Jusqu’à hier, la théorie d’Andrea Cionci d’un « code Ratzinger » à travers lequel le Saint-Père tenterait de faire comprendre à « qui a des oreilles pour entendre » la situation d’ « empêchement » codifiée par le droit canonique, qui ferait de lui un prisonnier depuis le 13 mars 2013, me laissait encore sceptique (le journaliste a rassemblé les éléments de son enquête dans un livre à succès, « Codice Ratzinger », totalement blacklisté par les médias italiens). Mais lors de la présentation du livre du « mathématicien » gauchiste Piergiorgio Oddifreddi (abusivement présenté comme « co-écrit » avec Benoît XVI), Mgr Gänswein a apporté des éléments nouveaux, et explosifs. Qui rebattent les cartes (*)

(*) J’ai bien conscience qu’en publiant un tel article (je ne l’aurais pas fait s’il avait été classable d’emblée comme simple fake), je prends au minimum le risque de me décrédibiliser auprès de ceux qui refusent « d’avoir des oreilles pour entendre ». Tant pis!

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« Ou vous croyez ou vous ne croyez pas, si vous ne croyez pas, lisez, soit Jérémie, soit Isaïe. Je ne dis pas quel verset et quel chapitre, mais la réponse est là »

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Mgr Gänswein lors de la présentation du livre de Piergiorgio Oddifreddi

Jusqu’à hier, la théorie d’Andrea Cionci d’un « code Ratzinger » à travers lequel le Saint-Père tenterait de faire comprendre à « qui a des oreilles pour entendre » la situation canonique dans laquelle il se trouverait depuis le 13 mars (ou le 11 février) 2013 me laissait encore sceptique. Certes, Andrea Cionci apportait à l’appui de sa thèse des arguments plutôt convaincants, mais que la raison répugnait à admettre et de toute façon parvenait à réfuter. Restait au-delà de ce que certains peuvent considérer comme une « scorie » éventuelle une analyse très intéressante de la situation de l’Eglise, de la vie à Mater Ecclesiae et des relations entre les « deux papes »

Tout part de la rencontre organisée par la Fondation Joseph Ratzinger/ Benoît XVI pour présenter un livre écrit prétendument à quatre mains (en fait, il n’en est rien!) par le pape « émérite » et le mathématicien athée Piergiorgio Oddifrddi (j’admets cependant que ce n’est pas la première fois que Benoît XVI, accepte de partager son immense culture et sa grande sagesse avec des intellectuels athées, voir Habermas et Florès d’Acaïs, qui avait tiré un livre de son débat avec le cardinal Ratzinger en 2000).

Je n’avais pas été dupe du récit fait par l’Agence religieuse SIR, et j’y avais vu un simple trait d’humour de la part de Benoît XVI (cf. Benoît XVI n’a pas perdu son sens de l’humour ).

C’était sans doute beaucoup plus que cela.

En premier lieu, il convient de jeter un coup d’oeil aux « participants » évoquées par Mgr Gänswein citant Benoît XVI.
Je laisse la parole à Andrea Cionci:

Mais, maintenant, attachez votre ceinture car le Code Ratzinger devient encore plus extraordinaire.
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Vous vous souvenez de ce que le pape Benoît a dit ? « Je ne mérite pas cette illustre liste de présentateurs ».
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Non, en effet, il ne méritait pas d’être présenté par, entre autres, le super-athée Paolo Flores d’Arcais qui, dans sa brochure de 2010 « Le défi obscurantiste de Ratzinger », ose parler du Saint-Père Benoît XVI en ces termes: « Dans le contexte de l’austérité virile de Jean-Paul II, les attentions dérisoires du triste théologien allemand à l’égard de frivolités esthétiques exténuantes, des bonnets élaborés et somptueux aux babouches rouges, en passant par un secrétaire qui semble sortir de Beverly Hills, revêtent une signification lourde ». Vous imaginez ?
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Peut-être que le pape Benoît n’a pas non plus mérité que l’hyper-athée Odifreddi présente son livre – presque un monologue – comme un échange à parts égales avec le Saint-Père, étant donné que sur les 150 pages de réflexions verbeuses du mathématicien, les pages du pape Benoît en réponse sont moins d’une vingtaine, dont environ la moitié, des cartes de vœux. De plus, depuis la publication de cet article, Odifreddi n’a rien dit ou fait pour aider son « ami le pape » dans son siège « empêché », mais a allègrement ignoré la question.
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Benoît XVI ne méritait pas non plus d’être présenté par le très gayfriendly Mgr Vincenzo Paglia [ndt: nombreux articles dans ces pages. En plus de ses nombreux dérapages doctrinaux, on se souvient de ses révoltantes insinuations lors de la renonciation de Benoît XVI, et c’est le même Benoît XVI qui avait envoyé un administrateur apostolique dans le diocèse de Terni dont il était titulaire pour examiner sa gestion catastrophique, pour ne pas dire plus, voir ici: benoit-et-moi.fr/2015-I/actualite/des-ennuis-judiciaires-pour-mgr-paglia] le président de l’Académie pontificale pour la vie qui s’est lui-même fait représenter nu dans une fresque homoérotique de la cathédrale de Terni (benoit-et-moi.fr/2017/actualite/un-archeveque-tres-border-line-ii.) et qui ne remet pas du tout en cause la loi sur l’avortement. (…)

Mais… alors ? LE PAPE BENOÎT NE FAISAIT DONC PAS UN COMPLIMENT AUX ORATEURS ?

NON. IL DISAIT LA VÉRITÉ (COMME TOUJOURS).

