme s’il s’agissait d’étranges êtres résiduels. Mais n’est-il pas vrai que tous les catholiques, sans exception, devraient être naturellement et fortement pro-vie et très fidèles aux enseignements de la foi ? Sont-ils au contraire si rares qu’ils devraient être distingués comme une espèce à part entière ?

Le paragraphe suivant affirme que

« le pape François a clairement indiqué qu’il est moralement acceptable de prendre n’importe quel vaccin et a déclaré que nous avons la responsabilité morale de nous vacciner ».

Ainsi, ce qui n’est, après tout, qu’une opinion personnelle du pape est presque dogmatisé et élevé au rang de vérité incontestable. Mais nous ne devons jamais oublier que, bien que les thuriféraires de la papolâtrie parlent d’un « magistère ordinaire », nous, catholiques, ne sommes pas obligés de suivre les jugements personnels du pape (peut-être formulés au cours d’une interview) lorsqu’ils sont en désaccord avec la doctrine et la morale catholiques correctes.

Le mémo de l’archidiocèse de New York montre son véritable objectif lorsqu’il affirme que l’octroi d’une exemption religieuse « pourrait avoir de graves conséquences pour d’autres ». En effet, il explique :

« Imaginez un étudiant qui bénéficie d’une exemption religieuse, contracte le virus et le propage sur le campus. Il est clair que cela mettrait l’archidiocèse dans l’embarras. Certains diraient même que la responsabilité personnelle du prêtre pourrait être engagée ».

C’est là que réside le problème. Le mot « responsabilité » hante les évêques et de nombreux prêtres. On craint de devoir payer personnellement, d’être poursuivi en justice. Alors ils s’alignent spontanément, face à leur devoir de témoigner de la vérité.

Ces évêques et ces prêtres ne veulent pas être critiqués. Ils ont horreur d’être remis en cause par le monde et la pensée dominante. En un mot, ils sont pusillanimes et traîtres.

Il faut le redire clairement : la dignité inaliénable de la vie dès sa conception est une conviction fondamentale de notre foi catholique. Il n’y a pas là quelque chose qui peut devenir plus tard une personne. Il y a déjà quelqu’un, il y a déjà une personne qui existe, dont le développement est un continuum au sein duquel chaque étape est d’une importance fondamentale.

Tout cela a été dit, depuis longtemps, même par la science (toujours citée par les modernistes quand cela les arrange, mais ignorée quand elle ne confirme pas la vision idéologique dont ils sont porteurs), et pourtant, il n’y a pas plus d’un an, l’évêque Bettazzi (décédé en juillet dernier à l’âge de 99 ans), soutenu par le théologien moraliste Giannino Piana, affirmait encore dans la revue Rocca que l’avortement peut être libre jusqu’au cinquième mois de grossesse, puisqu’avant cela il n’y a pas de personne bien formée. Une thèse qui ne vaut même pas la peine d’être commentée et qui, seulement dans un environnement ecclésial très malade, peut trouver un espace dans une revue qui, comme Rocca le dit d’elle-même, « s’engage pour la paix, les droits de l’homme, la démocratie, la non-violence, la justice ».

D’autres fois, l’inviolabilité de la vie humaine dès la conception est contournée par un raisonnement captieux.

En décembre 2020, la Congrégation pour la doctrine de la foi a publié une « Note sur la moralité de l’utilisation de certains vaccins anti-Covid-19 » dans laquelle elle déclare :

« Quand des vaccins anti Covid-19 éthiquement irréprochables ne sont pas disponibles (par exemple dans les pays où les vaccins éthiquement non problématiques ne sont pas mis à la disposition des médecins et des patients, ou quand leur distribution est plus difficile en raison de conditions particulières de stockage et de transport […] ou quand plusieurs types de vaccins sont distribués dans le même pays mais que les autorités sanitaires ne permettent pas aux citoyens de choisir le vaccin à inoculer), il est moralement acceptable d’utiliser des vaccins anti-Covid-19 qui ont utilisé des lignées cellulaires de fœtus avortés dans leur processus de recherche et de production ».

Pourquoi est-ce « moralement acceptable » ? Réponse :

« La raison fondamentale pour laquelle l’utilisation de ces vaccins est considérée comme moralement acceptable est que le type de coopération au mal (coopération matérielle passive) de l’avortement obtenu à partir de ces mêmes lignées cellulaires, de la part de ceux qui utilisent les vaccins qui en résultent, est éloigné. Le devoir moral d’éviter une telle coopération matérielle passive n’est pas contraignant s’il existe un grave danger, tel que la propagation autrement incontrôlable d’un agent pathogène grave ».

Voilà qui est clair. L’inviolabilité de la vie humaine est mise de côté au nom d’un « grave danger ». Il suffit donc de déclarer qu’il y a un « grave danger » pour que le précepte moral soit contourné. C’est là un jeu assez peu transparent, mais auquel les responsables de l’Église se sont prêtés de manière scandaleuse. La nécessité d’un jugement moral à l’égard d’une thérapie (dont les effets ne sont d’ailleurs pas connus) passe ainsi après un état d’urgence prétendument non prouvé.