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https://www.liberoquotidiano.it/articolo_blog/blog/andrea-cionci/33413372/dal-libro-di-geremia-il-codice-ratzinger-definitivo-di-benedetto-xvi-io-sono-impedito-.html

Mais le meilleur reste à venir, et c’est maintenant que les lecteurs qui sont arrivés jusque là ont intérêt à attacher leur ceinture, comme le leur recommande Andrea Cionci.
Le meilleur, donc, ce sont les mots extrêmement inattendus, et a priori totalement mystérieux de Mgr Gänswein, invité, ou plutôt envoyé de Benoît XVI, qui a prononcé au tout début de la rencontre une brève introduction en italien.

Il faut lire très attentivement ces mots, dans le verbatim en italien, et surtout regarder son expression tandis qu’il parle, sur la vidéo de la rencontre (attention, elle se charge lentement, il faut être patient, elle dure 5mn à peu près)
Voici les explications d’Andrea Cionci (en bleu, entrecoupées de citations de lui).


Tout d’abord, l’archevêque Gänswein a commencé par une merveilleuse amphibologie [ndt: figure de style qui consiste en une ambiguïté grammaticale qui peut donner lieu à diverses interprétations d’une même phrase]: « Avant de venir ici, j’ai prié les vêpres, avec le pape Benoît, comme le fait tout prêtre catholique. Et cela dit tout » [“Prima di venire qui ho pregato con Papa Benedetto, come ogni sacerdote cattolico fa, i vespri. E questo dice tutto”].

En effet, tout est dit. La construction astucieuse de la phrase permet parfaitement de la comprendre comme suit : « Avant de venir ici, je priais les vêpres, comme le fait un vrai prêtre catholique, c’est-à-dire EN UNION AVEC LE PAPE BENOÎT ».

Mais entrons dans le vif du sujet et laissons Mgr Gänswein poursuivre, selon la vidéo:

Le pape Benoît m’a dit, tout d’abord: « Ne faites pas un salut institutionnel, faites un salut personnel de ma part et dites à tout le monde : ‘Je n’ai pas mérité cette illustre liste de présentateurs’. J’ai dit : « Saint Père, si je dis cela, ils ne me croient pas, mais j’obéis »; « Ou vous croyez ou vous ne croyez pas, si vous ne croyez pas, lisez, soit Jérémie, soit Isaïe. Je ne dis pas quel verset et quel chapitre, mais la réponse est là » ( «O credete o non credete, se non credete leggete, o Geremia o Isaia. Non dico quale versetto e quale capitolo, ma lì è la risposta» ).

Nous vous laissons imaginer le choc lorsque, au chapitre 36, verset 5, l’auteur de ces lignes a lu cette phrase :

« Jérémie ordonna donc à Baruch : « JE SUIS EMPÊCHÉ et je ne peux pas entrer dans le temple du Seigneur ».

Le Saint-Père, dont nous disons depuis deux ans qu’il est empêché, a choisi parmi 73 livres bibliques le seul dans lequel apparaît l’expression « je suis empêché« .
(…)

Mais passons maintenant au deuxième livre de l’Ancien Testament cité par le Pape, celui d’Isaïe, qui ne parle pas d’empêchement, mais mentionne le mot « prisonnier »/ »captifs » pas moins de 14 fois. Le thème de leur libération victorieuse revient sans cesse : les prisonniers qui doivent sortir des ténèbres : « Moi, le Seigneur, je t’ai appelé pour la justice et je t’ai pris par la main ; je t’ai formé pour que tu ouvres les yeux des aveugles et que tu fasses sortir de la prison les captifs, de l’enfermement ceux qui habitent dans les ténèbres » (42,6). Cela semble être une invitation très claire aux prêtres fidèles à Benoît XVI, mais qui vivent encore dans la clandestinité, à sortir de l’obscurité et à crier la vérité, à savoir que le pape est seulement Benoît XVI.

Encore une fois, les prisonniers, libérés, répudieront leurs geôliers : « …ils feront prisonniers ceux qui les avaient asservis et domineront leurs adversaires » (14,2).

Un point en particulier nous a frappé, au ch. 51, verset 14 :

Bientôt, le prostré sera libéré, il ne mourra pas dans un cachot, et le pain ne lui manquera pas !

En résumé : le pape s’est déclaré empêché, mais le prisonnier (lui-même) sera bientôt libéré (…) Les prisonniers, c’est-à-dire les vrais catholiques, seront libérés et le Seigneur rendra justice.

[fin de la citation d’Andrea Cionci
https://www.liberoquotidiano.it/articolo_blog/blog/andrea-cionci/33413372/dal-libro-di-geremia-il-codice-ratzinger-definitivo-di-benedetto-xvi-io-sono-impedito-.html]

Je n’ai traduit l’article qu’en partie, la totalité est à lire en vo sur son blog, dans un italien très accessible au traducteur automatique: il en vaut la peine.

Pour finir, je cite Benoît XVI répondant à une question de Peter Seewald en 2016 dans son livre « Dernières conversations »

«Vous connaissez la prophétie de Malachie, qui au Moyen Age compila une liste des papes futurs, prévoyant également la fin du monde, ou tout au moins la fin de l’Église. Selon cette liste la papauté se terminerait avec votre pontificat. Et si vous étiez effectivement le dernier à représenter la figure du pape telle que nous la connaissons à ce jour?».

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«Tout peut être» (« tout est possible »)

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Benoît XVI, Dernières conversations, Fayard 206, page 263
Cité par Antonio Socci, benoit-et-moi.fr/2016/actualite/benoit-xvi-dernier-pape
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