A ce propos, un lecteur de Duc in altum m’a écrit :

« Bergoglio, la CDF et la Conférence épiscopale italienne ont de facto annulé le combat pro-vie par une seule décision : celle de bénir le « vaccin » produit à partir de cellules fœtales. Les jésuitismes et les arguties utilisés ne sauvent pas et ne sauveront pas de l’objection que désormais toute personne pratiquant l’avortement pourra leur faire : si le vaccin est le salut et que nous l’avons grâce au travail effectué sur des cellules fœtales obtenues par avortement, cela signifie que l’avortement de ces fœtus nous a sauvés. Le monde pro-vie qui accepte le « vaccin » Covid est donc tout simplement suicidaire et se condamne à ne plus être vraiment « pro-vie ».

Et une maman (qui est aussi médecin) m’a envoyé ces remarques :

« Si, à propos des sérums géniques, au lieu de parler d’enfants inconnus du monde (mais pas si inconnus que cela, puisque nous connaissons en fait leurs parents et leur histoire, et avant tout leur santé, une caractéristique fondamentale pour être choisi à des fins « thérapeutiques »), on disait qu’on utilise des cadavres d’enfants juifs emprisonnés dans les camps de concentration nazis ou des enfants d’immigrés morts tragiquement en traversant la Méditerranée ou en franchissant la frontière mexicaine, bref, si ces fœtus anonymes étaient considérés comme des enfants, l’Église (avec un e minuscule) changerait-elle d’avis ? »

La question de cette mère est aussi la mienne. « Comment un catholique peut-il ignorer l’œuvre créatrice de Dieu ? Comment peut-il nier le fait que cet enfant avait reçu la vie de Dieu, et que l’homme a ensuite décidé de l’éteindre ? « .

« Une loi douloureuse », mais qui « garantit une traduction laïque importante » et que « personne ne songe à remettre en cause ». Tels sont les mots – appris avec perplexité et étonnement par de nombreux catholiques – que le cardinal Matteo Zuppi, président de la Conférence épiscopale italienne, a prononcés le 2 avril dernier dans un entretien avec le rédacteur en chef du journal Il Domani à propos de la loi 194 sur l’avortement.

Zuppi, pressenti comme papabile au prochain conclave, affirme d’une part que « l’Eglise est en faveur des droits », mais s’efforce d’autre part de souligner que « personne ne songe à remettre en question » la loi 194. Mais si personne ne le remet en question, il est clair que les enfants à naître n’ont pas droit à la vie, en violation flagrante de la loi morale naturelle. Et comment imaginer protéger les différents « droits de l’homme » si le droit à la vie, préalable nécessaire à tous les autres, n’est pas garanti ?

Encore l’ambiguïté, encore la duplicité. Encore des mots inspirés par l’opportunisme politique et non par le devoir de témoignage.

Selon Zuppi, la loi 194 ne devrait pas être remise en question car « il s’agit d’une traduction laïque importante ». Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Traduction laïque de quoi ? Du magistère catholique sur la vie ? Dans ce cas, le cardinal aurait mis la réalité sens dessus dessous.

Pourquoi Zuppi dit-il qu’il ne faut pas toucher à la 194 ? Il n’y a qu’une seule explication : parce qu’il parle d’un point de vue politique. Il parle comme un homme politique, comme un ministre, comme le chef d’un parti.

Dans cette perspective, l’enfant à naître, avec ses droits inaliénables, est évincé. On part du principe que l’avortement est inéliminable et que ce n’est la faute de personne, ou plutôt que c’est la faute de la société, de l’économie, des inégalités, mais qu’il n’y a pas de responsabilité personnelle. Il ne faut donc pas juger. Et il ne faut rien faire pour rompre l’équilibre qui a été atteint. Donc, celui qui ose juger et parler de responsabilité personnelle est un subversif de la paix sociale, de la société dite civile, c’est un dangereux subversif. Et lorsque même les responsables de l’Eglise raisonnent ainsi, cela signifie qu’ils ont mis la « santé sociale » au premier plan et qu’ils ne se préoccupent plus du salut des âmes. Ce sont des idéologues, ce ne sont plus des pasteurs.

Le paradoxe, c’est que ces pasteurs d’une Eglise qui fait tout pour paraître inclusive et non plus dogmatique, ont en fait dogmatisé la 194 et, avec lui, l’Etat. L’idée qui passe est qu’une loi d’État, en tant que telle, est intouchable et que donc l’instance morale suprême est l’État lui-même. Ce n’est pas un hasard si ces pasteurs citent toujours des lois humaines et jamais des lois divines.

Tel est le tableau général, dans lequel il est humainement difficile de trouver des raisons d’espérer. Mais nous serions nous-mêmes des traîtres si nous cessions de témoigner de la vérité, et c’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui.

Nous n’oublions pas l’encouragement de l’Écriture Sainte : « Combattez jusqu’à la mort pour la vérité, le Seigneur Dieu combattra pour vous » (Sir 4,28).

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